La science du cassage

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La science du cassage
1. Résumé
Pour réussir un cassage, nous devons déployer plus de force sur la
planche que cette dernière ne le peut, en sens opposé.
Dans la phase d’amorce, il faudra accumuler une quantité minimale
d’énergie. Cette énergie minimale à accumuler devra être supérieure à
celle que l’objet pourra opposer au moment de l’impact.
Sachant que l’énergie est égale à la moitié de la masse multiplié par le
carré de la vitesse, il faudra que la partie du corps (coude, talon, côté de
main, etc.) qui impactera la cible ait accumulé un maximum d’énergie.
Cette dernière sera principalement constituée à partir de la vitesse de
déplacement du membre mais aussi par le poids qu’on pourra concentrer
sur cette partie du corps au moment de l’impact.
Ce que l’on veut en cassage, c’est de transférer l’énergie accumulée
pendant la phase d’amorce sur un point de contact ayant la surface la plus
petite possible. Pour la même énergie à l’impact, plus la surface sera
faible, plus la pression exercée sur ce point de la cible sera grande
(pression = poussée / unité de surface). C’est la pression qu’on exerce au
point d’impact (qui est plus grande que celle opposée) qui causera la
rupture de la planche. On peut dire que la planche cèdera sous la
pression.
Pour optimiser nos chances de casser, trois critères supplémentaires et
importants sont nécessaires.
•
•
•
Il faut premièrement que l’impact se fasse à l’endroit le plus
favorable sur la cible (la précision).
Il faut deuxièmement que l’impact soit le plus perpendiculaire
possible à la cible (optimiser la direction ‘’utile’’ du mouvement).
Ceci est pour minimiser la perte d’énergie par une mauvaise
trajectoire de la frappe (la technique).
Troisièmement, l’aspect psychologique joue un rôle important dans
la réussite d’un cassage car on doit vaincre la peur que nous
impose l’épreuve et qu’aucune distraction ne nous empêche
d’effectuer un mouvement le plus parfaitement possible (la
concentration).
C’est donc la réunion de tous ces aspects qui nous amènera à atteindre
une maîtrise suffisante nous permettant d’optimiser nos performances lors
d’une épreuve de cassage.
2. Introduction
Le tameshiwari est une facette des arts martiaux qui permet de mesurer
ou d’évaluer la force de frappe qu’un karatéka développe au cours de sa
carrière. Cette discipline requiert une grande maîtrise technique sans
laquelle l’athlète atteint rapidement une certaine limite dans sa capacité de
frappe et augmente énormément ses risques de blessure durant la
pratique de l’activité.
Bien que le cassage comporte plusieurs épreuves, nous nous limiterons à
une seule d’entre elle pour tenter d’expliquer simplement, avec quelques
principes physiques, ce qui se passe lors de l’action. Le cassage par
shuto sera celui traité mais les mêmes principes s’appliqueront aux autres
épreuves (hiji, shotei, kakato et autres).
Nous ne nous attarderons pas à la matière qui est cassée car celle-ci
entraîne quelques variables dues à leur état physique (flexibilité, dureté,
densité, friabilité, etc.). Également, nous ne nous attarderons pas à
l’aspect psychologique de l’activité car il est clair que pour viser de
grandes performances, l’athlète doit être mentalement prêt, ce qui joue un
rôle considérable dans l’atteinte des objectifs d’une personne.
Pour expliquer ce qui se passe durant une épreuve de cassage, nous
nous servirons des règles de la mécanique classique de Newton. Les
notions de masse, d’énergie, de force, d’accélération, de vitesse, de
déplacement, de distance, de vecteur et de plusieurs autres concepts
serviront à expliquer simplement ce qui se passe dans chaque
composante du mouvement.
3. L’action et la réaction
Dans sa troisième loi du mouvement, Newton nous explique que :
‘’À toute action correspond toujours une réaction égale et opposée’’. Cela
signifie que les forces mutuelles qu’exercent deux corps l’un sur l’autre
sont toujours égales en grandeur mais orientées en sens contraire.
