Utilisation de la « spirométrie incitative)) en rééducation respiratoire

Note de technique
Utilisation de la «spirométrie
incitative)) en rééducation
respiratoire
chez le tétraplégique
Ann. Kinésithér., 1980, 7, 387-397
J.P. RICO *
La rééducation des insuffisances respiratoires chez le traumatisé
médullaire est encore trop peu souvent évoquée. L'auteur a le mérite
d'avoir recherché avec soin l'évolution des paramètres respiratoires sur
une population traitée en spirométrie conventionnelle. Il a ensuite
appliqué avec bonheur une technique faisant appel àla notion de
«feedback)) ou de gratification instantanée; tant il est vrai qu'en
fournissant au patient une information constante sur ses progrès, on
améliore lapeiformance en rééducation.
On peut regretter le très petit nombre de sujets soumis àl'utilisation
de la «spirométrie incitative )),mais au moins la technique d'utilisation se
trouve ici clairement expliquée, avec les justifications nécessaires. La
poursuite de cette rééducation amènera l'auteur àproduire plus tard une
validation de la technique du service.
INTRODUCTION
La CV et le VEMS, dont la mesure est essentielle pour la connaissance
des syndromes respiratoires restrictifs et obstruct!fs, dépendent l'un et
l'autre de facteurs multiples. L'élasticité thora co-pulmonaire conditionne
de manière importante le VEMS(2) de même d'ailleurs que les facteurs
musculaires de motricité volontaire respiratoire.
Quand ces facteurs sont nuls, comme chez les tétraplégiques, un
autre facteur devient plus important: la liberté des voies aériennes. Quant
àla CV, elle est d'autant meilleure chez le tétraplégique que le diaphragme
*Kinésithérapeute, Service de Rééducation et Réadaptation Fonctionnelle (Pr. J. Bourret), Hôpital Henry-
Gabrielle, Route de Vourles, F 69230 Saint-Genis-Laval.
L'auteur remercie sincèrement le Docteur P. Minaire et le Docteur C. Charles pour leurs conseils et leurs
encouragements.
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a plus largement la possibilité de refouler la masse abdominale. Ainsi
s'explique l'amélioration de cette ev lorsque le sujet passe de la position
assise au décubitus dorsal. En position déclive, le refoulement du
diaphragme par la masse viscérale abdominale favorise l'expiration,
augmentant le VEMS ainsi que le coefficient de Tiffeneau, améliorant la
chasse des sécrétions bronchiques (5). Par contre, lors de la verticalisation,
la ev est égale à environ 30 %de la normale, d'où une ventilation
inefficace.
Le même auteur (5) estime que la compression abdominale par une
ceinture en position verticale recrée l'antagonisme expirateur du
diaphragme. Il est vrai que cette action reste limitée. La ventilation
maxima d'un tétraplégique ne saurait excéder 3,2 I/mn (2), ce que nos
chiffres confirment.
L'importance de ces divers facteurs avait de longue date déjà été
soulignée par Guttman (4) qui soulignait la gravité fonctionnelle des
troubles entraînés par la paralysie des muscles intercostaux et abdo-
minaux, le rôle aggravant des lésions thoraciques ou sternales et l'effet
favorable de la contraction du trapèze, scalène et sterno-cléidomastoïdien,
qui augmentait le diamètre antéro-postérieur du thorax, donc la ev et le
retour veineux.
Dans le même sens, Poncet (5) notait que le tétraplégique, grâce aux
muscles de la ceinture scapulaire restés fonctionnels, pouvait expirer de
façon appréciable par le mécanisme d'une action en levier des membres
supérieurs sur la cage thoracique.
D'où l'intérêt d'une rééducation de ces diverses activités musculaires
apparemment secondaires chez le tétraplégique. Et de fait, Grimby (3)
constate, après un entraînement de six mois, une amélioration stable de la
ev et, par voie de conséquence, une réduction de la fréquence et de la
gravité des encombrements bronchiques.
Le tétraplégique ne possède, pour assurer sa ventilation, que des
muscles inspirateurs: le diaphragme, grand dentelé, grand et petit
pectoral, grand et petit rond, scalène, sterno-mastoïdien, trapèze. Le
diaphragme assure le tiers de la ventilation normale, en inspiration. On
comprendra ainsi que la ev d'un tétraplégique ne puisse excéder 30 %de
la ev normale.
