Assiste-t’on au Chant du Cygne de l’Abeille ?
Par Renaud Delfosse
Je n’ai pu m’empêcher d’avoir la larme à
l’œil quand j’ai découvert la catastrophe…
C’était pourtant une colonie prometteuse,
avec une belle et jeune reine. Toutes
mortes
Pourquoi ?
Il y avait encore des réserves de nourriture.
Une poignée de cadavres dans laquelle je
n’ai pas retrouvé la reine.
Il aurait du en y avoir beaucoup plus. Pas de
traces de pillage…
Que s’est-il donc passé ?
C’est avec cette question que j’ai entamé la
dernière saison apicole en découvrant une
de mes ruches sans vie.
Oh, j’ai encore eu de la chance…
Je n’ai perdu ainsi qu’une ruche sur six.
Une partie non négligeable de mes amis apiculteurs ne peuvent pas en dire autant. Jugez-en.
Certains de mes collègues ont vécu ceci : Un rucher à Huy : toutes mortes. Un autre à Dinant : pas de
survivantes. Chez un bon apiculteur de Couvin : des pertes incroyables. Dans ma région de La Hulpe,
quelques pertes et des colonies faibles… Et à Bruxelles, pas de problèmes…
Plus de 35 % des ruches...
Vous avez bien lu !...
Plus de 35% des avettes ont disparu cet hiver en Belgique !… Et à Bruxelles, pas de problèmes
Le phénomène est mondial et les pertes vont jusqu’à 90% dans certaines régions du globe comme
aux Etats-Unis… Et à Bruxelles, pas de problèmes…
Mais là, on ne parle que des pertes franches, pas de l’état général des cheptels.
Quatre de mes ruches restantes ont commencé la saison en étant très faibles et n’ont jamais réussi à
redresser la pente. J’ai donc du les rassembler deux à deux pour en faire des colonies pouvant
espérer passer cet hiver 2008-2009. De six ruches je suis donc passé à trois.
Perte réelle : 50% dans mon cas.
Celles et ceux qui ont voulu cette année encore apprécier le bon goût du miel récolté artisanalement
et avec amour dans mes ruches en ont été pour leurs frais.
Plus d’abeilles, plus de miel !
Dont acte… Et à Bruxelles, pas de problèmes…
Et à Bruxelles, pas de problèmes !…
Cette phrase commence à tourner dans ma tête comme une petite ritournelle.
Et à Bru…
Zut, ça me reprend !...
Et pourquoi donc?
L’air de la capitale serait donc salutaire ?
A ce jour, personne ne sait exactement pourquoi les abeilles disparaissent ainsi par milliards. Toutes
sortes de théories des plus farfelues aux plus scientifiques ont éévoquées. Aucune n’a été vérifiée
entièrement et de manière satisfaisante.
Je vous ferai grâce des théories extra-terrestres…
La première veut que les apiculteurs soient des incapables ou peu loin s’en faut. Il est certain que tous
ne pratiquent pas l’apiculture avec un soin extrême mais c’est une activité humaine vieille comme le
monde remontant au berceau de l’humanité. Des siècles d’apiculture, avec, certes, quelques erreurs
de gestion bien humaines, ne peuvent, selon moi, expliquer le déclin extrêmement rapide de ces deux
dernières années.
Une autre théorie accuse Varroa destructor Anderson & Trueman,
un acarien, d’être la cause du déclin des abeilles
domestiques. Ce parasite suce l’hémolymphe (liquide
pouvant être assimilé au sang des insectes) et, ce faisant,
inocule à la larve de l’abeille des viroses. Il affaiblit ainsi
les adultes sur lesquels il est fixé. Il a été découvert en
Europe pour la première fois en 1982, provenant d’Asie
où les abeilles ont « appris » à vivre avec lui au cours des
siècles d’infestation.
Depuis 26 ans, les apiculteurs luttent contre cet animal
qui, au bout de deux ou trois saisons, peut venir à bout
d’une colonie entière.
