La Finlande et la Seconde Guerre Mondiale - 1940

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La Finlande et la Seconde Guerre Mondiale
De l’indépendance au traité de Moscou
L’une des facettes les plus curieuses et les moins connues de la Deuxième Guerre Mondiale
est sans doute la neutralité de la Finlande. Après avoir livré une guerre particulièrement
sanglante contre l’URSS en 1939-1940 alors que l’affrontement principal commençait de
l’autre côté de l’Europe, ce petit pays nordique faillit bien être entraîné dans le conflit
mondial en mai 1942. Seule une véritable offensive diplomatique orchestrée par le Secrétaire
d’Etat américain, Cordell Hull, au nom du Président Roosevelt, put éviter qu’un incident de
frontière ne dégénère en une guerre ouverte entre la Finlande et l’Union Soviétique – du
moins, c’est en général le point de vue des historiens. Les Etats-Unis – eux-mêmes en guerre
depuis six mois contre l’Allemagne – firent en effet tout pour éviter que leur nouvel (et
quelque peu inattendu) allié, l’URSS, n’ait pas à subir l’assaut d’un ennemi de plus, sur un
front de plus.
Quoi qu’il en soit, la Finlande fut l’un des quelques pays d’Europe à rester neutre jusqu’à la
fin du conflit mondial, même si, un peu comme l’Espagne (mais pour des raisons fort
différentes), la Guerre elle-même ne l’avait pas épargnée. Le moins qu’on puisse dire est que
cette neutralité ne fut nullement facile à maintenir. Pendant plus de deux ans, la Finlande dut
marcher sur la proverbiale corde raide tendue au dessus d’un précipice. Il reste qu’à la fin, les
efforts diplomatiques et politiques des dirigeants finlandais s’avérèrent fructueux : grâce à
eux, la Finlande est aujourd’hui l’une des nations les plus prospères et les plus industrialisées
du monde.
Cependant, avant de considérer l’attitude finlandaise à partir de mai 1942, il nous faut
examiner l’histoire du pays depuis la naissance d’une Finlande indépendante, en 1917.
De l’indépendance aux années Trente
Les révolutions de février et octobre 1917 signifiaient la fin de l’union personnelle entre la
Russie et la Finlande, qui durait depuis 1809 – la Finlande était un grand-duché autonome au
sein de l’empire russe. Après la tenue d’élections, le Parlement finnois se déclara le 5
novembre 1917 « possesseur du pouvoir politique suprême » sur le territoire finlandais, selon
la Constitution de Finlande et plus précisément selon le §38 du vieil Instrument de
Gouvernement de 1772, instauré par les Etats Généraux de Suède après le coup d’état réussi
sans verser de sang par le roi Gustave III.
Le 4 décembre, le « Sénat de Finlande » – le gouvernement désigné en novembre par le
Parlement – présenta une proposition d’un nouvel Instrument de Gouvernement, républicain
celui-ci. La Déclaration d’Indépendance avait, pour des raisons techniques, pris la forme d’un
préambule à cette proposition et devait recevoir l’accord du Parlement. Ce fut fait le 6
décembre 1917 ; à partir de 1919, le 6 décembre devint la Fête de l’Indépendance finlandaise.
Le 4 janvier 1918, la République Socialiste Fédérative de Russie (RSFR) reconnut
l’indépendance de la Finlande, bientôt suivie par d’autres pays.
En dépit de cette reconnaissance de la Finlande par le nouveau régime russe, un état de guerre
s’installa bientôt entre le nouvel état et la Russie soviétique en raison du déclenchement de la
guerre civile finlandaise, qui dura de janvier à mai 1918. Plus de 35 000 personnes furent
tuées pendant cette guerre, mais essentiellement lors de combats entre les Gardes Rouges et
Blancs finlandais. Il n’y eut jamais de batailles majeures entre les Gardes Blancs et les forces
russes. Les Gardes Blancs étaient commandés par le général Carl Gustaf Emil Mannerheim.
Il faut s’arrêter ici un instant sur ce personnage. Agé à ce moment de 51 ans, Mannerheim,
issu d’une famille de l’aristocratie suédophone, s’était engagé dans l’armée (russe bien sûr) et
avait été nommé colonel après la bataille de Moukden, où il s’était distingué par son courage.
Il avait commandé la brigade de cavalerie de la Garde durant la Première Guerre Mondiale.
Promu lieutenant général, puis relevé de ses fonctions par le gouvernement Kerensky, il était
rentré en Finlande à la fin de 1917.
A la suite de la guerre civile, la Finlande passa sous influence allemande jusqu’à la défaite de
l’Allemagne en novembre 1918. Cette défaite condamnait le projet de faire de la Finlande une
monarchie dirigée par le prince Frédéric-Charles de Hesse, beau-frère de Guillaume II. Le
général Mannerheim (après avoir démissionné de son poste de commandant des Gardes
Blancs) fut désigné Régent de Finlande. Il se présenta à la première élection présidentielle de
l’histoire du pays, mais fut battu par K.J. Ståhlberg.
A la même période, après la fin de la guerre civile, des forces de volontaires finlandais avaient
mené des expéditions militaires en Estonie, en Carélie de l’est et dans la région de Petsamo.
Ces campagnes sont connues sous le nom de “heimosodat”, terme finnois que l’expression
“guerres familiales” traduit sans doute mieux que “guerres tribales”.
Le 14 octobre 1920, après quatre mois de négociations, la Finlande et la Russie soviétique
signèrent le traité de Tartu. Il confirmait la vieille frontière entre le Grand Duché de Finlande
et la Russie Impériale, qui devenait la frontière soviéto-finlandaise. De plus, la Finlande
recevait la région de Petsamo, au nord-est, avec son port libre de glaces sur l’Arctique. La
revendication de cette région par la Finlande remontait à une promesse faite par le Tsar
Alexandre II en 1864, selon laquelle le Grand-Duché devait recevoir Petsamo en échange
d’une partie de l’isthme de Carélie. De son côté, la Finlande acceptait d’évacuer les régions de
Repola et de Porajärvi, en Carélie russe, qu’elle occupait. Enfin, certains articles concernaient
le transit par voie de terre entre la Russie soviétique et la Norvège via Petsamo.
Cette même année 1920, la Finlande rejoignit la Société des Nations. Ce faisant, elle
recherchait les garanties de sécurité offertes par la SDN, mais son but principal était de
resserrer les liens avec les pays scandinaves. Les armées finlandaise et suédoise entamèrent
une large coopération ; l’objet de celle-ci était plus l’échange de renseignements et la défense
des îles que des manœuvres communes ou le déploiement de matériels nouveaux. Par ailleurs,
dans le plus grand secret, l’armée finlandaise entama une coopération avec l’Estonie.
Sur le plan politique, les années Vingt et le début des années Trente furent une période
d’instabilité en Finlande. En 1929, l’extrême-droite tenta de faire du général Mannerheim une
sorte de dictateur, car le général avait exprimé un certain soutien pour ses positions, mais
Mannerheim refusa. En 1931, le Parti Communiste fut déclaré illégal et le Mouvement
d’extrême-droite Lapua se lança dans des violences anticommunistes organisées, culminant en
1932 dans une tentative de soulèvement avortée. Dans le même temps, le Mouvement
Patriotique du Peuple (IKL), de tendance ultra-nationaliste, parvenait à avoir quelques élus
(au maximum 14 sièges sur 200) au parlement finlandais.
Néanmoins, à la fin des années Trente, l’économie finlandaise, orientée vers l’exportation,
était en plein essor et le pays avait presque résolu les problèmes posés par les mouvements
politiques extrémistes, de gauche comme de droite.