Pratiquement parlant, cette loi, appliquée à une épreuve de cassage, nous
dit que pour réussir notre cassage, nous devons déployer plus de force
sur la planche que cette dernière ne le peut, en sens opposé, sur notre
côté de main. Donc, si on a tenté un cassage et que nous avons échoué,
c’est qu’au moment de l’impact, la planche a exercé sur notre côté de
main une force égale à celle que nous avons déployé pour tenter de
casser celle-ci.
Un exemple concret pour illustrer ce principe serait le suivant :
On veut pénétrer à l’intérieur d’un centre commercial dont l’entrée est
munie d’une porte rotative. Si cette porte n’est pas en mouvement et
qu’on ne pousse que très légèrement, la porte ne se mettra pas à tourner.
Celle-ci applique donc en sens opposé la même force que celle que nous
exerçons sur la porte. Par contre, en poussant de plus en plus fort, à un
moment donné, la force que nous appliquons dépassera la capacité
d’opposition de la porte et celle-ci se mettra à tourner. Plus la force que
nous appliquons dépassera celle qu’exerce la porte en sens opposé, plus
la porte gagnera de l’énergie et tournera rapidement (cependant, la force
maximale opposée que la porte exerce sur nous sera toujours présente et
constante). On appelle cette force opposée ‘’la résistance’’. C’est ce
principe qui est expliqué plus en détail au chapitre suivant.
4. Bâtir l’énergie
Comme ce fut le cas dans l’exemple des portes tournantes, pour pouvoir
casser une planche, il faudra accumuler une quantité minimale d’énergie.
Cette énergie minimale à accumuler sera légèrement supérieure à
l’énergie maximale que la planche peut opposer.
La seconde loi du mouvement de Newton stipule que la force consiste au
déplacement d’un corps à une certaine vitesse selon la formule suivante :
F=M*A
F = Force (mesurée en Kg m/s2 ou Newton)
M = masse (mesurée en Kg)
A = accélération (changement de vitesse mesurée en m/s2)
De cette loi découle la notion d’énergie (E) qui est, par définition, la
résultante d’une force appliquée sur une certaine distance (D). Donc, une
force appliquée sur une certaine distance (D/2) nous donnera l’équation
de l’énergie :
E=½*D*F
Si on remplace, dans l’équation de l’énergie, la variable force (F) par ses
deux composantes (M et A), on obtient une nouvelle équation pour
l’énergie :
ou
E=½*D*M*A
E = ½ * M * D * A (après permutation des variables)
Sachant qu’une accélération (A) appliquée sur une certaine distance (D)
est égale au carré de la vitesse (V), on obtient l’équation de l’énergie :
E=½*M*V*V
On découvre donc que l’énergie est égale au produit de la masse par le
carré de la vitesse, ou encore :
E = ½ * M * V2
Maintenant, comment utiliser ces lois pour expliquer le cassage par
shuto? En voici l’explication :
Considérons pour le moment que la technique du mouvement et la
précision de l’impact soient parfaites. Il ne s’agit alors que de décrire le
mouvement avec nos formules pour comprendre ce qui se passe.
Phase préparatoire
Le karatéka prépare son amorce en position debout, les deux bras tendus
vers le bas et les mains l’une dans l’autre pour préparer son shuto. De
cette position, la main qui sera utilisée pour casser la planche décrira le
plus grand cercle possible en montant le plus haut possible au dessus de
la tête et en descendant directement vers la cible. Pendant tout ce trajet
circulaire, le karatéka fera gagner à sa main le plus de vitesse possible de
telle sorte qu’à l’impact, la main aura atteint la vitesse maximale de toute
sa trajectoire. Plus la trajectoire sera grande (donc plus l’amplitude du
mouvement le sera), plus la vitesse maximale (idéalement à l’impact)
pourra l’être. C’est la composante ‘’V’’ de l’équation de l’énergie ci-avant.