Il est vrai que la lutte a parfois tenté certains apiculteurs à
utiliser des produits extrêmement nocifs. Il est vrai qu’il
fait des ravages s’il n’est pas contrôlé. Il est vrai aussi
qu’il est vecteur de maladies virales graves. Mais que
répondre au constat que les populations d’abeilles
sauvages, qui n’intéressent pas VD, sont également en
décrépitude ? Que dire aux apiculteurs qui utilisent des
méthodes douces pour réduire l’infestation de leurs
colonies par VD et qui n’ont, selon les cas, aucun
problème ou ont tout perdu ?
Certains chercheurs ont incriminé un protozoaire responsable d’une maladie appelée nosémose.
Cette maladie est connue depuis 1976 et est présente à l’état latent dans toutes les colonies sans en
affecter l’ensemble de la population d’abeilles. Elle ne se déclare que dans des ruches déjà affaiblies
et ne peut donc être considérée comme responsable de la disparition des abeilles.
Une hypothèse concernant la présence d’un virus s’attaquant au système nerveux des abeilles a été
émise sans qu’aucune preuve n’ait pu étayer celle-ci jusqu’à ce jour. Cet hypothétique virus n’a pas
encore montré le bout de son nez…
Il est certain que des colonies déjà affaiblies pour diverses raisons souvent inconnues développent
plus facilement des maladies. On observe une recrudescence de ces maladies dans diverses régions
mais sans que ce constat ne puisse être associé à l’effondrement des populations d’abeilles.
Dans les années 70, ma vieille voisine déclarait dans son wallon natal à toute personne qu’elle
rencontrait qu’ « ils » nous avaient détruit le climat « à cause de tous ces spoutniks qu’ils nous ont
envoyé au-dessus de la tête ». Intuitivement, comme beaucoup de vieilles personnes de la
campagne, elle avait déjà remarqué les changements climatiques que nous ne pouvons plus nier
aujourd’hui. Seule la cause nous semble aujourd’hui un peu farfelue.
Toutes les personnes un peu sensibles à notre environnement vous le diront, la période de floraison
de différentes espèces de plantes à fleurs est souvent avancée de deux à quatre semaines quand ce
n’est pas plus. Les abeilles, quant à elles, sont rythmées non seulement par les températures
extérieures mais également par la longueur des jours qui, elle est immuable, l’homme n’ayant pas
encore, heureusement, pu influencer la rotation de la terre autour d’elle-même et du soleil. Ainsi, dans
nos régions, la reprise de la ponte de la reine (qui s’est reposée de cette che pendant l’hiver)
correspond depuis que notre climat est tempéré maritime, à la floraison du saule marsault (Salix
caprea Linne) ou plutôt, de plus en plus fréquemment, correspondait à cette floraison, le saule ayant
une fâcheuse tendance à fleurir de plus en plus tôt. Les abeilles loupent alors un apport capital de
nectar et de pollen frais pour leurs larves.
En fin de saison, c’est le contraire qui se passe de plus en plus souvent. Les derniers apports se
trouvant de plus en plus tôt dans l’année, la période entre l’hivernage des colonies et les dernières
floraisons est beaucoup plus longue. Ne trouvant plus de quoi se nourrir à l’extérieur, les abeilles
doivent alors entamer leurs réserves beaucoup plus tôt pour beaucoup plus d’individus et des larves
qu’il faut réchauffer, ce qui demande de l’énergie. La disette menace donc assez rapidement la
colonie, forçant l’apiculteur attentif à agir en nourrissant les colonies affamées au sucre candi en cours
d’hiver.
Il me semble pouvoir faire plusieurs autres constats sur la vie des colonies que je crois pouvoir lier aux
changements climatiques mais ils reposent uniquement sur ma propre et unique expérience. Je ne les
livrerai donc pas ici.
Nous constaterons tout de même que le comportement des abeilles est fortement influencé par les
conditions climatiques et que les fluctuations de ces dernières, si elles ne facilitent pas la vie des
colonies et de l’apiculteur, n’expliquent pas non plus, à elles seules, l’effondrement des colonies.