Mais le diaphragme se conduit aussi, grâce àson élasticité, comme un
muscle expira te ur, d'où l'explication d'un coefficient de Tiffeneau élevé. Il
est donc essentiel d'entretenir la souplesse et le jeu de l'hyper-extensibilité
thoracique. Pour ceci, contrairement àPoncet, nous utilisons des appareils
àpression positive en inspiration (Bennett). Celui-ci, muni d'un système à
pression positive en fin d'expiration (PEEP: positive end expiratory
pressure), peut aider aux désencombrements bronchiques, technique
pratiquée au centre d'insuffisants respiratoires. Par contre, il ne peut aider
la rééducation musculaire proprement dite.
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Il paraît donc essentiel d'inclure dans un programme de rééducation,
la recherche d'une amplitude maximale de course diaphragmatique, de
noter dans un bilan répété et régulier la ev et le VEMS, de surveiller de
près l'apparition du syndrome broncho-infectieux. Plus la ev est haute,
moins le tétraplégique a de risque de voir s'associer un syndrome broncho-
infectieux (3).
La respiration glosso-pharyngée ou frog-breathing (respiration de la
grenouille), qui consiste à inhaler de l'air pur par un mouvement de pompe
de la langue, peut, par hyper-pression intra-thoracique, rendre une toux
efficace et doubler temporairement la ev. Cette idée avait déjà été
évoquée par Stauffer (7) qui souligne toutefois que ce genre de respiration
est bien moins efficace chez le tétraplégique que chez le poliomyélitique.
Les trapèzes et scalènes, augmentant le diamètre antéro-postérieur
du thorax et donc la dépression intra-thoracique, facilitent le retour
veineux. Il paraît donc essentiel de faire appel à la rééducation respiratoire
pour prévenir les risques thrombo-emboliques.
Aucun auteur n'évoque l'encombrement intestinal ainsi que la
spasticité sur les abdominaux. On a toutes les raisons de penser que ces
deux éléme'nts modifient aussi la course diaphragmatique.
MÉTHODOLOGIE
Population
Groupe contrôle
35 malades tétraplégiques traumatiques sont passés dans le service entre 1975 et
1978 (3 femmes et 32 hommes). et leurs dossiers ont servi à"étude des paramètres
ventilatoires.
3 malades de niveau neurologique C4-C5
- 22 malades de niveau neurologique C5-C6
5 malades de niveau neurologique C6-C7
4 malades de niveau neurologique C8-0 1
22 malades ont subi une intervention sur la colonne vertébrale cervicale.
11 malades ont retrouvé la marche après tétraplégie initiale incomplète:
- 7 malades ont récupéré,
- 3 syndromes de type Brown-Sequard,
- 1 syndrome de Schneider.
24 tétraplégiques complets.
7 de ces malades ont eu des trachéotomies. Ils sont arrivés trachéotomisés dans le
service et leur capacité vitale n'a pu être mesurée, faute de moyens (cette mesure est
maintenant possible).
18 malades ont associé des syndromes broncho-infectieux (de type encombrement)
dont la durée a varié de 2 jours à5 mois.
16 malades ont subi des interventions chirurgicales cutanées (escarre sacrée), ce qui
a nécessité une immobilisation stricte en décubitus ventral prolongé.
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Groupe-test
Une deuxième série de 13 malades tétraplégiques a été soumise àun essai de
rééducation respiratoire, àl'aide d'un spiromètre électronique (spirométrie incitative).
Appareillage et mesures
Le spiromètre mécanique simple (1)
Le spiromètre àembout buccal permet l'enregistrement du flux expiratoire. Lourd, il
prend de la place. Mais son emploi est simple et c'est une qualité. Il a été peu utilisé en
matière de rééducation, mais il est utile en appareil de mesure, car il permet de garder un
enregistrement.
Le spiromètre électronique (2)
Cet appareil compact est portatif, alimenté par batterie, et utilise un transducteur à
thermistance comme élément détecteur du flux.