Transfert de poids
De sa phase d’amorce, nous avons dit que le karatéka est en position
debout. Si on frappe la cible, disons, à la hauteur de la taille en restant
parfaitement droit et sans bouger, alors la masse qui frappera la cible sera
égale à celle de la main. Hors, nous savons que la cible est généralement
environ à la hauteur des genoux de l’athlète et que, pour obtenir un
résultat idéal, au moment de l’impact, l’athlète plie les genoux. Par cette
action, une partie de la masse du reste du corps de l’athlète aura été
transférée à la main qui impactera la planche. C’est la composante ‘’M’’
de l’équation de l’énergie ci-avant. Ici, la valeur de M possède deux
composantes : la masse de la main ainsi que la partie de la masse du
corps transféré à la main par le fléchissement des genoux. Donc, d’après
notre formule de l’énergie, plus la masse sera grande, plus l’énergie à
l’impact le sera également. Par une maîtrise technique, le karatéka pourra
maximiser la masse transférée à sa main pour maximiser l’énergie
déployée.
Trajectoire
Les deux premiers paramètres ne sont pas les seuls qui entrent en jeux
lors du cassage. Il y a également la composante vectorielle qui a son mot
à dire. Lorsque l’angle d’approche sur la cible n’est pas parfaitement
vertical, il en résulte une perte vectorielle de l’énergie disponible comme
l’illustre la figure ci-après. :
En effet, les données suivantes indiquent le pourcentage de l’énergie
totale disponible en fonction de l’angle d’impact :
Angle d’impact
0 degré
5 degrés
10 degrés
15 degrés
% de l’énergie
100,0 %
99,6 %
98,5 %
96,6 %
Angle d’impact
20 degrés
25 degrés
30 degrés
45 degrés
% de l’énergie
94,0 %
90,6 %
86,6 %
70,7 %
Il est donc important de frapper la cible parfaitement à la verticale pour ne
pas ‘’gaspiller’’ une partie de l’énergie qu’on aura accumulé durant la
phase d’amorce.
Pratiquement parlant et pour illustrer les principes ci-haut, les quelques
exemples suivants illustrent certaines des raisons expliquant pourquoi
plusieurs cassages peuvent être ratés :
4.1. Par peur de se blesser (ou intimidation face à l’inconnu ou au défi que
représente la pièce à casser), le karatéka va ‘’retenir’’ son élan, réduisant
ainsi la vitesse de sa main à l’impact et donc diminuant l’énergie
disponible pour la rupture de la planche. C’est la composante ‘’V’’ qui
affectera l’énergie à l’impact.
4.2. Une autre raison pour ne pas avoir assez de vitesse est d’effectuer une
rotation à une vitesse angulaire maximale mais avec les coudes pliés.
L’amplitude étant moindre, la distance parcourue par la main sera plus
faible alors la vitesse résultante (distance par unité de temps) ne sera pas
optimale. C’est encore la composante ‘’V’’ qui affectera l’énergie à
l’impact.
4.3. Au lieu de se laisser littéralement ‘’tomber’’ avec sa main, le karatéka
reste plutôt ‘’rigide’’ durant le déplacement de sa main. De cette façon, la
masse ‘’disponible’’ à l’impact est réduite car il n’y aura pas eu un
transfert de poids adéquat.
Donc, la composante ‘’M’’ affectera
négativement l’énergie disponible pour la rupture de la planche.
4.4. Au lieu de frapper la cible parfaitement verticalement, celle-ci est frappée
avec un certain angle par rapport à la verticale. Par exemple, un angle
d’approche de 30 degré par rapport à la verticale va réduire l’énergie
disponible à l’impact de 14%, ce qui peut être suffisant pour nous faire
échouer un cassage lorsqu’on est à la limite de notre capacité.
Donc, en conclusion pour cette première partie, nous pouvons affirmer ce
qui suit :
4.4.1.
4.4.2.
4.4.3.
La vitesse joue un rôle beaucoup plus important que la
masse sur la réussite d’un cassage. Par exemple, une
personne de 50 Kg avec une vitesse de frappe de 20 m/sec
pourra avoir exactement la même énergie à l’impact qu’une
autre de 100 Kg mais avec une vitesse de frappe de 14
m/sec considérant que les techniques soient identiques.
Donc, un poid inférieur de 50% ne doit être compensé que
par une vitesse que de 30 % supérieure pour avoir le même
impact.