Les abeilles sont sensibles aux ondes électromagnétiques. C’est normal, me direz-vous, elles ont des
antennes ! Cette petite plaisanterie ne doit pas occulter le fait que l’expérience a pu démontrer chez
elles une forte sensibilité aux ondes. Cela pourrait expliquer des problèmes d’orientation des
butineuses qui ne retrouveraient pas leur ruche à cause de l’implantation massive d’antennes GSM
émettant avec de plus en plus de puissance. Cette théorie
semble peu plausible par le fait me que les colonies des
villes semblent se porter bien malgré la grande concentration
d’antennes urbaines. Et à Bruxelles, pas de problèmes !
Et les pesticides ?
Nous avons trop souvent tendance à crier haro sur les
agriculteurs qui les utilisent. En effet, certains d’entre eux sont
très conscientisés par cette problématique et se sont tournés
vers des solutions alternatives tel que le bio. Les autres sont
bien souvent les otages d’une politique européenne de
l’agriculture demandant des rendements tels qu’ils sont
obligés d’utiliser des biocides pour pouvoir atteindre leurs
quotas et faire vivre leur famille tout en remboursant leurs
emprunts. Ayons toujours à l’esprit que 33% des pesticides
sont utilisés, souvent à mauvais escient et à des doses trop
importantes par les particuliers.
Les abeilles sont, bien entendu, en tant qu’insectes, très
sensibles aux insecticides et autres pesticides qui, non
seulement peuvent être mortels mais également peuvent
entraîner des troubles tels que des pertes d’orientation
(pyrethrinoïdes) ou de notion du temps (parathion).
Les semences enrobées de molécules telles que l’imidaclopride donnent des plants de maïs, par
exemple, imbibés de cet insecticide sans pulvérisation. Ce qui met, a priori les abeilles à l’abri de la
contamination par aspersion. C’est sans compter sur la rémanence (temps de vie du produit avant
qu’il ne soit dégradé) très longue de ces produits. La plantation de phacélie, par exemple, à la rotation
suivante donnera des plantes à fleurs chargées de cet insecticide entraînant la contamination des
abeilles. Il a été également prouvé que les poussières de cet enrobât contaminent également
gravement l’environnement. Ces molécules ont été, sous la pression des apiculteurs, interdites en
France. Elles sont encore utilisées en Belgique. Qui n’a pas encore entendu parler de Gaucho ou de
Régent, les noms de marque de ces produits ? Il apparaît aujourd’hui comme évident que notre
environnement est entièrement contaminé par ces produits neurotoxiques.
Certains détracteurs ont signalé que les disparitions d’abeilles étaient encore bien présentes en
France malgré l’interdiction de ces produits neurotoxiques.
Une nouvelle théorie, émise par le Professeur J. Cummins, de l’université d’Ontario, mérite notre
attention. Notre environnement est pollué d’une série impressionnante de biocides dont certains sont
constitués par des champignons pathogènes pour les insectes et utilisés pour la lutte biologique. Il se
pourrait bien que ce soit l’interactivité entre certains pesticides de la classe des néonicotinoïdes avec
ces pathogènes fongiques qui pourrait être la cause principale du déclin des abeilles, même à très
faible dose.
Et à Bruxelles, pas de problèmes ! Le fait que des villes comme Bruxelles ne soient pas encore
tombées dans le marasme de la disparition des abeilles pourrait bien corroborer cette hypothèse, les
champs traités par ces champignons ne faisant pas partie de l’environnement urbain pollué par les
seuls pesticides domestiques.
Voilà où l’on en est…
D’ici à ce qu’on trouve une solution qu’il
est urgent de trouver (sous peine de
perdre le reste de nos abeilles et un
facteur essentiel de pollinisation), je vous
invite à venir visiter notre rucher didactique
de La Hulpe lors d’une prochaine
promenade « abeilles » que je donnerai au
printemps prochain. Surveillez à cet effet
l’agenda du CNB… Il est très probable
également que vous trouverez lors des
prochains mois autres articles qui me
permettront de vous faire découvrir de
façon plus positive, je l’espère, le monde
fascinant des abeilles…
Sources :
CARI asbl
Le déclin des Abeilles, Etienne Bruneau
Abeilles et Compagnie, périodique bimestriel du CARI asbl
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