4 Cahiers de praxématique, 37, 2001
Les phénomènes de grammaticalisation peuvent aussi porter sur des
formes de « pronoms », qu’il s’agisse de déictiques ou d’anaphoriques.
C’est ce qui se produit en amharique, par exemple, où la topicalisation
d’un constituant est marquée par l’emploi d’un suffixe dont l’origine est
le pronom de troisième personne, dans une construction qui pourrait
être considérée, toutes proportions gardées, comme l’équivalent
du français : X, lui, + P, qui souligne toutefois davantage l’effet de
contraste entre plusieurs référents.
Il serait donc intéressant, mais ceci constituerait une étude d’un
autre ordre, de replacer le système élaboré par le français dans une pers-
pective typologique, pour réduire ensuite l’observation au cas parti-
culier des marqueurs lexicaux.
Rappelons que nous n’abordons pas ici la question de l’ordre des
syntagmes, limitant nos observations aux marqueurs dont le rôle est
assumé par une expression particulière ; une étude plus complète
devrait évidemment prendre en compte les deux aspects de la pro-
blématique, dans la mesure où certaines relations peuvent être établies
entre les deux domaines : tel ou tel marqueur ira de pair avec un ordre
des mots nettement déterminé et imposé, tel autre au contraire pouvant
apparaître dans une syntaxe de position moins rigide. C’est dans une
telle perspective qu’il conviendrait de replacer le système du français,
ou, plus exactement, les divers systèmes successifs qui jalonnent l’his-
toire de la langue.
La question essentielle, en ce qui concerne le français, semble donc
être celle du changement de statut d’un syntagme, changement syntaxi-
que, mais aussi changement sémantique et pragmatique ; un circonstant
— ou un complément essentiel — évolue vers une fonction non régie,
indépendante des relations de rection ou de hiérarchisation qui carac-
térisent la structure de la proposition. Parallèlement, les valeurs séman-
tiques « référentielles » et la portée intrapropositionnelle se trouvent
modifiées pour laisser la place à une valeur énonciative, celle d’un
introducteur de topique. Comme nous l’avons déjà indiqué rapidement
plus haut, ce type de modification illustre bien un des aspects du mou-
vement général de grammaticalisation tel que le décrit E. Traugott
(1982) : d’une étape propositionnelle, « objective », certaines expres-
sions peuvent évoluer jusqu’à une étape plus « subjective », énoncia-
tive. Rappelons qu’une étape intermédiaire est d’ordinaire attestée, celle