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LA LAÏCITE FACE AU DOUBLE PIEGE DE L’ISLAMISME ET DE L’ISLAMOPHOBIE
Marie Laure Smilovici
Derrière ce titre il s’agit de mener une réflexion sur le concept d’islamophobie et son appropriation, sa
récupération, aussi bien par la laïcité que par l’islamisme. Une rapide introduction permet à travers trois
documents vidéo (Nicolas Sarkozy sur France Info parle en 2012 de « musulmans d’apparence », une agression
verbale islamophobe dans les transports parisiens au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 et Elisabeth
Badinter sur France Inter qui revendique le fait d’être traitée d’islamophobe en janvier 2016) de rentrer tout de
suite dans le sujet.
Le concept d’islamophobie est très présent dans l’espace public car tout le monde le connaît et pourtant, tout
devient complexe, s qu’il s’agit de faire l’histoire de ce néologisme et encore plus lorsqu’il s’agit de
s’accorder sur une définition. Derrière ces difficultés on perçoit tout de suite l’ampleur des enjeux qu’il
véhicule.
L’idée selon laquelle « l’islamophobie » a été inventée à la fin des années 1970, en 1979 pour être plus précis
lors de la révolution iranienne par les mollahs pour interdire la critique du régime et pour voiler les femmes est
au début une erreur factuelle. Mais lorsque cette origine est reprise et martelée, le plus souvent de façon
délibérée, cela devient une faute.
C’est Caroline Fourest, journaliste et essayiste qui est à l’origine de cette diffusion quand elle affirme en 2003,
mais sans source véritable ou au moins sans les citer
« Le mot “islamophobie” a une histoire, qu’il vaut mieux connaître avant de l’utiliser à la légère. Il a été
utilisé en 1979, par les mollahs iraniens qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le
voile pour de “mauvaises musulmanes” en les accusant d’être “islamophobes”. () En réalité, loin de
désigner un quelconque racisme, le mot islamophobie est clairement pensé pour disqualifier ceux qui résistent
aux intégristes : à commencer par les féministes et les musulmans libéraux. »
Idée reprise par Pascal Bruckner dans Libération en novembre 2010
« Forgé par les intégristes iraniens à la fin des années 70 pour contrer les féministes américaines, le terme
d’«islamophobie», calqué sur celui de xénophobie, a pour but de faire de l’islam un objet intouchable sous
peine d’être accusé de racisme. »
Une affirmation largement reprise par les médias, les militants et les politiques. Manuel Valls en juillet 2013
alors ministre de l’Intérieur donne une interview à l’OBS titrée « L’islamophobie est le cheval de Troie des
salafistes », entrevue dans laquelle il affirme
« Je suis ministre de l’Intérieur, il ne m’appartient pas de réglementer l’usage d’un mot. Les mots ont un sens,
et le terme suscite la polémique. Moi, je choisis ceux que j’emploie… derrière le mot "islamophobie", il faut
voir ce qui se cache. Sa genèse montre qu’il a été forgé par les intégristes iraniens à la fin des années 1970
pour jeter l’opprobre sur les femmes qui se refusaient à porter le voile… ». Or c’est faux, archifaux. Dans son
affirmation Caroline Fourest ni ne cite ses sources ni n’argumente. Et cette prétendue origine
« d’islamophobie » est en fait assez facile à démonter.