L’aspect technique d’un cassage demeure un facteur
primordial pour optimiser l’énergie disponible à l’impact.
Le facteur précision est également critique car plus on
s’éloigne du point le plus faible de la cible (qui est
généralement le centre de celle-ci), plus il faudra déployer
de l’énergie pour obtenir un résultat.
5. L’impact
Nous avons vu à la section précédente que pour réussir un cassage, nous
devions, dans un premier temps, ‘’construire’’ une certaine quantité
d’énergie. Nous savons également que cette énergie doit être supérieure
à la résistance qu’offre la planche si on veut réussir à la casser. Nous
avons également appris au chapitre 3 et à partir de la troisième loi de
Newton qu’ ‘’à toute action correspond toujours une réaction égale et
opposée’’.
Dans la présente section, nous verrons comment cette énergie se
transmet à la planche et comment, en la concentrant, nous maximiserons
nos chances de réussir son cassage. Pour cela, il faut introduire la notion
de pression pour expliquer ce qui se passe au moment de l’impact.
On peut visualiser la pression en utilisant comme exemple une équipe de
bonhommes, tous du même côté et poussant sur une automobile en
panne. Si cette automobile est sur un terrain plat, il faudra une certaine
poussée (ou pression) pour faire avancer l’automobile. Si l’automobile est
dans une pente, la poussée devra être plus ou moins grande selon que
l’automobile doit monter ou descendre la côte. En utilisant cette analogie,
on peut illustrer ce qui se passe lors d’un cassage.
Premièrement, imaginons que la planche est constituée d’une multitude
de petits bonhommes, tous répartis de façon homogène sur toute la
surface de celle-ci. Plus les bonhommes sont situés au centre de la
planche, plus ils sont faibles. Ce sont ces petits bonhommes qui offriront
‘’l’action opposée’’ à la main qui se présentera pour frapper la planche.
Considérons également que chaque bonhomme ne peut se déplacer pour
aller aider si un ou plusieurs d’entre eux est frappé.
En second lieu, imaginons que la main qui se présente sur la planche pour
la casser est constituée de bonhommes dont le nombre et la force sont
proportionnelles à l’énergie accumulée lors de la phase d’amorce.
Considérons également que chaque bonhomme de la main a la possibilité
de se déplacer pour aller aider ceux qui vont rencontrer les bonhommes
de la planche.
Lorsque la main touche la planche, plus la surface de contact est faible,
moins il y aura de bonhomme de la planche pour s’opposer au très grand
nombre de bonhommes qui se seront concentré à la surface de la main (et
qui ont unis leur force). Donc, la poussée (pression) qu’exerceront les
bonhommes de la planche sur la main sera beaucoup moins grande que
la poussée (pression) qu’exerceront les bonhommes de la main sur la
planche. Les bonhommes de la planche ouvriront donc le chemin pour
laisser passer la main au complet.
En découpant l’impact en une infinité de photographies qui représentent
chacune quelques millièmes de seconde et en regardant le point d’impact
au microscope, on a une meilleure image de ce qui se passe réellement.
Lorsque la main entre en contact avec la planche (qui offre une certaine
flexibilité), la pression augmente progressivement, suivi pas à pas par la
poussée opposée de la planche.
Celle-ci, en se déformant
progressivement, fait augmenter la pression opposée jusqu’à un point
maximum après quoi, il y aura rupture instantané. Le graphique suivant
illustre le phénomène :
Processus de rupture d'une planche
60
Pression
40
20
0
0
2
4
6
-20
-40
Pression appliquée
Pression opposée
-60
Déformation
8
10
En résumé, ce que l’on veut en cassage, c’est de transférer l’énergie
accumulée pendant la phase d’amorce sur un point de contact ayant la
surface la plus petite possible. Pour la même énergie à l’impact, plus la
surface sera petite, plus la pression exercée sur ce point sera grande
(pression = poussée / unité de surface). C’est la pression qu’on exerce au
point d’impact (qui est plus grande que celle opposée) qui causera la
rupture de la planche. On peut dire que la planche cèdera sous la
pression.
Denis Lamothe, MSc
Texte révisé et corrigé par Shihan Raynald Lamarre
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