Mise en page 1 - Acquisition et interaction en langue étrangère

RÉSUMÉ
Cet article présente une étude de l’organisation de l’information en topique dans
le discours descriptif à visée spatiale, produit par des locuteurs natifs adultes et
enfants, en anglais, en polonais et en français ainsi que par des apprenants adultes
polonais et anglais du français L2.
De façon générale, cette étude s’articule autour des questions suivantes :
Dans quelle mesure, l’ordre topique-commentaire supposé ‘universel’ est-il
réellement respecté dans les trois langues étudiées ?
- Et comment l’analyse des moyens linguistiques spécifiques aux langues,
utilisés par des locuteurs natifs de différents âges et par des apprenants adultes
d’une L2, pourrait-elle expliquer les cas où cet ordre n’est pas avéré ?
Nos résultats montrent que l’âge et les différences interlinguistiques influencent
considérablement l’organisation de l’information au niveau du discours et de
l’énoncé. Ainsi, les enfants locuteurs L1 des trois langues étudiées construisent
à 4 ans des descriptions très différentes de celles qui sont produites par des
locuteurs adultes ou par des enfants plus âgés. De plus, les anglophones
organisent l’information au niveau de l’énoncé, en L1 et en L2, de façon
différente des polonophones et des francophones.
L’ORGANISATION DE L’INFORMATION EN TOPIQUE
DANS LES DISCOURS DESCRIPTIFS EN L1 ET EN L2
Aile 26 – 2008
Henriëtte HENDRIKS & Marzena WATOREK 1
(Université de Cambridge, RCEAL &
Université de Paris VIII, UMR 7023. CNRS)
1. Marzena Watorek - [email protected]
Henriëtte Hendriks - [email protected]
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Nos résultats permettent également de revenir sur les questions portant sur la
définition du topique en s’appuyant sur des critères indépendants des structures
linguistiques utilisées pour l’exprimer.
(Mots clés : acquisition L1 vs L2, description spatiale, structure informa-
tionnelle, topique.)
1. Introduction
Dans cet article, nous présentons l’organisation de l’information en
topique dans le discours descriptif à visée spatiale produit par des locuteurs
natifs adultes et enfants, en anglais, en polonais et en français ainsi que par des
apprenants adultes polonais et anglais en français L2.
Nous partons d’une caractéristique générale concernant l’ordre des
informations topic-comment (topique-commentaire) ou thème-rhème dans un
énoncé, selon laquelle l’information topique précède les informations qui ne
sont pas fournies par le contexte. De façon générale, notre étude s’articule
autour de la question suivante : dans quelle mesure l’ordre topique-commentaire
supposé ‘universel’ est-il réellement respecté dans les trois langues étudiées.
L’analyse des moyens linguistiques spécifiques aux langues nous permet
d’expliquer les cas où cet ordre n’est pas avéré dans les productions analysées.
Cette question est abordée à travers l’analyse de la manière dont
différents types de locuteurs organisent dans leur discours l’information
constituant le topique de l’énoncé et/ou du discours. Plus spécifiquement, nous
analysons 1) l’information exprimée dans le topique (thème ou relatum spatial)
et 2) le placement du topique en position initiale, médiane, ou finale dans
l’énoncé.
Cette étude nous permettra de discuter des problèmes liés à la définition
du topique à la lumière des résultats obtenus.
2. La notion de topique
Les définitions du topique dans la littérature qui traite de ce sujet sont
fort nombreuses. Dans cette étude, nous n’identifions pas le topique au premier
constituant de la phrase (cf. p.ex. Halliday, 1967) même si cela est souvent le
cas. Il ne s’agit pas non plus du topique en tant que sujet grammatical de la
phrase ou ayant une position syntaxique privilégiée (cf. Rizzi, 1997).
Notre conception se rapproche davantage de la perspective selon laquelle
le topique est envisagé comme le thème dont on parle, notion exprimée par
aboutness (cf. Lambrecht, 1994). D’après cette définition, l’information en
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topique est déjà donnée dans le contexte. Par opposition au topique défini de
cette manière, l’information qui n’est pas fournie correspond au commentaire
ou focus (cf. topique-comment,topique/focus)2.
Selon cette approche, le topique constitue une partie de la structure
informationnelle de l’énoncé qui est elle-même une composante de la langue
dans la mesure où “representations of states of affairs are paired with
lexicogrammatical structures” (Lambrecht, 1994:5). Il est intéressant alors de
voir, d’abord, comment ces structures lexicogrammaticales encodent le topique
selon les langues dans un contexte discursif bien défini. Ensuite, il est également
intéressant de voir comment les enfants de différentes langues résolvent le
problème de l’interaction entre les structures lexicogrammaticales et
informationnelles. Et finalement, s’il est vrai que les langues divergent, au
moins partiellement, dans la manière de structurer l’information (cf. Carroll &
von Stutterheim, 1993), il faut se tourner vers les productions des apprenants
adultes L2, afin de voir comment ils encodent les mêmes informations en
produisant un discours en L2. Car, l’acquisition des procédés nécessaires à la
construction du discours semble dépendre de facteurs différents en L1 et en L2
(cf. p.ex. Slobin, 1993).