Il n’existe pas en persan, la langue des Iraniens, d’équivalent à islamophobie ni à son adjectif. Même remarque
pour l’arabe on parle plutôt d’hostilité à l’islam (au moins jusqu’aux années 1990). Enfin avec un peu de
recul critique, il serait pour le moins curieux qu’avec la richesse de ces deux langues, l’une ou l’autre ait forgé
un néologisme aux racines grecques…
Nous nous trouvons face à des difficultés à discerner des équivalents dans les langues concernées car il s’agit
en réalité d’un néologisme français, qui remonte au tournant du XXe siècle et qui s’inscrit dans l’histoire
coloniale française. Il a été utilisé pour la première fois par Quellien et Delafosse en 1910. On parle alors à leur
propos « d’administrateurs-ethnologues », ils sont des spécialistes d’études sur l’islam africain et font d’emblée
une typologie avec le constat d’une part d’une « islamophobie de gouvernement » reposant sur une
différenciation des musulmans dans ce qu’était alors le système colonial français en Afrique et d’autre part
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d’une « islamophobie savante et cléricale » qui véhicule à la fois des préjugés et une méconnaissance de cette
religion. Quellien dans sa thèse de droit, soutenue et publiée en 1910, définit l’islamophobie comme un
« préjugé contre l’islam », préjuqu’il trouve quant à lui un peu exagéré. Et dans le même ordre d’idées de
critique, d’ignorance et d’excès à l’égard de l’islam sont également disponibles les écrits d’Etienne Dinet,
artiste peintre, converti à l’islam en 1913, représentant militant de la peinture orientaliste algérienne. E. Dinet
souhaite l’égalité entre colons et colonisés dans l’Empire français, considère que l’islamophobie renvoie à
l’orientalisme et n’est pas compatible avec une démarche scientifique. Il précise enfin que ce mot traduit « une
singulière ignorance des mœurs arabes » et en donne comme définition « une hostilité plus ou moins déguisée
de l’Europe contre l’islam ».
Donc clairement des racines françaises qui s’inscrivent dans l’histoire coloniale et dans celle de l’orientalisme
sont à l’origine du néologisme « islamophobie ». Puis la notion disparaît plus ou moins, malgré quelques
occurrences ponctuelles trouvées au cours du XXe siècle jusqu’à 1997 moment où l’on peut précisément dater
sa diffusion contemporaine à la suite de la publication d’un rapport produit par un think tank (Runnymede
Trust) engagé dans les questions d’égalité raciale. Ce think tank fonctionne comme tous les autres laboratoires
d’idées, formé d’experts, généralement indépendant des États, il élabore des propositions, produits des études et
des rapports. Et justement le rapport qui nous intéresse paraît en 1997 et est intitulé « Islamophobie, un défi
pour nous tous ». Il connaît tout de suite un large écho et dès lors l’islamophobie est à la fois reconnu dans
l’espace public et politique et en même temps analysé comme concept sociologique en GB d’abord, puis dans
l’ensemble du monde anglo-saxon. Les attentats du 11 septembre font le reste en lui conférant une diffusion
planétaire.
Le deuxième sujet de débats, de critiques et d’enjeux autour d’islamophobie porte sur l’étymologie même de la
notion. Littéralement avec le suffixe « phobos/phobie » il s’agirait d’une peur panique et irraisonnée et non
d’une critique rationnelle du sujet évoqué, ici de l’islam. Sur le plan sémantique le suffixe « phobie » est
souvent critiqué comme trop réducteur. Tout comme dans « homophobie », « xénophobie » et de nombreux
autres mots avec ce même suffixe il s’agit chaque fois d’un rejet de l’Autre avec un grand A mais qui ne relève
pas, loin s’en faut, de la seule peur irrationnelle. Malgré tout, et quelles que soient les critiques formulées à son
encontre, il apparaît d’évidence que le concept d’islamophobie s’impose à ce moment-. L’enjeu se reporte
maintenant sur les contours précis de la définition à donner à ce nouveau phénomène.
Avant même d’en passer par une tentative de définition l’historicisation du phénomène semble incontournable.