Les relations politiques soviéto-finlandaises de 1920 à 1939
Malgré la signature du traité de Tartu, les relations entre la Finlande et la Russie soviétique
(puis l’URSS) restèrent tendues. Le gouvernement finlandais permit à des combattants
volontaires de passer la frontière pour soutenir la révolte de Carélie Orientale en 1921. En
face, les communistes finlandais exilés en Union Soviétique continuèrent à préparer la
revanche de la guerre civile perdue, lançant même en 1922 un raid en Finlande, la « mutinerie
du porc »1.
En 1931, le général Mannerheim fut nommé par le président de la République, Pehr Evind
Svinhufvud, à la tête du Conseil de Défense, avec promesse de devenir commandant en chef
des armées en cas de guerre. Deux ans plus tard, il devenait maréchal.
En 1932, l’URSS et la Finlande signèrent pourtant un pacte de non agression, qui fut
réaffirmé en 1934 pour une durée de dix ans. Cela n’empêcha pas les relations entre les deux
pays de rester très réduites. Alors que le commerce extérieur de la Finlande explosait, moins
de 1 % se faisait avec l’Union Soviétique. L’inscription de cette dernière à la SDN en 1934
n’y changea rien. Alors que Staline avait succédé à Lénine, la propagande soviétique
continuait à peindre les gouvernants finlandais comme « une clique fasciste vicieuse et
réactionnaire ». Le maréchal Mannerheim et Väinö Tanner, le chef du Parti SocialDémocrate finlandais, étaient particulièrement voués aux gémonies.
Cependant, quand Staline eut gagné un pouvoir quasi absolu après la Grande Purge de la fin
des années Trente et qu’Hitler eut accédé au pouvoir en Allemagne, l’URSS changea de
politique à l’égard de la Finlande. En effet, les Soviétiques étaient très préoccupés par la
sécurité de Leningrad, dont les faubourgs n’étaient qu’à 25 km de la frontière finlandaise.
En avril 1938, un agent du NKVD nommé Boris Yartsev (de son vrai nom Boris Rybkin) prit
contact avec le ministre des Affaires Etrangères finlandais, Rudolf Holsti. Il lui expliqua que
l’URSS était certaine d’être un jour ou l’autre attaquée par l’Allemagne, et craignait que le
territoire finlandais ne fût utilisé comme l’une des bases de départ d’une telle agression. Ces
entretiens se poursuivirent durant l’été 1938 avec le Premier ministre Aimo Cajander et le
ministre des Finances Väinö Tanner. Yartsev les informa que l’Union Soviétique serait
heureuse d’assister la Finlande de toutes les manières si cela contrariait les plans allemands.
L’URSS était prête à accepter la militarisation des îles Åland si elle était autorisée à participer
à l’armement des fortifications et à superviser la concentration de forces. En contrepartie, la
Finlande devait accepter que les Soviétiques fortifient l’île de Suursaari, qui était un territoire
finlandais, mais qui était aussi vitale pour la sécurité de Leningrad. Le gouvernement
finlandais refusa la totalité de ces propositions, car elles auraient gravement compromis la
souveraineté de la Finlande en même temps que sa politique de neutralité.
En mars 1939, l’ambassadeur soviétique, Boris Stein, rencontra Eljas Erkko, le nouveau
ministre des Affaires Etrangères2. Stein dévoila une nouvelle proposition de Staline, selon
laquelle les îles du Golfe de Finlande devaient être louées pour 30 ans à l’URSS. En échange,
la Finlande recevrait une partie de la Carélie Orientale. Mannerheim était prêt à abandonner
les îles – qui étaient de toutes façons indéfendables – ainsi qu’à accepter certaines
rectifications de frontières sur l’Isthme, mais Erkko répliqua sèchement que le territoire
finlandais n’était pas à vendre. Les négociations furent rompues le 6 avril.
Pendant ce temps, la Finlande et la Suède avaient établi des plans pour une protection
militaire conjointe des îles Åland. Ces plans s’écroulèrent, cependant, quand il devint évident
que l’URSS ne les admettrait pas. En juin 1939, le gouvernement suédois annonça qu’il
abandonnait tout projet de ce genre en raison de l’opposition soviétique.
Durant l’été 1939, tandis que la situation en Europe continuait à se détériorer, le haut
commandement finlandais s’inquiétait de l’état de préparation de l’armée. Dès février, le
Conseil de Défense, présidé par le maréchal Mannerheim, avait demandé de façon répétée
d’accroître le budget de la Défense pour réarmer rapidement l’armée finlandaise. Mais le
gouvernement centriste et social-démocrate refusa fermement cette augmentation des
dépenses militaires, au point que Mannerheim, frustré, proposa à plusieurs reprises de
1
Ainsi nommée parce que le chef communiste harangua ses hommes debout sur une caisse contenant du porc…
Holsti s’était retiré en novembre 1938 pour différents problèmes : mauvaise santé, attaques sur son salaire – de
plus, il aurait fait des remarques offensantes sur Hitler alors qu’il était ivre lors d’un dîner entre diplomates à
Genève.
2
démissionner. Cajander et Erkko auraient accepté de remplacer le vieux maréchal, mais le
président Kyösti Kallio y était totalement opposé, car il craignait que la démission de
Mannerheim – qui était alors devenu une sorte d’icône nationale – ait un effet désastreux sur
le moral du pays. Pendant ces querelles politiques, la défense finlandaise n’était pas
complètement inactive : à l’initiative de la Société Académique de Carélie et de la Garde
Civile (Suojeluskunta), 60 000 volontaires participaient à la construction d’une série de
tranchées, de bunkers, d’obstacles antichars et autres fortifications sur l’Isthme de Carélie, qui
serait surnommée “Ligne Mannerheim” lors du déclenchement de la guerre.
Finalement, le gouvernement et Mannerheim parvinrent à un compromis selon lequel le
maréchal restait à son poste et, en échange, le gouvernement augmentait les fonds consacrés
aux dépenses militaires. Cependant, cette dispute devait faire définitivement taxer de
médiocrité le gouvernement Cajander et les uniformes finlandais symboliques de la Guerre
d’Hiver (que seules une cocarde et une ceinture distinguaient des vêtements civils) seraient
ironiquement baptisés “uniformes modèle Cajander”.
Tout changea le 23 août 1939, quand l’Allemagne et l’URSS signèrent le Traité de NonAgression qui serait bientôt connu comme le Pacte Ribbentrop-Molotov. Outre les
stipulations publiques sur la non-agression, le traité incluait un protocole secret qui divisait les
territoires de Roumanie, de Pologne, des Etats Baltes et de Finlande en « zones d’influence »
nazie et soviétique, prévoyant des « remaniements territoriaux et politiques » de ces pays.
Dès le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne. Trois jours plus tard, la France et
le Royaume-Uni déclaraient la guerre au Reich. Le 17, après la conclusion officielle de
l’Incident du Nomonhan entre l’URSS et le Japon, l’Union Soviétique envahit elle aussi la
Pologne. En octobre, à la suite de l’anéantissement de la Pologne, les Etats Baltes – Estonie,
Lettonie et Lituanie – furent contraints de conclure des traités d’assistance mutuelle avec
l’URSS, qui permettaient à l’Union Soviétique d’établir des bases militaires sur leur territoire
« pour la durée de la guerre en Europe ». C’était en réalité la première étape de l’occupation
soviétique des Etats Baltes.
Après la chute de la Pologne, Mannerheim avait demandé : « A qui le tour à présent,
maintenant que l’appétit de ces messieurs [Hitler et Staline] a commencé à grandir ? » La
Finlande devait le savoir très vite.
Le 5 octobre 1939 vint la convocation à Moscou d’une réunion destinée à discuter de « sujets
politiques concrets ». Ces entretiens se déroulèrent en trois étapes : du 12 au 14 octobre, du 3
au 4 novembre et le 9 novembre. Lors du premier round de négociations, la délégation
finlandaise était constituée de Juho Kusti Paasikivi, l’ambassadeur finlandais en Suède, Aarno
Yrjö-Koskinen, l’ambassadeur finlandais en URSS, Johan Nykopp, un diplomate de haut
rang, et le colonel Aladár Paasonen, premier aide de camp du président Kallio. Lors des deux
autres sessions, le ministre des Finances, Tanner, se joignit à Paasikivi à la tête de la
délégation.
