Nouveaux modèles économiques et innovation sociale Du techniquement faisable au socialement souhaitable Katalin Kolosy, AEIDL Katalin Kolosy a participé au séminaire «Nouveaux modèles économiques et innovation sociale: une opportunité pour une meilleure Europe» organisé par le Comité économique et social européen (CESE) et le Global Hub for the Common Good (Centre mondial pour le bien commun) le 16 février 2017 à Bruxelles. En ces temps difficiles, c'est probablement la première fois que nous devons «changer délibérément le cours de l'économie mondiale afin de protéger les plus vulnérables et d'améliorer la vie de la plupart d'entre nous», estime Christina Figueres1. En février, le CESE et le Global Hub for the Common Good ont rassemblé un panel d'acteurs représentant les modèles émergents de la «nouvelle économie d'innovation sociale» afin d'essayer de clarifier les fondements théoriques du phénomène. Environ 150 participants, dont des représentants de Ouishare, Fairphone, Blablacar et d'autres acteurs de l'économie collaborative, circulaire, etc., ont pu échanger avec leurs pairs et présenter leurs choix et approches stratégiques sous l’œil critique d’universitaires et de membres des institutions européennes. Le citoyen, transformé en producteur et «créateur», est au cœur de ces modèles émergents. Pour certains, ce passage du capitalisme managérial au capitalisme participatif n’est qu’une nouvelle opportunité de rendre le capitalisme plus efficace. Pour d'autres, l'objectif est de faire passer ce nouveau paradigme du techniquement faisable au socialement souhaitable. Cette «boussole éthique» est évidente dans des initiatives d’envergure mondiale telles que Fairphone, une entreprise sociale basée aux Pays-Bas qui a lancé le mouvement de «l'électronique pour tous» en 2013. Elle peut maintenant compter sur une communauté (#WeAreFairphone) de quelque 115 000 détenteurs de ces «téléphones équitables». Fairphone, qui milite pour l'économie sociale dans son ensemble, s'est engagée depuis 2015, à travers la B Corporation certification, à promouvoir un nouveau type d'entreprises qui utilisent leur savoir-faire pour résoudre les problèmes sociaux et environnementaux. 1 Ancienne Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Autre exemple: #refugeeswelcome, une plateforme numérique basée à Berlin qui met en relation citoyens et réfugiés et se finance au travers de micro-dons, du financement participatif ou de soutiens financiers en «bitcoin». Mais certaines de ces entreprises sociales se heurtent à la législation du travail et l'approche par l'inclusion sociale est une bouée de sauvetage qui n’est pas suffisante lorsque le bateau coule... Le débat a également insisté sur le risque d'élargir la fracture numérique entre les territoires géographiquement éloignés (les zones de montagne, par exemple) et les hotspots connectés. L'une des solutions à ce problème serait à terme d'introduire ces nouveaux modèles économiques dans les programmes scolaires. Le séminaire a aussi été l’occasion d’en savoir plus sur GABV, the Global Alliance for Banking on Values, un réseau indépendant de 40 banques et coopératives bancaires éthiques qui investissent pour un développement durable, au service des populations, des territoires et de l'environnement. L'objectif est de se recentrer sur les valeurs européennes fondamentales de nos sociétés humaines, à savoir les trois P: Personne, Planète, Prospérité. En théorie, l'avenir de ces modèles reste incertain et leur efficacité pour réduire les inégalités sociales continue de susciter des controverses. L’économiste Christian du Tertre estime que l'économie fonctionnelle peut être une alternative intéressante au modèle fordiste industriel. Sa thèse est que pour atteindre le développement durable, les composantes environnementales et sociales doivent être intégrées dans toutes les décisions de l'entreprise. Mais cela ne peut se faire que par le biais d’un changement institutionnel et de l'innovation sociale, en impliquant les usagers/citoyens finaux dans la boucle. Pour le représentant de la DG CONNECT de la Commission européenne, ces nouveaux modèles représentent plus une