Les différentes études, surtout anglo-saxonnes mais aussi françaises, s’attardent longuement sur des racines
historiques de l’islamophobie, à la fois diverses et anciennes telles que les croisades, la Reconquista espagnole,
la conquête de l’Amérique, la période coloniale, la guerre d’Algérie, l’histoire de l’immigration et enfin les
attentats du 11 septembre 2001. La diversité de ces racines historiques, dans le temps comme dans l’espace,
amène la question de l’échelle d’analyse du phénomène. Le rejet de l’Autre aux États-Unis est à mettre en lien
avec l’impérialisme que pratique ce pays depuis le XIXe siècle alors que si l’on considère un pays comme la
France, toujours dans cette approche nationale, l’héritage colonial est le principal facteur historique à
convoquer. L’islamophobie est donc un phénomène à appréhender selon différentes échelles, le global c'est-à-
dire l’échelle de la mondialisation, le national, nous nous limiterons ici surtout à l’exemple de la France et
l’échelle locale tout en gardant présent à l’esprit que les différentes échelles s’imbriquent entre elles.
La définition donnée par le rapport de 1997 du think tank Runnymede Trust évoque « la crainte ou la haine de
l’islam et par extension la peur et l’hostilité à l’égard de tous les musulmans ». Ainsi l’islamophobie devient un
phénomène, proche du racisme, qui construit et qui perpétue des représentations négatives de l’islam et des
musulmans et qui ainsi donne lieu, de la part des individus et des États à des pratiques violentes, à des actes
discriminatoires et d’exclusion.
Ce que de nombreuses études, historiques comme sociologiques, observent c’est un glissement des marqueurs
de rejet. En effet le rejet de certaines populations qui étaient caractérisées par quelques marqueurs, toujours les
mêmes : un marqueur ethnique « arabe », un marqueur racial « noir », ou encore un marqueur selon l’origine
« immigrés, maghrébins »… tous ces marqueurs opèrent un glissement vers un marqueur unique, le
marqueur religieux « musulman ». Penser à la vidéo de Nicolas Sarkozy au lendemain des attentats perpétrés
par Mohamed Merah en mars 2012 vidéo dans laquelle le président de la République parle sur les ondes de
Radio France de « musulman d’apparence…enfin l’un des deux était catholique mais musulman d’apparence
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comme on dit de la diversité visible ».On est bien dans le glissement du marqueur ethnique vers le marqueur
religieux.
La comparaison de l’islamophobie avec l’antisémitisme, très souvent évoquée et qui a certes de nombreuses
limites va dans le même sens. On se retrouve face à 2 groupes qui dans des contextes historiques totalement
différents connaissent et subissent un même phénomène de racialisation religieuse : c’est à dire qu’il s’agit à
leur encontre d’un racisme structuré et culturel plutôt que d’une peur irrationnelle ou d’une intolérance
religieuse. Et, c’est d’ailleurs ce qui explique que certains préfèrent parler de « racisme anti-musulman » car ce
sont les personnes qui sont visées plus que la religion elle-même.
Diffusée à partir de 1997 la notion d’islamophobie est devenue incontournable après les attentats du 11
septembre 2001. Pour se limiter aux deux espaces que sont les États-Unis et la France mais qui de fait sont
assez révélateurs des mutations du phénomène on se rend compte que la recherche internationale s’accélère. En
France c’est l’IEP d’Aix-en-Provence autour de Bruno Étienne qui montre un véritable dynamisme et le
premier essai français paru sur le sujet avec explicitement la notion d’islamophobie dans le titre date de 2003.
Il s’agit de « La nouvelle islamophobie » un petit livre de Vincent Geisser (chargé de recherches au CNRS et à
l’IREMAN à Aix-en-Provence) qui malgré un certain nombre de prises de position « islamophiles » est avant
tout un chercheur. En quelques mots le point sur cet ouvrage.