Une unité de calcul sous la forme d'un microprocesseur permet de donner les
résultats en volumes, directement. Il est beaucoup plus sophistiqué, donc plus fragile.
C'est un appareil léger, pratique car ses commandes sont digitales et sont réduites au
minimum. De plus, chacune d'entre elles a plusieurs fonctions, selon le mode d'utilisation:
- analyseur de la fonction pulmonaire: CV et VEMS,
- spirométrie incitative: nombre d'essais réussis, volume cumulé, nombre total de
tentatives.
En matière de rééducation, le «Calculair» R nous a permis une motivation
supplémentaire àla rééducation respiratoire car le tableau technique àlecture directe
facilite l'emploi et le maniement, donc un gain de temps appréciable pour l'opérateur.
Nos mesures ont porté sur la CV, le VEMS, le coefficient de Tiffeneau, la fréquence
respiratoire / minute, la fréquence cardiaque.
Ces éléments sont déterminés àdifférents stades d'évolution:
- début de «soins alités» : décubitus ventral; décubitus dorsal;
- fin de «soins alités» :décubitus dorsal;
- début de phase ambulatoire: assis,
- fin de phase ambulatoire: assis,
- début de rééducation àla marche,
- départ.
RÉSULTATS
Etude de l'évolution de la capacité vitale chez les tétraplégiques :
spirométrie de mesure
Au début de l'alitement complet
En l'absence d'encombrement broncha-pulmonaire, on peut remarquer
(cf tableau) :
(1) «Vitalographe » : Pest y Technomed, rue Fénelon, 69000 Lyon.
(2) «Calculair» : Laboratoire Hospal, 6. rue de Penthièvre, 75008 Paris.
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une tachycardie sans rapport avec la position;
une fréquence respiratoire élevée par rapport au sujet sain;
une capacité vitale basse qui représente environ 25 %de la valeur
normale et varie peu en fonction de la position de décubitus, bien que nos
échantillons ne soient pas comparables (27 dorsaux - 5 ventraux). Il
semble qu'elle augmente pourtant légèrement en décubitus dorsal;
- un VEMS qui varie en fonction de la position: plus élevé en
décubitus dorsal qu'en décubitus ventral;
- le coefficient de Tiffeneau semble normal en décubitus ventral mais
s'avère élevé en décubitus dorsal.
TABLEAU 1. -Tableau comparatif des paramètres ventilatoires durant le séjour.
Nombre
ev
VEMS
Tiffe-
Fréqu.
Pouls
MoV·
de litres litres
neau
resp.
Plmn
des
cas
/mn
ages
Au début d'alitement complet sanssyndrome broncho-infectieux DO 27
1,78 ±0,651,48 ±0,65
83
20
10025 ans
ov 5
1,72 ±0,76 1,25 ± 0,54
7220100
*avec syndrome broncha-infectieux 00181,43 ± 0,401,13 ± 0,35
79 25 ans
4 mois
En fin d'alitement complet sanssyndrome broncho-infectieux 00152,04 ± 0,681,71 ± 0,61
88
14,1
8225 ans
*avec syndrome broncho~infectieux 00181,99 ± 0,671,69 ± 0,67
85 29 ans
4mois
Début de la période ambulatoire Assis 24
2,21 ± 0,73
1,86 ±0,6284,7
00C14
ASC15 75,2
AAC 16
Finde la rééducation
Assis 24
2,91 ±O,73
2,23 ± 0,74
77
Début de la rééducation àla marche
Assis 11
2,42 ±0,53
1,95
81
Départ du malade qui marche
2,98 ± 0,52
2,44
82
*DD décubitus dorsal
DV décubitus ventral
ASC assis sans ceinture abdominale
AAC assis avec ceinture abdominale
Lorsqu'il y a encombrement bronchique ou pulmonaire:
- la capacité vitale accuse 0,3 1 de moins qu'un tétraplégique
restrictif pur durant cette même période, soit 20 %de moins;
- le VEMS est diminué par rapport aux malades non encombrés;
- le coefficient de Tiffeneau chute de 4 %par rapport au syndrome
restrictif pur.
Remarques
- En position décubitus ventral, le diaphragme ne réalise pas à
391
1 / 11 100%

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