Cependant, le gouvernement finlandais avait laissé très peu de latitude à ses négociateurs et le
13 octobre, Paasikivi fut forcé de rejeter les exigences soviétiques, qui comprenaient la
location de la péninsule de Hanko (incluant le village de Lappohja) pour y établir une base
navale, le déplacement de 70 km vers l’ouest de la frontière sur l’Isthme de Carélie et la
cession des îles du Golfe de Finlande en échange de vastes (mais inhabitées) zones de Carélie
Orientale. En raison de l’opposition du parlement et de l’opinion publique, le gouvernement
finlandais refusa l’échange tel qu’il était proposé, acceptant seulement d’abandonner les
régions de Kuokkala et Terijoki, les plus proches de Leningrad. « Oubliez que l’Union
Soviétique est une grande puissance ! » fut la dernière instruction donnée par le ministre des
affaires Etrangères, Erkko, à Paasikivi quand ce dernier quitta Helsinki pour Moscou pour la
dernière fois, le 31 octobre.
Le 13 novembre, les négociations furent définitivement rompues.
On peut douter que Staline ait espéré que les Finlandais acceptent ses « exigences
minimales ». Voyant ce qui arrivait à leurs voisins estoniens, les Finlandais avaient bien des
raisons de ne pas lui faire confiance. De plus, les secteurs de l’Isthme réclamés étaient
d’importance vitale – sans eux, la Finlande perdait toute possibilité de se défendre contre une
agression soviétique, de même que la Tchécoslovaquie avait été incapable de se défendre en
1939 après avoir abandonné les Sudètes en 1938. L’instruction donnée par Erkko à Paasikivi
montre bien que les plus hauts responsables politiques finlandais avaient joué le tout pour le
tout. De plus, a posteriori, il peut sembler qu’accepter les exigences soviétiques aurait eu des
conséquences fatales pour la Finlande
Quoiqu’il en soit, du côté soviétique, les préparatifs d’invasion avaient commencé dès le
printemps, et la constitution d’une République Socialiste Soviétique de Finlande dirigée par le
communiste finlandais en exil Otto W. Kuusinen était bien avancée. Les négociations avaient
donné à l’Armée Rouge tout le temps de concentrer des troupes à la frontière soviétofinlandaise, car la mobilisation avait commencé dès le début des entretiens de Moscou.
Côté finlandais cependant, on n’était pas resté inerte : les réservistes avaient été rappelés pour
des manœuvres organisées les 9 et 10 octobre, correspondant en pratique à une mobilisation
générale des forces armées. L’entraînement au black-out et aux alertes aériennes avait
commencé, ainsi que l’évacuation volontaire des populations des villes vers la campagne, que
le ministre de l’Intérieur Urho Kekkonen avait jugé nécessaire en raison de « la gravité de la
situation politique générale ».
Devant l’échec des négociations, Staline résolut de régler la question par la force. Il est clair
qu’il s’attendait à ce que la guerre soit aussi facile que l’invasion de l’est de la Pologne. Bien
que certains officiers de l’Armée Rouge aient recommandé la prudence, l’opinion générale à
Moscou était que la Finlande tomberait en dix à douze jours. Cela ne semblait pas
déraisonnable étant donné le déséquilibre des forces.
Ironiquement, la rupture des négociations de Moscou poussa la plupart des membres du
gouvernement finlandais à croire que le pays était en sécurité, car ils pensaient que Staline
avait bluffé et qu’il n’était pas prêt à la guerre. Les menaces semblant s’éloigner, Erkko et
Tanner crurent qu’une partie au moins des réservistes pouvaient être démobilisés pour assurer
les travaux agricoles. Le 23 novembre, ce sentiment de sécurité fut renforcé par un discours
du Premier ministre Cajander, proclamant que la vie en Finlande revenait à la normale. Cet
optimisme étrange et irréaliste conduisit la population à croire que le pire était passé.
Mannerheim considérait le comportement du gouvernement comme irresponsable. Les
demandes d’Erkko et de Tanner tendant à diminuer l’effort de défense le mirent dans une telle
fureur qu’il donna une fois de plus sa démission. Cette démission était accompagnée d’un
long mémorandum où il critiquait le gouvernement pour la médiocrité de sa politique
étrangère et pour la négligence avec laquelle il avait préparé la défense du pays. Cette fois,
même le président Kallio était prêt à remplacer le « vieux et grincheux » maréchal par un
homme plus jeune. Mais ce remplacement fut brutalement interrompu par l’Incident de
Mainila.
Le 26 novembre, le ministre soviétique des Affaires Etrangères, Molotov, envoya à Helsinki
une protestation officielle par laquelle il accusait la Finlande d’avoir bombardé le village de
Mainila, su côté soviétique de la frontière. La missive exigeait que les forces finlandaises se
retirent immédiatement à 20 ou 25 km de la frontière. Dans sa réponse, le gouvernement
finlandais expliqua que Mainila n’était à portée d’aucune unité d’artillerie finlandaise et
proposa que un retrait mutuel des deux armées à distance de la frontière. Mannerheim, qui se
trouvait à ce moment en inspection sur l’Isthme, répliqua sèchement que toutes les forces
finlandaises du voisinage étaient à la messe au moment de l’incident !
Dans un nouveau message, Molotov accusa la Finlande d’aggraver les tensions entre les deux
pays et déclara nul et non avenu le pacte de non agression de 1932. La réponse finlandaise –
qui proposait de demander à une tierce parie de tirer au clair l’incident – n’était pas encore
parvenue aux autorités soviétiques quand l’URSS rompit les relations diplomatiques.
Depuis, des recherches ont démontré que l’Incident de Mainila avait été bel et bien l’œuvre
d’une équipe de l’Armée Rouge opérant sous couverture, quoique la Russie ne dût pas
l’admettre avant de nombreuses années, après la chute de l’URSS.
La Guerre d’Hiver, 1939-1940
Le 30 novembre 1939, Helsinki fut bombardée par des avions russes et cinq armées
soviétiques totalisant 450 000 hommes traversèrent les frontières sud et est de la Finlande en
plusieurs points.
Au sud, les 7e et 13e Armées soviétiques (généraux Meretskoy et Grendal) attaquèrent dans
l’Isthme de Carélie avec douze divisions et sept brigades blindées, soit 120 000 hommes et 90
pièces d’artillerie, contre l’Armée de l’Isthme (général Östermann), comptant tout juste
21 600 hommes et 92 canons, dont 21 pièces antichars.
Au nord du lac Ladoga, les 8e et 9e Armées soviétiques attaquèrent sur le front centre avec
quatorze divisions et une brigade blindée, contre le Groupe Talvela (colonel Paavo Talvela).
Enfin, sur le front nord-est, la 14e Armée soviétique faisait face au Groupe Laponie (général
Tuompo).
………
Le jour suivant, 1er décembre, les Soviétiques proclamèrent la République Démocratique de
Finlande, dirigée par un gouvernement communiste fantoche, dit “gouvernement de Terijoki”,
à la tête duquel se trouvait bien sûr Otto Kuusinen. Ironiquement, on se battait encore à
Terijoki au moment de l’annonce faite sur Radio Moscou. Le 2 décembre, l’URSS signa un
accord d’assistance mutuelle avec le gouvernement Kuusinen, selon lequel « les questions
territoriales pesant sur les relations entre finno-soviétiques avaient été finalement réglées ».