innovation sociétale qu’une innovation sociale: on passe du «think tank» (laboratoire d’idées) au «do tank» (laboratoire d’action). Selon lui, une nouvelle profession est en train de naître, «le passeur.» Et les choses bougent rapidement. Le Comité économique et social européen a récemment créé un groupe d'étude permanent sur les entreprises d'économie sociale (EES). En février 2017, la Commission européenne (DG GROW) a lancé une consultation des parties prenantes dans le secteur de l'hébergement (Airbnb, etc.). À la DG ENV, une étude sur l'impact environnemental net de l'économie collaborative est en cours et une autre étude sur les implications de l'économie circulaire sur l’emploi est en train d’être lancée. Plusieurs événements majeurs seront également organisés d’ici l'été: - - - 2 En avril 2017, ECOLISE et plusieurs des partenaires de SIC (Social Innovation Community) se sont associés au Global Hub for the Common Good pour organiser à Malaga (Espagne), du 19 au 22 avril, le premier «Forum mondial sur la nouvelle économie et l’innovation sociale (NESI)». A Toulouse (France), en mai 2017, le FabLab Festival rassemblera des milliers de «makers» et «Fablabs»2 du monde entier qui présenteront leurs projets au public à travers stands, débats, ateliers, etc. En juin 2017, la Conférence Open Innovation 2.0 se tiendra à Cluj-Napoca (Roumanie), sous les auspices du Groupe Open Innovation Strategy and Policy Les Fablabs sont des espaces hybrides cogérés par des «makers» ou «créateurs-fabricants», dans le but de générer des activités partagées dans divers domaines: éducation et formation (apprentissage, atelier manuel, formation pratique, enseignement pour tous, éducation populaire), investissement (financement participatif, nouveaux instruments financiers), consommation (recyclage, écologie), inclusion sociale (accueil non-discriminatoire, prix abordables). Ils sont également appelés «Tiers Lieux», «Maker Spaces», «Living Labs», «Media Labs», «Coworking», etc. Le mouvement des makers s’inspire des principes du «Do it Yourself» (A faire soi-même) et s’appuie notamment sur le mouvement numérique des logiciels libres (open source). (OISPG) de la DG CONNECT, du Comité européen des Régions et d’autres partenaires. Comme l'a fait remarquer Diego Isabel La Moneda du Global Hub for the Common Good pour conclure le séminaire: «Si nous voulons être fiers d'être des Européens, nous devons appliquer nos valeurs à notre système économique et mettre les gens et la planète au centre des modèles de la nouvelle économie. Et ces modèles ne sont pas que des concepts. Derrière, il y a de vraies personnes, de vrais entrepreneurs, qui transforment l'économie en partant du bas vers le haut. » En savoir plus: Compte-rendu officiel: http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.presidentnews&itemCode=41562 Interventions: http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.events-and-activities-new-economymodels Analyse approfondie du Parlement européen («L'économie collaborative: questions socioéconomiques, réglementaires et incidences sur le travail»): http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2017/595360/IPOL_IDA(2017)595 360_EN.pdf Le «hub» du bien commun Le Global Hub for the Common Good se veut un forum pour les institutions, les entreprises, les organisations et les citoyens «qui croient dans un monde meilleur». Il s'agit d'un «réseau mondial, indépendant, novateur, ouvert et participatif de personnes et d'organisations». Objectif déclaré: «Créer ensemble un nouveau système politique, économique et social visant le bien commun mondial». Mission: «Mettre en relation», combler l'écart entre société civile, innovation et entreprise; promouvoir «la gouvernance pour le bien commun». Le Global Hub for the Common Good a été officiellement lancé le 10 novembre 2015 à Madrid. Fondé par Diego Isabel La Moneda, le mouvement s’inspire de l'économie pour le bien commun telle que définie par l'économiste et écrivain autrichien Christian Felber. Sources: https://www.linkedin.com/company/global-hub-for-the-common-good http://commongoodhub.com/the-global-hub-for-the-common-good-is-officially-launched/ 03/2017