En 2003 les attentats du 11 septembre sont dans tous les esprits, l'islam fait depuis peu l'objet de critiques
violentes qui se nourrissent de tous les amalgames et de toutes les confusions notamment avec l’islamisme et le
terrorisme islamiste d’une part et la théorie de Samuel Huntington sur le « Choc des civilisations » d’autre part
qui devient comme une feuille de route pour la politique extérieure des États-Unis. Sous ces diverses influences
l’idée se répand que l'islam est une religion dangereuse et qu'il représente une menace pour la France et ses
valeurs. Vincent Geisser fait dans cet ouvrage une enquête approfondie et une analyse de la rhétorique
antimusulmane. Il tente de mettre en lumière les anciens et les nouveaux acteurs d’une islamophobie « à la
française », et tout y passe : les autres monothéismes qui, souvent dans leur forme radicale, se méfient et
éprouvent de la crainte ; la xénophobie de l’extrême-droite ; l’offensive des intégristes de la laïcité ; le
glissement progressif de la méfiance à la crainte voire la haine à l’égard du musulman qui semble succéder à
l’Arabe mêlant dans un inquiétant amalgame religion, racisme et peur des nouvelles « classes dangereuses »,
les jeunes de banlieues. Un livre qui dérange mais a un véritable écho international qui précède de peu les
débats sur le voile qui agitent et divisent la France en 2004.
En 2004 toujours Kofi Annan qui est alors secrétaire général de l’ONU donne à la notion d’islamophobie une
légitimité réelle puisqu’il l’utilise dans ses discours et donc dans le cadre de cette fonction éminemment
représentative qu’est celle du secrétaire général mais aussi parce qu’il en cerne certains contours « Quand le
monde est contraint d’inventer un nouveau terme pour constater une intolérance de plus en plus répandue,
c’est une évolution triste et perturbante. C’est le cas avec l’islamophobie ».
Dans cette première présentation force est de remarquer que la recherche et les ouvrages sur l’islamophobie se
sont multipliés depuis le début du XXIe siècle et que désormais la plupart de ces études utilisent le terme
parfois sans le définir quand d’autres apportent leur contribution à une définition qui se veut de plus en plus
étoffée et qui concerne désormais les préjugés et les discriminations. C’est le cas notamment d’Érik Bleich qui
en 2011 met en avant dans sa définition « des attitudes ou émotions négatives et sans distinction ni nuance à
l’encontre de l’islam ou des musulmans ».
Parallèlement le phénomène lui-même s’est considérablement amplifié et il devient nécessaire d’appréhender
qui sont les victimes de l’islamophobie car c’est bien de cela qu’il s’agit au delà de la compréhension d’un
concept polémique, la recension des actes islamophobes en France
L’islamophobie comme discrimination collective est bien une réalité vécue par de nombreux concitoyens en
France, comme un nouveau racisme qui vise les musulmans qui expriment leur foi ou qui, selon un certain
consensus populaire qu’exprimait Nicolas Sarkozy dans l’introduction en ont les traits physiques.
Le bilan des actes islamophobes pour l’année 2015 selon le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) et
l’ONI (Observatoire National contre l’Islamophobie) est de 429 actes antimusulmans pour 2015 contre 133
pour 2014 , c’est dire que ces actes ont plus que triplé.
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Quels enseignements tirer de cette explosion des actes islamophobes en France ?
1/Avant tout s’arrêter à la nature de la source. La source de ce recensement des actes islamophobes est à la fois
la plus fiable et la plus modérée qui soit. L'Observatoire de l'islamophobie du Conseil Français du Culte
Musulman présidé par Dalil Boubakeur et depuis janvier 2015 par Anouar Kbibech, tire ses données des
plaintes et mains courantes que la police et la gendarmerie lui fournissent car c’est une association, créée en
2003 par Nicolas Sarkozy alors qu’il était ministre de l’Intérieur, une association en lien avec le gouvernement
et le ministère de l’Intérieur, de loin la plus modérée de toutes les associations qui parlent en France au nom des
musulmans.
Par ailleurs, il y a une autre association très présente sur Internet et auprès des musulmans qui s’appelle le
Comité Contre l’Islamophobie en France (CCIF). Ce comité est très actif, très souvent convoqué dans les
médias et il a la volonté d’être plus radical que le Conseil Français du Culte Musulman et date lui aussi de
2003. Le Comité Contre l’Islamophobie en France s'est donné comme mission de recenser tous les actes
islamophobes. Les actes islamophobes dénoncés par le CCIF sont beaucoup plus nombreux car ils sont recensés
sur plainte auprès de l’association des victimes elles-mêmes, ils comptabilisent les actes visant les personnes
comme les actes visant les institutions (écoles, mosquées) et pour l’année 2015 le CCIF prend en compte les
perquisitions liées à l’état d’urgence qui furent considérées comme islamophobes par ceux qui en étaient l’objet
(plus de 900 actes islamophobes furent ainsi recensés par le CCIF pour l’année 2015).