En échange des concessions faites par le gouvernement de Terijoki (qui satisfaisaient toutes
les exigences territoriales soviétiques formulées avant la guerre), l’Union Soviétique cédait
70 000 km2 de Carélie Orientale et « exauçait enfin le vœu séculaire du peuple finlandais de
réunifier le peuple de Carélie ». Trois divisions furent rapidement recrutées pour soutenir le
gouvernement Kuusinen, mais elles ne comptèrent pas plus de dix mille hommes en tout, dont
un tiers de Russes et deux tiers de Caréliens et d’Ougriens. Cette force, essentiellement
destinée à des tâches d’occupation, ne participa aux combats qu’à la fin de la guerre. Le
gouvernement de Terijoki fut en réalité une erreur diplomatique et politique qui souleva la
colère en Finlande et renforça en réalité l’unité nationale. L’opération échoua d’autant plus
que les purges de Staline, les années précédentes, avaient éliminé presque jusqu’au dernier les
dirigeants du PC finlandais. Le gouvernement Kuusinen eut d’ailleurs toujours du mal à
recruter ses “ministres”.
A Helsinki, le déclenchement de la guerre provoqua un changement de gouvernement. Celuici était d’autant plus nécessaire que l’URSS refusait catégoriquement toutes nouvelles
négociations avec le gouvernement “Cajander-Erkko”. Mannerheim et Tanner (le ministre des
Finances) furent les premiers à exiger ce changement. Risto Ryti, président de la Banque de
Finlande, accepta le poste de Premier ministre avec réticence : il fallut que le président Kallio
et le maréchal Mannerheim fissent appel à son sens du devoir. Tanner devint ministre des
Affaires Etrangères et Paasikivi, qui avait dirigé la délégation finlandaise à Moscou, devint
ministre sans portefeuille, mais n’en était pas moins le troisième homme fort du
gouvernement. Malgré ce changement, les Soviétiques, utilisant le gouvernement Kuusinen
comme un bouclier diplomatique, refusèrent d’abord de négocier avec le gouvernement “RytiTanner”.
………
Cependant, comme le front de la “vraie” guerre était alors silencieux, l’attention du monde se
porta sur la lutte de la Finlande pour son indépendance, qui souleva la compassion et
l’admiration générales. Le pays bénéficia ainsi d’un soutien diplomatique et d’une assistance
humanitaire de l’étranger, mais ces appuis ne se matérialisèrent que fort peu sur le plan
militaire.
Les espoirs d’aide militaire de la Finlande reposaient essentiellement sur la Suède, mais celleci refusa de s’engager dans le conflit. Ce refus provoqua la démission du ministre des Affaires
Etrangères de Suède, Rickard Sandler, qui souhaitait que son pays aide activement la
Finlande. Cependant, l’opinion publique suédoise était très favorable à la Finlande, comme
l’exprime ce slogan très populaire : « Finlands sak är vår » (La cause de la Finlande est
nôtre). Plus de huit mille volontaires suédois vinrent s’engager dans l’armée finlandaise.
La Finlande fit appel à la SDN, bien qu’il fût alors évident que celle-ci n’avait guère de
moyens d’action à sa disposition. Mais l’Union Soviétique refusa toutes les offres de
médiation, sous prétexte qu’elle avait déjà d’excellentes relations avec le gouvernement de la
prétendue “République Démocratique finlandaise”. Le 14 décembre 1939, la SDN expulsa
l’URSS et exhorta ses membres à soutenir la Finlande. Hélas, à ce moment, l’organisation
était en pratique morte et enterrée.
Néanmoins, à la suite de l’appel de la SDN, le Royaume Uni et la France élaborèrent un plan
visant à envoyer une force militaire secourir la Finlande en passant par la Scandinavie. Fin
décembre, ce plan fut proposé par Edouard Daladier (à ce moment Président du Conseil
français) lors d’une réunion du Conseil de Guerre Interallié. Le colonel Jean Ganaval fut
même envoyé en Finlande pour faire le point de la situation sur le terrain.
L’opinion publique alliée était nettement favorable à la Finlande, surtout en France, mais
aider la Finlande n’était pas le but principal de l’envoi de troupes dans la région. Pour les
Alliés, l’important était le contrôle des gisements de minerai de fer du nord de la Suède. Ils
redoutaient que les Soviétiques ne s’en emparent après avoir englouti la Finlande, assurant
ainsi un approvisionnement aisé à leur allié de facto allemand… De ce fait, plus l’URSS
aurait de mal à vaincre la Finlande, mieux ce serait pour les Alliés. Cependant, les Suédois se
voyaient ainsi menacés d’une invasion par l’URSS, par les Alliés et par l’Allemagne, dont il
fallait redouter la réaction en cas d’intervention alliée en Suède. Sans doute les Suédois
préféraient-ils une victoire franco-britannique, mais ils n’en réagirent pas moins de façon très
négative à l’idée de voir les forces alliées traverser leur territoire.
………
Le commandement soviétique croyait que l’Armée Rouge écraserait la résistance finlandaise
en deux semaines.
Le 6 décembre, les Finlandais s’étaient repliés sur l’Isthme, à quelque distance (25 à 50 km)
de la frontière, jusqu’à la Ligne Mannerheim, qu’ils avaient renforcée. Le 7, les Soviétiques
lancèrent leur première offensive contre la ligne principale, à Taipale, dans la partie est de
l’Isthme, et furent repoussés. Dix jours plus tard, l’Armée Rouge tenta de percer à Summa,
dans la partie centrale de l’Isthme, avec des unités blindées, mais cette attaque aussi fut
repoussée. Le 22 décembre, une contre-attaque finlandaise fut lancée pour tenter d’encercler
les Soviétiques dans le secteur de Summa, mais l’opération fut interrompue le jour même,
après que les Finlandais aient subi de lourdes pertes. A la fin de l’année, les combats sur
l’Isthme avaient dégénéré en une guerre de tranchées.
Dans le même temps, les Finlandais utilisaient des tactiques d’encerclement avec efficacité
dans les régions désertiques de l’est. Ils avaient ainsi arrêté l’avance soviétique au nord du lac
Ladoga, à Kollaanjoki, Deux divisions soviétiques s’étaient retrouvées isolées et assiégées –
les Finlandais appelaient ces grandes unités encerclées des mottis. Cependant, ces
encerclements immobilisaient des forces finlandaises substantielles.
Pendant ce temps, plus au nord, le Groupe Talvela remportait la première grande victoire
offensive de la Finlande contre l’Armée Rouge grâce à une contre-attaque hardie à Tolvajärvi.
Une autre grande bataille se déroula à Suomussalmi du 7 décembre 1939 au 8 janvier 1940.
Le 30 novembre, la 163e Division soviétique avait passé la frontière et avancé du nord-est
jusqu’au village de Suomussalmi. L’objectif soviétique était de progresser jusqu’à la ville
d’Oulu et de couper la Finlande en deux, laissant la Laponie isolée et vulnérable. En réponse,
les forces commandées par le colonel Hjalmar Siilasvuo lancèrent mi-décembre une contreoffensive. Après deux semaines de violents combats, les restes de la 163e Division s’enfuirent
vers l’est au début de janvier.
Pendant ce temps, la 44e Division soviétique avait avancé de l’est vers Suomussalmi et s’était
retranchée entre ce village et Raate. Du 4 au 8 janvier, elle fut entraînée par la déroute de la
163e Division, dispersée en groupes isolés sous forme de mottis et finalement détruite par les
troupes finlandaises, qui capturèrent de grandes quantités d’équipements lourds.
La bataille de Suomussalmi fut une grande victoire finlandaise. Si les Soviétiques avaient pris
Oulu, la Finlande aurait dû se défendre sur deux fronts et la liaison ferroviaire vers la Suède
aurait été coupée.
Ces victoires consolidèrent de façon décisive le moral de l’armée et de la population
finlandaises. Après le pessimisme des premiers jours, chacun commença à croire que la
Finlande pourrait véritablement survivre à la guerre.
