démissionner. Cajander et Erkko auraient accepté de remplacer le vieux maréchal, mais le
président Kyösti Kallio y était totalement opposé, car il craignait que la démission de
Mannerheim – qui était alors devenu une sorte d’icône nationale – ait un effet désastreux sur
le moral du pays. Pendant ces querelles politiques, la défense finlandaise n’était pas
complètement inactive : à l’initiative de la Société Académique de Carélie et de la Garde
Civile (Suojeluskunta), 60 000 volontaires participaient à la construction d’une série de
tranchées, de bunkers, d’obstacles antichars et autres fortifications sur l’Isthme de Carélie, qui
serait surnommée “Ligne Mannerheim” lors du déclenchement de la guerre.
Finalement, le gouvernement et Mannerheim parvinrent à un compromis selon lequel le
maréchal restait à son poste et, en échange, le gouvernement augmentait les fonds consacrés
aux dépenses militaires. Cependant, cette dispute devait faire définitivement taxer de
médiocrité le gouvernement Cajander et les uniformes finlandais symboliques de la Guerre
d’Hiver (que seules une cocarde et une ceinture distinguaient des vêtements civils) seraient
ironiquement baptisés “uniformes modèle Cajander”.
Tout changea le 23 août 1939, quand l’Allemagne et l’URSS signèrent le Traité de Non-
Agression qui serait bientôt connu comme le Pacte Ribbentrop-Molotov. Outre les
stipulations publiques sur la non-agression, le traité incluait un protocole secret qui divisait les
territoires de Roumanie, de Pologne, des Etats Baltes et de Finlande en « zones d’influence »
nazie et soviétique, prévoyant des « remaniements territoriaux et politiques » de ces pays.
Dès le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne. Trois jours plus tard, la France et
le Royaume-Uni déclaraient la guerre au Reich. Le 17, après la conclusion officielle de
l’Incident du Nomonhan entre l’URSS et le Japon, l’Union Soviétique envahit elle aussi la
Pologne. En octobre, à la suite de l’anéantissement de la Pologne, les Etats Baltes – Estonie,
Lettonie et Lituanie – furent contraints de conclure des traités d’assistance mutuelle avec
l’URSS, qui permettaient à l’Union Soviétique d’établir des bases militaires sur leur territoire
« pour la durée de la guerre en Europe ». C’était en réalité la première étape de l’occupation
soviétique des Etats Baltes.
Après la chute de la Pologne, Mannerheim avait demandé : « A qui le tour à présent,
maintenant que l’appétit de ces messieurs [Hitler et Staline] a commencé à grandir ? » La
Finlande devait le savoir très vite.
Le 5 octobre 1939 vint la convocation à Moscou d’une réunion destinée à discuter de « sujets
politiques concrets ». Ces entretiens se déroulèrent en trois étapes : du 12 au 14 octobre, du 3
au 4 novembre et le 9 novembre. Lors du premier round de négociations, la délégation
finlandaise était constituée de Juho Kusti Paasikivi, l’ambassadeur finlandais en Suède, Aarno
Yrjö-Koskinen, l’ambassadeur finlandais en URSS, Johan Nykopp, un diplomate de haut
rang, et le colonel Aladár Paasonen, premier aide de camp du président Kallio. Lors des deux
autres sessions, le ministre des Finances, Tanner, se joignit à Paasikivi à la tête de la
délégation.
Cependant, le gouvernement finlandais avait laissé très peu de latitude à ses négociateurs et le
13 octobre, Paasikivi fut forcé de rejeter les exigences soviétiques, qui comprenaient la
location de la péninsule de Hanko (incluant le village de Lappohja) pour y établir une base
navale, le déplacement de 70 km vers l’ouest de la frontière sur l’Isthme de Carélie et la
cession des îles du Golfe de Finlande en échange de vastes (mais inhabitées) zones de Carélie
Orientale. En raison de l’opposition du parlement et de l’opinion publique, le gouvernement
finlandais refusa l’échange tel qu’il était proposé, acceptant seulement d’abandonner les
régions de Kuokkala et Terijoki, les plus proches de Leningrad. « Oubliez que l’Union
Soviétique est une grande puissance ! » fut la dernière instruction donnée par le ministre des
affaires Etrangères, Erkko, à Paasikivi quand ce dernier quitta Helsinki pour Moscou pour la
dernière fois, le 31 octobre.
Le 13 novembre, les négociations furent définitivement rompues.