2/L’année 2015 fut une année terrible, celle des deux attentats les plus graves que la France connut depuis bien
longtemps ceux de janvier (contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher) et ceux du 13 novembre mais justement
est sans doute le plus grave car cette explosion des actes islamophobe révèlent bien la perception de ces
attentats. Les attentats de 2015 en France ont été commis par des terroristes islamistes et l’islamisme n’est pas
l’islam, il s’agit d’une part d’une idéologie politique au nom de laquelle on tue, surtout quand elle est incarnée
par Al Qaida au début du XXe et par DAESH aujourd’hui et d’autre part d’une religion, l’un des trois
monothéisme. Or, pour une opinion publique grandissante, confusion et amalgame règnent, perdurent voire se
renforce entre islam et islamisme.
Depuis la recension systématique des actes islamophobes, au début des années 2000 donc, la répartition de ces
actes selon le sexe des victimes fait apparaître une énorme majorité de victimes femmes, entre 70 et 80% selon
les années. Une part importante est liée au port du voile, question surmédiatisée et surpolitisée depuis les
années 2000 surtout. Sans parler du voile intégral, le voile sous toutes ses formes, qui n’est dans bien des cas
qu’un foulard, est ressenti par de nombreux citoyens comme « un obstacle au vivre ensemble » selon un récent
sondage et libère ainsi une « islamophobie décomplexée ». Entendu dans nos écoles catholiques à Marseille « la
voilée » pour parler d’une femme employée dans l’établissement et qui faisait partie du personnel
d’entretien…Ainsi donc depuis une douzaine d’années on assiste dans les agressions islamophobes à une
véritable violence raciste et sexiste car au fond elles souffrent d’une double peine, être à la fois femmes et
musulmanes. Quand les actes islamophobes ne sont pas des actes de violences mais « seulement » de
discriminations et touchent donc le monde du travail, des organismes comme le GRETA ou l’INED montrent
que les femmes en sont victimes à plus de 90%...Tout commentaire semble superflu
Mais l’autre volet incontournable autour de ce concept d’islamophobie ce sont ces personnes que l’on fait taire,
que l’on condamne, que l’on tue parce qu’elles sont taxés d’islamophobie alors qu’elles expriment une liberté
de pensées, d’opinion (qu’ils s’agissent ou non de musulmans), voire des individus qui revendiquent un droit au
blasphème dans un pays comme la France. Les personnes visées le sont dans ce cas au nom de leur prétendue
islamophobie et une fois encore les exemples sont nombreux mais peut-être peut-on se limiter à quelques uns
parmi les plus révélateurs.
Une fatwa de mort prononcée contre Salman Rushdie en 1989 lors de la publication de son roman « Les Versets
Sataniques » pour son islamophobie et considéré alors comme apostat. Relancée en février 2016 par plusieurs
médias iraniens qui viennent de rajouter 600 000$ pour sa mort (elle se monte aujourd’hui à 3,9 millions de $ !)
cette fatwa force depuis 1989 l’écrivain à vivre le plus souvent reclus.
La publication des caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo en 2006 fut condamnée par le Conseil Français
du Culte Musulman, pourtant plutôt modéré, avec la plus grande vigueur comme un nouvel acte islamophobe
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qui vise à offenser délibérément les sentiments des musulmans. Le triste dénouement de cette polémique autour
de Charlie Hebdo fut la tuerie de janvier 2015.