En plus de l’équipement arraché aux Soviétiques, la Finlande reçut une aide matérielle de
plusieurs pays et notamment de la France, qui fit parvenir à Helsinki trente avions de chasse et
des centaines de milliers de grenades.
Par ailleurs, des volontaires continuaient d’arriver en Finlande – au total, il y en aurait plus de
onze mille, de vingt pays différents, mais surtout de Suède. Il y eut ainsi plus de 8 700
Suédois, dont certains contribuèrent de façon décisive à la défense de la Finlande du Nord
avec le 19e Régiment Aérien, qui fit voler 25 appareils plus ou moins démodés comme des
Bristol Bulldog et des Hawker Hart. Mais il y eut aussi plus de mille Danois, 727 Norvégiens,
346 Hongrois et un nombre inconnu d’Estoniens. Des Etats-Unis vinrent plus de 350 citoyens
américains d’ascendance finlandaise, qui formèrent la Légion Finno-Américaine
(Amerikansuomalainen Legioona ou ASL). Cette Légion avait deux compagnies ; l’une arriva
sur le front le jour même de la fin de la guerre, l’autre fut tout près de participer à une action,
mais sans succès. Du Royaume Uni vinrent 13 volontaires ; 214 autres arrivèrent en Finlande
une semaine après la fin de la guerre3 et 750 Britanniques de plus attendaient en Angleterre de
pouvoir se rendre en Finlande. Ces volontaires britanniques devaient être regroupés en une
sorte de Brigade Internationale sous le commandement du colonel Kermit Roosevelt, fils de
l’ancien président américain Theodore Roosevelt. Enfin, 150 Italiens se portèrent volontaires
pour participer à la croisade anti-bolchevique ; un pilote italien fut même tué en se battant
pour la Finlande.
Cependant, bien que l’aide matérielle et les volontaires fussent appréciés, tout cela restait bien
maigre par comparaison avec la puissance de l’Armée Rouge. C’est ce que fit remarquer le
ministre de Affaire Etrangères Tanner quand il observa en ricanant, devant l’Ambassadeur
américain, que tout le matériel reçu de l’étranger depuis le début de la Guerre d’Hiver
représentait moins que la quantité prise aux Soviétiques.
Néanmoins, devant le soutien manifesté à la Finlande par les pays scandinaves, Moscou perdit
son sang-froid et accusa la Suède et la Norvège d’envoyer des combattants et de l’aide
matérielle à la Finlande tout en colportant des récits défavorables à l’URSS. Réciproquement,
l’Union Soviétique refusa de “comprendre” les protestations de la Suède quand un vapeur
civil fut coulé par les forces soviétiques au large de la côte d’Umeå.
………
3
Parmi ces hommes se trouvait le futur acteur Christopher Lee.
En janvier 1940, les Finlandais repoussèrent aussi des tentatives de percée soviétiques à
Kuhmo, où une division de l’Armée Rouge fut encerclée. A Kemijärvi et Pelkonsenniemi,
deux divisions soviétiques furent forcées de battre en retraite avec de lourdes pertes.
Cette série de succès finit par convaincre certains membres du gouvernement finlandais que la
guerre était gagnable. Néanmoins, Mannerheim était bien conscient que la situation
stratégique restait sombre, car le seul poids du nombre devait finir par faire pencher la balance
en faveur de l’URSS.
Au même moment, ces événements provoquaient des modifications de l’organisation militaire
et politique des Soviétiques.
………
Durant le premier mois de la guerre, l’activité de l’Armée Rouge en Finlande avait été
considérée comme une opération locale dirigée par le District Militaire de Leningrad, dont le
but était l’occupation du pays. Dans ce cadre, le gouvernement Kuusinen devait jouer un rôle
important. Mais Staline n’était pas satisfait des résultats du premier mois de la campagne de
Finlande. L’Armée Rouge avait été humiliée. Dès la troisième semaine de la guerre, la
propagande soviétique faisait de son mieux pour expliquer au peuple les échecs de l’armée,
qu’elle expliquait par la dureté du climat et les difficultés du terrain, tout en prétendant que la
Linge Mannerheim était plus forte que la Ligne Maginot4 (les Finlandais affirmaient la même
chose concernant la Ligne Mannerheim pour renforcer le moral du pays, mais cela ne rendait
pas ce mensonge plus véridique).
Le commandement soviétique fut obligé de réévaluer la situation. Au début de janvier, le
Kremlin prit les rênes : un Front Nord-Ouest fut créé dans l’Isthme de Carélie, commandé par
Semyon Timoshenko sous la supervision directe de Klement Voroshilov, Commissaire du
Peuple à la Défense. Les doctrines tactiques furent modifiées pour tenir compte des réalités :
par exemple, le rythme d’avance quotidien prévu (15 km à pied et 50 pour les véhicules) ne
s’était jamais réalisé. Les relations entre les différentes branches de l’Armée Rouge furent
resserrées et réorganisées. Stratégiquement, des plans furent dressés pour débloquer la
situation : le centre de l’attaque serait désormais l’Isthme de Carélie.
Toutes les forces soviétiques du secteur furent réparties en deux armées, les 7e et 13e Armées.
La 7e, à présent commandée par Kirill Meretskov, concentrerait 75 % de ses forces sur les 16
km de la Ligne Mannerheim séparant Taipale des marais de Munasuo. On fit expédier sur le
front d’énormes quantités de chars neufs et de pièces d’artillerie. Les effectifs passèrent de dix
divisions à vingt-cinq ou vingt-six, plus six ou sept brigades blindées et plusieurs pelotons de
chars indépendants, soit au total 600 000 hommes. La tactique serait basique : un coin armé
pour faire la percée initiale, suivi par la force d’assaut principale, constituée d’infanterie et de
véhicules d’assaut. L’Armée Rouge commença sa préparation en repérant les fortifications
finlandaises en première ligne. La 123e Division d’Assaut s’entraîna à l’assaut sur des
maquettes grandeur nature.
………
Le 1er février, l’Armée Rouge entama son offensive sur le front de l’Isthme par un
bombardement d’artillerie : 300 000 obus furent tirés sur les lignes finlandaises dans les 24
premières heures. Ces bombardements s’accrurent peu à peu, épuisant les défenseurs et
dégradant les fortifications.
Chaque jour, les Finlandais s’abritaient dans leurs fortifications et réparaient les dommages
subis durant la nuit. Mais l’épuisement gagna peu à peu les défenseurs, qui perdirent 3 000
4
Les Finlandais espéraient rendre leur ligne de défense imprenable, mais comparée à la Ligne Maginot, elle était
très mince. La. Finlande ne put trouver de ressources que pour construire 101 bunkers de béton. Sur une
longueur équivalente, la Ligne Maginot alignait 5 800 de ces structures, reliées par des voies de chemin de fer.
La faiblesse de la Ligne Mannerheim est illustrée par le fait que la quantité de béton utilisée pour la construire –
14 520 m3 – était légèrement inférieure à celle utilisée pour le bâtiment de l’Opéra d’Helsinki (15 500 m3).
hommes dans cette guerre de tranchées. De temps en temps, les Soviétiques lançaient de
petites attaques d’infanterie. A court de munitions, l’artillerie finlandaise avait l’ordre de ne
tirer que si elle était directement menacée.
Au bout de dix jours de bombardement d’artillerie permanent, les Soviétiques lancèrent leurs
troupes à l’attaque, derrière des écrans de fumée, avec un appui d’artillerie lourde et des
soutiens blindés, mais en terrain dégagé, l’infanterie chargeait encore en formations denses.
Les généraux soviétiques étaient toujours prêts à accepter de lourdes pertes pour atteindre
leurs objectifs. En revanche, à la différence du mois de décembre, les chars russes
progressaient par petits groupes, protégés par l’infanterie contre les équipes antichars des
Finlandais.