Par ailleurs, nous nous intéressons particulièrement à l’ordre des
éléments dans la structure informationnelle. Certaines études avancent l’hypo-
thèse d’un stade universel où l’ordre de base ‘topique-focus’, correspondrait à
un mode pragmatique ou pré-syntaxique (Givón, 1979). Cependant, Givón
(1983) argumente en faveur d’un ordre primaire ‘focus-topique’suivant en cela
un principe psychologique sous-jacent, selon lequel on fournit d’abord ce qui
est le plus urgent du point de vue communicatif. Nous pouvons donc entrevoir
deux ordres possibles : l’information connue (donnée) avant l’information
nouvelle (given before new) ou l’information la plus importante d’abord (first
things first). Ces ordres seraient motivés par des principes pragmatiques,
psychologiques ou communicatifs, mais dans tous les cas pré-syntaxiques,
principes qui conditionnent la présentation des informations, leur ordre par
exemple, en fonction du contexte et co-texte de la situation de communication,
son but, l’interlocuteur etc.
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2. Les termes de focus et de commentaire sont employés dans différents travaux
portant sur la structure informationnelle. Cependant, comme on le verra, on attribue
à ces termes le même sens. Dans notre analyse nous adoptons la terminologie du
modèle de la quæstio (Klein & von Stutterheim, 1991) pour désigner la structure
informationnelle : topique/focus.
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À ce sujet, une étude récente de Dimroth & Narasimhan (2008) apporte
d’autres éléments. En testant la préférence pour l’un des deux ordres dans
l’énoncé, ces chercheuses montrent que si les adultes suivent l’ordre given
before new, les enfants de 3 et 5 ans adoptent en revanche l’ordre inverse new
before given.
3. Données textuelles et méthodologie du recueil de données
Nous basons notre analyse sur des textes provenant de la banque de
données du projet APN 2JE454 portant sur la construction du discours par des
enfants et des apprenants adultes (cf. Watorek, 2004b). Pour notre étude, nous
utilisons les descriptions spatiales recueillies dans une tâche communicative, qui
consistait à décrire une affiche représentant une ville pour un interlocuteur qui
ne la connaît pas et avec qui il ne partage pas le champ visuel. Le locuteur devait
donc donner une description qui permettait à son interlocuteur de reproduire la
représentation picturale.
Notre corpus se compose des productions d’enfants monolingues de 4,
7 et 10 ans des trois langues considérées, de locuteurs monolingues adultes
natifs de ces langues (3 groupes de contrôle), ainsi que des productions d’appre-
nants polonais et anglais du français L2 (voir le tableau 1 pour les détails).
Tableau 1: Corpus des données textuelles
4 ans 7 ans 10 ans Adultes Apprenants L2 post-basiques
Français 10 10 10 10
Anglais 10 10 10 10 Ang > Fr 6
Polonais 10 10 10 7 Pol > Fr 6
4. Cadre d’analyse et type de discours.
4.1. Le modèle de la Quæstio et la définition du topique.
Nos données sont analysées dans le cadre du modèle de la Quæstio
proposé par Klein & von Stutterheim (p.ex. 1991). Selon ce modèle d’analyse
du discours, tout texte répond à une question globale, explicite ou implicite –
Quæstio – qui permet de distinguer la trame du discours de son arrière-plan.
Les énoncés faisant partie de la trame répondent directement à la quæstio. Ainsi,
la quæstio globale permet de définir un type de discours en termes de domaines
référentiels qui le caractérisent.
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Par ailleurs, la quæstio permet d’assigner la structure topique-focus aux
énoncés de la trame, qui constituent sa réponse. Ainsi, le topique correspond à
une information dont il est question et qui est déjà donnée dans la quæstio
constituant le contexte de la production du discours. À ce titre, la définition du
topique qui se dégage de ce modèle s’inscrit dans une perspective où le topique
est compris en tant qu’aboutness (cf. Lambrecht, 1994, infra, section 2). De
plus, ce modèle explicite davantage le niveau discursif de l’analyse du topique.
Par ailleurs, le modèle permet d’analyser le déroulement de l’informa-
tion (cf. le mouvement référentiel) d’un énoncé à l’autre à travers le texte. Les
informations appartenant aux différents domaines référentiels concernés par un
type de discours donné (le temps, l’espace, les entités, les procès etc.) sont intro-
duites et ensuite maintenues ou changées au cours de la construction du discours.
En s’appuyant sur le modèle de la quæstio, l’analyse des discours rend
compte de l’interaction entre (i) la distribution des informations de la trame vs
l’arrière-plan du discours, (ii) la structure topique/focus des énoncés de la trame,
et (iii) la structure informationnelle relevant du mouvement référentiel. Cette
interaction fait apparaître la nécessité de distinguer entre le topique du discours
et le topique de l’énoncé qui ne coïncident pas toujours.
Le topique du discours relève de la quæstio globale et correspond à
l’information du/des domaine(s) référentiel(s) donné(s) dans la quæstio.
L’analyse de la structure informationnelle d’un énoncé dans un discours bien
défini doit tenir compte de l’interaction entre la structure topique/focus de cet
énoncé et les phénomènes de maintien vs changement de l’information résultant
du mouvement référentiel. Cette interaction montre qu’une quæstio globale ne
peut pas à elle seule rendre compte de la structure discursive, ce qui a conduit
certains chercheurs à proposer un dispositif d’analyse de sous-quæstiones,
quæstiones locales (cf. Ahrenholz, 2000) ou variantes de la quæstio (cf.
Watorek, 1996). Cela s’est imposé aussi dans notre analyse.
4.2. Description spatiale statique.
Dans une description spatiale statique, le locuteur doit construire une
localisation spatiale à savoir, une relation entre une entité de référence et une
entité à localiser, entités auxquelles on réfère respectivement par relatum et
thème3. Le thème est un objet occupant une certaine portion de l’espace. Le
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3. Nous adoptons dans cet article la terminologie relatum/thème proposée par Klein
& Nüse, 1997.
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