Dernier exemple en date, ce que l’on appelle déjà « l’affaire Kamel Daoud ». Kamel Daoud est un écrivain et
journaliste algérien connu pour son combat contre l’islam radical, en particulier contre la vision des femmes
propagée par les islamistes et la complexité de tout ce qui est lié au sexe dans le monde arabo-musulman. Ses
prises de position lui valent depuis quelque mois de subir une fatwa de la part d’un imam salafiste algérien.
Le point de départ de la polémique est un article publié dans la Repubblica, repris dans Le Monde et prolongé
dans le NY Times. Il s’y livre à une analyse sur les agressions de Cologne dans la nuit du 31 décembre 2015 et
dans ce texte tout en reprenant une fois de plus une attaque acérée contre « les islamistes et les femmes », il fait
une analyse qu’il reprend dans le quotidien américain dans un article intitulé « La misère sexuelle du monde
arabe ». A la suite de la parution de son article dans le Monde un collectif d’universitaires « franco-algériens »
(sociologues, historiens, ethnologues) le dénonce de perpétuer les clichés orientalistes et de diffuser
l’islamophobie, en gros d’être islamophobe. Sa réaction est immédiate il annonce qu’il se retire du journalisme
(pour se consacrer à l’écriture). Depuis la polémique enfle entre ceux qui le soutiennent (Fawzia Zouari, Pascal
Bruckner, Manuel Valls) au nom du droit à pouvoir critiquer l’islam avec cependant des excès dans les propos
de ceux mêmes qui le soutiennent (il serait victime de l’intelligentsia, d’une fatwa laïque…) quand ceux qui le
critiquent dénoncent le caractère globalisant de son texte, l’analyse essentialiste et culturaliste selon les
sociologues de sa tribune alors que l’enquête est en cours et que tous les faits ne sont pas avérés.
L’affaire est loin d’être close. La prise de position récente de Manuel Valls la fait passer dans le champs du
politique. Mais le véritable perdant dans cette « affaire », c’est le débat démocratique car en écrivant dans des
journaux avec un écho international aussi large que Le Monde ou le NY Times il fallait bien que Kamel Daoud
imagine, qu’il ait raison ou tors, peu importe, que ses prises de position susciteraient au minimum un débat !!!
Dernière victime, et non des moindres la laïcité à son tour victime de l’islamophobie car c’est bien de cela qu’il
s’agit. En effet on observe une relation perverse établie entre laïcité et islamophobie, se revendiquant de l’une
(l’islamophobie) pour défendre et protéger l’autre (la laïcité). Une laïcité censée légitimer des comportements et
des discours hostiles aux musulmans. Dans un ouvrage paru en 2014 Jean Baubérot parle de « laïcité falsifiée »,
c’est le titre de cet ouvrage à La Découverte. Cette posture c’est un peu ce que l’on a pu entendre dans les
propos d’Élisabeth Badinter dans l’introduction, propos qui ont fait polémique au début de 2016. Mais c’est
aussi ce que condamne Fawzia Zouari quand sur France Inter le 1er/03/2016 et pour prendre la défense Kamel
Daoud elle déclare « Kamel Daoud fait l’objet d’une sorte de fatwa laïque ». Des propos que l’on retrouve
fréquemment chez des personnalités communément classées à gauche mais loin s’en faut. Car depuis quelques
années ce type de propos fait partie de ce que l’on a pu appeler une stratégie du Front National et de Marine Le
Pen qui endosse un discours systématique de défense de la laïcité justifiant ainsi une partie de son discours
antimusulman (vidéo). A gauche comme à droite on est bien dans ce que l’on peut taxer de « récupération
politique » de la laïcité à son tour devenue une victime « collatérale » de l’islamophobie ambiante.
Parce qu’il faut bien conclure…tant de débats, tant de polémiques, mais surtout de plus en plus de victimes de
part et d’autres. Alors, après avoir vu ce dernier document et à l’issue d’une telle session si nous pouvions lutter
sans cesse contre les amalgames, ne jamais faiblir pour faire tomber les préjugés, alors seulement nous
pourrons commencer à dire que nous faisons avancer la liberté religieuse et la laïcité.
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