Le 11 février, lors de la deuxième bataille de Summa, les Soviétiques réussirent à percer dans
la partie ouest de l’Isthme de Carélie. L’Armée Rouge concentrait à ce moment dans ce
secteur environ 460 000 hommes, plus de 3 350 pièces d’artillerie, environ 3 000 blindés et à
peu près 1 300 avions. Des renforts lui arrivèrent par la suite constamment. En face de cette
masse, les Finlandais alignaient huit divisions, soit environ 150 000 hommes en tout. Un par
un, les points fortifiés craquèrent sous les attaques et les Finlandais furent forcés de se replier.
Le 15 février, après être venu sur le front se rendre compte personnellement de la situation,
Mannerheim autorisa une retraite générale jusqu’à la Ligne Intermédiaire.
Du côté est de l’Isthme en revanche, les Finlandais continuaient à résister aux assauts des
Soviétiques, qui furent repoussés à la bataille de Taipale.
Mais à la fin du mois de février, l’armée finlandaise fut obligée de se retirer de la Ligne
Intermédiaire jusqu’à la Ligne Viipuri-Kuparsaari-Vuoksi-Taipale
La guerre dans le Grand Nord : la campagne de Petsamo
Finlandais et Soviétiques se battirent aussi à l’extrême nord du pays, dans la région de
Petsamo. Très inférieurs en nombre, les Finlandais réussirent à contenir leurs adversaires
grâce aux conditions extrêmes (météo et terrain) régnant dans le secteur, et grâce aux
inquiétudes soviétiques concernant une possible intervention des Anglais et des Français.
Du côté finlandais, les forces se composaient au début de la guerre de la 10e Compagnie
Indépendante (10.Er.K.) à Parkkina et de la 5e Batterie Indépendante (5.Er.Prti : quatre
canons de campagne de 76 mm, M1887) à Liinakhamari. Ces forces faisaient partie du
Groupe Laponie de l’armée finlandaise, dont le QG était à Rovaniemi (les unités dites
indépendantes n’appartenaient à aucune division spécifique et pouvaient constituer des
formations ad hoc). La 10.Er.K. et la 5.Er.Ptri furent par la suite renforcées par la 11e
Compagnie Indépendante (11.Er.K.), par le petit Groupe de Reconnaissance 11 et par une
autre compagnie qui n’était pas incluse dans les plans de mobilisation originaux. L’ensemble
de ces troupes, soit environ 900 hommes, avait été baptisé Détachement Pennanen (Osasto
Pennanen), du nom de leur chef, le capitaine Antti Pennanen.
Du côté soviétique, la péninsule de Kola était occupée par la 14e Armée. Celle-ci se
composait des 14e, 52e et 104e Divisions d’Infanterie, alignant en tout 52 500 hommes. Seules
les 52e et 104e DI prirent part aux opérations dans le secteur de Petsamo, la 14e occupant le
port de Liinakhamari. La supériorité numérique des Soviétiques restait écrasante, mais le
commandement de la 14e Armée devait garder la plus grande partie de ses troupes en réserve
pour contrer un éventuel débarquement Anglo-Français près de Mourmansk.
Le 30 novembre 1939, des éléments de la 104e DI passèrent la frontière et occupèrent la partie
finlandaise de la péninsule de Rybachi. Le 1er décembre, le 242e RI atteignit Parkkina, tandis
que les Finlandais se repliaient jusqu’à Luostari.
La 52e DI fut alors transportée par bateau jusqu’à Petsamo et reprit l’attaque à son compte,
repoussant le Détachement Pennanen jusqu’à Höyhenjärvi. Mais, le 18 décembre, l’attaque
fut suspendue.
Les deux mois suivants, les forces soviétiques restèrent immobiles, craignant d’avancer trop
loin et d’être encerclées comme à Suomussalmi. Cette crainte était entretenue par des raids de
reconnaissance finlandais et des opérations de guérilla derrière les lignes ennemies.
Le 25 février, les Soviétiques reprirent leur avance, forçant les Finlandais à se replier jusqu’à
Nautsi, près du lac Inari. Le front se stabilisa là jusqu’à la fin des hostilités.
La marine finlandaise et la Guerre d’Hiver
Les forces navales de la Finlande à la fin des années Trente étaient limitées. Plusieurs navires
avaient été prévus mais non encore construits en raison du poids des contraintes du temps de
guerre sur l’économie. Au moment du déclenchement de la Guerre d’Hiver, la marine
finlandaise déployait en tout vingt-huit bateaux en Mer Baltique :
– Deux garde-côtes cuirassés, les Ilmarinen et Väinämöinen ;
– Cinq sous-marins, les Vesihiisi, Iku-Turso, Vetehinen, Vesikko et Saukko ;
– Quatre canonnières, les Turunmaa, Karjala, Uusimaa et Hämeenmaa ;
– Sept vedettes lance-torpilles : deux classe Sisu, une classe Isku et quatre classe Syöksy (cinq
vedettes rapides seront commandées en Italie en 1940, mais elles ne seront jamais livrées) ;
– Un mouilleur de mines, le Louhi ;
– Huit dragueurs de mines : six classe Ahven et deux classe Rautu ;
– Un bateau-école, le Suomen Joutsen.
Un petit détachement se trouvait sur le lac Ladoga, mais il fut supprimé à la fin de la guerre et
ses embarcations saisies par les Soviétiques.
De plus, les côtes finlandaises étaient défendues par des batteries d’artillerie, le plus souvent
équipées de canons de 152 mm. La plupart étaient des survivants de la période russe, mais ils
avaient été modernisés. La plus puissante batterie, armée de canons de 305 mm, était à
l’origine conçue pour bloquer le Golfe de Finlande avec l’aide des batteries estoniennes.
Lorsque la Guerre d’Hiver éclata, la marine finlandaise alla réoccuper les îles Åland, qui
avaient été démilitarisées, et s’efforça de protéger le trafic marchand. Le premier mois de la
guerre fut marqué par des duels entre les navires soviétiques et les batteries côtières
finlandaises à Hanko, Utö et Koivisto, dans l’isthme de Carélie. Dans les deux derniers cas,
les Soviétiques se retirèrent après avoir subi des dommages notables. En revanche, les
tentatives des sous-marins Vesikko et Saukko contre des navires soviétiques échouèrent.
L’URSS déclara un blocus naval contre la Finlande et tenta de l’exercer avec des avions et
des sous-marins. Cette campagne ne fut pas particulièrement efficace, d’autant plus que le gel
mit bientôt un terme à l’activité des sous-marins. Les Soviétiques coulèrent en tout cinq
navires marchands : un Estonien (le Kassari), deux Allemands (les Reinbeck et Bolheim), un
Suédois (le Fenris) et un Finlandais (le Wilpas). Quatre autres transports finlandais furent
détruits au port, par des bombardements aériens. Un escorteur finlandais, l’Aura II (un
dragueur) fut détruit alors qu’il grenadait un sous-marin par l’explosion de ses propres
charges ASM avant leur largage. En revanche, le sous-marin soviétique S-2 fut perdu pendant
ces opérations.
En décembre 1939, la glace devint si épaisse que seuls les brise-glaces pouvaient encore se
mouvoir. Les deux garde-côtes furent déployés dans le port de Turku, où ils ajoutèrent leur
DCA à celle de la ville ; ils n’en bougèrent plus. Quant au blocus soviétique, il fut réduit à
l’action de l’aviation, parfois chargée de mouiller des mines.
L’artillerie côtière fut finalement plus active dans la guerre terrestre que dans la guerre navale.
Elles étaient situées dans des positions favorables et leur calibre, leur cadence de tir et leur
précision étaient supérieurs à ceux de l’artillerie mobile. C’est ainsi que les batteries de
l’isthme de Carélie aidèrent à stabiliser le front. En mars, quand les Soviétiques finirent par
percer, toutes les réserves furent jetées dans la bataille près de Viipuri. Les Soviétiques
tentèrent de traverser la baie de Viipuri, qui était gelée, pour encercler la ville, mais les
batteries côtières finlandaises les en empêchèrent, tirant parfois sur la glace pour la rompre.
L’aviation finlandaise et la Guerre d’Hiver
L’invasion de la Finlande par l’Armée Rouge fut appuyée par environ 2 500 avions de
combat. Si ces forces aériennes étaient bien plus nombreuses que celles de la Finlande, elles
furent incapables de mener une campagne de bombardement efficace. Les dégâts causés par
les bombardiers furent légers, car la Finlande n’offrait guère de bonnes cibles pour des
bombardements stratégiques. Les objectifs furent souvent des dépôts installés dans des
villages d’intérêt médiocre. Le pays n’ayant que peu de grands axes routiers modernes, les
bombardiers attaquèrent le réseau ferré, mais si les voies furent coupées des milliers de fois,
elles furent toujours très vite réparées, la circulation des trains reprenant au bout de quelques
heures.
Par contre, l’aviation finlandaise infligea aux attaquants de lourdes pertes.
Au début de la guerre, les forces aériennes finlandaises ne comptaient que 301 appareils, dont
seulement 114 avions de combat opérationnels – et seuls 36 chasseurs Fokker D.XXI et 17
bombardiers Bristol Blenheim I étaient considérés capables d’opérer au dessus du territoire
ennemi par beau temps. Les avions étaient répartis en trois Régiments Aériens, les RA 1, 2 et
4, chacun divisé en quatre escadrons. Les bases aériennes avancées se contentaient du strict
minimum : un lac gelé, une manche à air, un téléphone et quelques tentes.
Peu nombreux et dépassés, la plupart des avions finlandais étaient hors d’état d’appuyer
l’armée de terre. De ce fait, l’aviation finlandaise dut se contenter de missions de chasse
destinées à repousser les bombardiers soviétiques.
Les pilotes finnois plongeaient souvent au milieu de formations soviétiques comptant dix,
voire vingt fois plus d’avions. Mais leur tactique était supérieure. Ils utilisaient la formation
“en quatre doigts” (deux paires d’avions, chaque appareil pouvant manœuvrer et combattre
indépendamment mais chacun appuyant son ailier), alors que les Soviétiques appliquaient
toujours la tactique de vol en delta, avec des formations rigides de trois avions. Cette
supériorité tactique et la volonté des pilotes finlandais d’attaquer toujours, quelle que soit la
situation, empêchèrent les bombardiers soviétiques d’infliger des dommages importants aux
villes et aux lignes de défense finlandaises. Ces bombardiers subirent de lourdes pertes,
notamment au début de la guerre, car ils volaient alors sans escorte de chasse. Face aux raids
de bombardement, les alertes aériennes étaient le plus souvent lancées par des femmes réunies
au sein de l’organisation créée par Lotta Svärd.
Les principales livraisons étrangères
En dépit des pertes subies tout au long de la guerre, les forces aériennes finlandaises
comptaient à la fin des hostilités 50 % d’avions de plus qu’au début, grâce à d’importantes
livraisons. Le principal fournisseur fut le Royaume-Uni, avec 12 Hurricane, 24 Blenheim, 30
Gladiator, 24 Gauntlet et 11 Lysander. La France envoya 30 MS-406, l’Italie 33 Fiat G-50 et
les Etats-Unis 44 B-239. Hélas, beaucoup de ces avions ne furent pas livrés avant le mois de
janvier 1940.
– Hawker Hurricane I : 12 Hurricane d’occasion furent acquis entre le 21 et le 26 février
1940. Ils furent livrés par voie aérienne. Venant d’Ecosse, l’un d’eux fut perdu en heurtant
une montagne près de Stavanger à cause du mauvais temps. Les onze autres arrivèrent du 7 au
10 mars 1940 et ne virent pas le combat.
– Bristol Blenheim : 12 Blenheim Mk IV neufs furent achetés le 24 décembre 1939. Les
pilotes finlandais récupérèrent les avions le 17 janvier 1940 et le 21, dix appareils étaient en
Finlande (un disparut en Mer du Nord et le dernier n’arriva que le 5 mai). Les avions furent
affectés au 46e Escadron. Début février, 12 Blenheim Mk furent acquis pour le 42e Escadron ;
des équipages britanniques les convoyèrent jusqu’en Finlande, où ils arrivèrent le 26.
– Gloster Gladiator II : 30 de ces chasseurs biplans furent commandés le 12 décembre 1939,
dix d’entre eux étant offerts à la Finlande. Les avions furent envoyés en Suède, où ils furent
assemblés, et arrivèrent en Finlande entre le 18 janvier et le 16 février 1940. Ils furent affectés
au 26e Escadron, puis (à partir du 12 février) aux 12e et 14e Escadrons.
– Gloster Gauntlet : 29 Gauntlet II d’entraînement furent offerts à la Finlande dès le début de
la guerre par l’Afrique du Sud, qui les avait achetés à la RAF. Vingt-cinq arrivèrent
d’Angleterre à Göteborg (en Suède), où 24 furent mis en état de vol. Neuf parvinrent en
Finlande entre le 10 mars et le 12 avril 1940 ; les autres arrivèrent les 16 et 17 mai 1940.
– Westland Lysander I : 17 Lysander furent commandés à la Grande-Bretagne le 8 janvier
1940. Seuls 11 parvinrent en Finlande, les deux premiers le 8 mars et les autres du 21 mars au
3 mai.
– Morane-Saulnier 406 : 50 de ces chasseurs furent offerts à la Finlande par le gouvernement
français dès le début de la Guerre d’Hiver. Trente furent transportés jusqu’à Malmö (en
Suède), où des mécaniciens français les assemblèrent. Des pilotes finlandais les convoyèrent
jusqu’en Finlande entre le 4 et le 29 février 1940.
– Fiat G.50 : 25 de ces chasseurs furent commandés à Fiat par la Finlande (avec l’accord du
gouvernement de Mussolini) le 23 octobre 1939 et 10 autres le 31 janvier 1940. Les avions
devaient être transportés par voie ferrée via l’Allemagne, mais quand le gouvernement
allemand eut vent de l’affaire à la suite d’un article publié dans la presse suédoise, il interdit
ce transfert pour ne pas déplaire à son (provisoire) allié soviétique. Seuls deux avions
arrivèrent en Finlande par cette voie, le 18 décembre 1939 et le 2 janvier 1940, mais les 33
autres durent être transportés par bateau jusqu’à Göteborg. Deux avions furent perdus en
chemin. Les 31 autres furent assemblés en Suède et convoyés par air jusqu’en Finlande entre
le 11 février et le 19 juin 1940.
– Brewster 239 : 44 de ces appareils, des surplus de l’U.S. Navy, furent achetés par la
Finlande. Ils furent transportés par bateau jusqu’à Stavanger (en Norvège) en février 1940. De
là, ils furent transportés par voie ferrée jusqu’à l’usine Saab de Trollhättan, en Suède, pour y
être assemblés. Ils furent ensuite convoyés jusqu’en Finlande, où les quatre premiers
arrivèrent le 1er mars 1940. Deux autres avions furent acheminés avant la fin de la guerre,
mais celle-ci s’acheva avant qu’ils ne soient opérationnels. Les autres parvinrent en Finlande
le 1er mai 1940.
Des cadeaux et des captures
– La Suède offrit à sa voisine huit avions d’entraînement Jaktfalken II, deux Bulldog IIA et
trois Fokker C.V E de reconnaissance. Des donateurs suédois privés offrirent deux Koolhoven
F.K.52 et un Douglas DC-2 tandis qu’un généreux Danois fit cadeau d’un Beechcraft B17L.
– La Finlande utilisa même un nombre non négligeable d’avions soviétiques capturés. Treize
bombardiers : cinq Ilyouchine DB-3M et huit Tupolev SB-2 furent réparés et rendus
opérationnels pendant la Guerre d’Hiver ou peu après, ainsi que huit chasseurs : cinq
Polikarpov I-15 bis, deux Polikarpov I-153 et un Polikarpov I-16.
– Enfin, l’aviation finlandaise réquisitionna 21 avions civils durant la Guerre d’Hiver.
Les résultats en chiffres
Au total, les forces aériennes finlandaises accomplirent durant la Guerre d’Hiver 3 900
missions d’interception, 1 100 de reconnaissance, 800 de bombardement et 70 de
reconnaissance photo.
Soixante-deux appareils furent perdus en combat et 35 gravement endommagés. Soixante-
quinze pilotes et membres d’équipage furent tués ou portés disparus.
En échange, la chasse et la DCA finlandaises abattirent plus de 500 avions soviétiques.
Régiment Aérien I
Colonel Yrjö Opas
Formation
10e Escadron
12e Escadron
14e Escadron
Equipement
12 Fokker C.X
13 Fokker C.X, 1 Westland Lysander, 6 Gloster Gladiator
4 Fokker C.X, 7 Fokker C.V, plus tard 7 Gloster Gladiator
8 Blackburn Ripon, 4 Fokker C.V, 3 Fokker C.X,
3 Junkers W 34 & 1 Junkers K.43
16e Escadron
10e Escadron
Avions
Lahdenpohja, Värtsilä
30.11.39
31.12.39
1.2.40
15.3.40
12
13
9
6
30.11.39
31.12.39
1.2.40
15.3.40
Fokker C.X (FK)
12
13
9
6
Gloster Gladiator II (GL)
-
-
-
6
Westland Lysander I (LY)
-
-
-
1
30.11.39
31.12.39
1.2.40
15.3.40
Fokker C.X (FK)
4
4
5
4
Fokker C.VE (FO)
7
7
7
-
Gloster Gladiator II (GL)
-
-
-
7
30.11.39
31.12.39
1.2.40
15.3.40
8
5
4
4
Fokker C.VE (FO-19, FO-23 & FO) -
-
1
2&4
Junkers W 34 & K 43 (JU)
1&3
1&3
1&3
-
Fokker C.X (FK)
-
-
-
3
Fokker C.X (FK)
12e Escadron
Avions
14e Escadron
16e Escadron
Base
Lappeenranta
Suur-Merijoki
Laikko
Avions
Avions
Blackburn Ripon IIF (RI)
Régiment Aérien II
Lieutenant-colonel Richard Lorentz
Formation
22e Escadron
24e Escadron
26e Escadron
28e Escadron
Equipement
Base
10 Hawker Hurricane, 5 Brewster B.239
Hollola
(tous arrivés après la fin de la guerre)
36 Fokker D.XXI
Immola, Lappeenranta, Suur-Merijoki, Joutseno, Lemi, Ristiina
D’abord 10 Bristol Bulldog,
Utti, Heinjoki, Raulampi
puis 23 Fiat G.50, 9 Gloster Gladiator
23 Morane-Saulnier M.S. 406
Kuluntalahti, Värtsilä field
22e Escadron
Avions
1.2.40
13.3.40
Brewster B-239 (BW)
-
5
Hawker Hurricane I (HU - du 5.1940 : HC)
-
10
24e Escadron
Avions
30.11.39
31.12.39
1.2.40
15.3.40
36
30
28
25
30.11.39
31.12.39
1.2.40
15.3.40
Bristol Bulldog IVA (BU)
10
8
8
-
Gloster Gladiator II (GL)
-
-
9
-
Fiat G.50 (FA)
-
-
-
23
Fokker D.XXI (FR)
Unités rattachées non incluses.
26e Escadron
Avions
28e Escadron
Avions
31.12.39
1.2.40
15.3.40
Morane-Saulnier M.S. 406 (MS) -
-
23
Hawker Hurricane I (HC)
-
10
-
Régiment Aérien IV
Lieutenant-colonel Toivo Somerto
Formation
42e Escadron
44e Escadron
46e Escadron
36e Escadron
(reconnaissance maritime)
42e Escadron
Equipement
12 Bristol Blenheim
8 Bristol Blenheim, 1 Douglas DC-2
20 Bristol Blenheim
6 Blackburn Ripon IIF, plus tard 2 Koolhoven FK.52,
1 Ilyouchine DB-3M, 3 Junkers F 13fe, 1 Waco YKS-7
Avions
46e Escadron
Subordonné au QG de la Marine
30.11.39
31.12.39
1.2.40
15.3.40
-
-
-
8
30.11.39
31.12.39
1.2.40
15.3.40
Bristol Blenheim I (BL)
8
6
8
5
Douglas DC-2 (DO)
-
-
1
1
30.11.39
31.12.39
1.2.40
15.3.40
Bristol Blenheim I (BL)
9
8
-
-
Bristol Blenheim IV (BL)
-
-
11
6
Bristol Blenheim I (BL)
44e Escadron
Base
Luonetjärvi
Luonetjärvi
Luonetjärvi
Avions
Avions
36e Escadron
Avions
30.11.39
31.12.39
1.2.40
15.3.40
Blackburn Ripon IIF(RI)
6
5
4
2
Koolhoven F.K.52 (KO)
-
-
-
(2)
Ilyouchine DB-3M (VP-101)
-
-
-
1
Junkers F 13fe (LK-2, LK-3 puis JU)
2
2
2
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Waco YKS-7 (OH-AFA)
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Il faut ajouter aux trois Régiments Aériens proprement finlandais le 19e Régiment Aérien,
unité des forces aériennes finlandaises dont tous les pilotes étaient des volontaires suédois.
Opérant de Kemi, dans le nord de la Finlande, ce Régiment fut responsable de la défense
aérienne de la Laponie finlandaise à partir du 10 janvier 1940. Il était alors doté de 12
chasseurs Gloster Gladiator II et de quatre bombardiers légers Hawker Hart (un cinquième
Hart fut reçu en février).
Au total, l’unité abattit 12 avions soviétiques en échange de six de ses appareils (trois Hart et
autant de Gladiator). Trois de ses pilotes furent tués et deux capturés. Ces derniers furent
renvoyés en Suède en mai 1940, douloureusement traumatisés par le lavage de cerveau subi
depuis leur capture.
Les premières négociations de paix
Tant que l’Armée Rouge accumulait les défaites, le Kremlin ne pouvait répondre aux
ouvertures de paix des Finlandais sous peine de perdre la face. Début janvier, le ministre des
Affaires Etrangères finlandais, Tanner, réussit pourtant à entrer en relations avec Alexandra
Kollontai, ambassadrice soviétique en Suède, par l’intermédiaire de l’auteur dramatique et
militante féministe Hella Wuolijoki. Ces ouvertures donnèrent peu à peu des résultats. Fin
janvier, Molotov transmit aux Finlandais, par l’intermédiaire de Kollontai, que l’URSS ne
serait pas opposée en principe à parvenir à un accord avec le gouvernement Ryti-Tanner.
Cette reconnaissance du gouvernement légitime finlandais mettait un point final à l’affaire du
gouvernement Kuusinen, qui était devenu une gêne pour Moscou.
Mi-février, il devint clair que les forces finlandaises approchaient rapidement de l’épuisement.
Côté soviétique, les pertes étaient lourdes, la guerre était devenu une source d’ennuis
politiques pour le régime, et il existait toujours un risque (pour théorique qu’il nous paraisse
aujourd’hui) d’intervention anglo-française. De plus, la fonte des neiges approchait et les
forces soviétiques risquaient de se retrouver enlisées dans les forêts.
Le 12 février, Väinö Tanner arriva à Stockholm et commença à négocier la paix avec les
Soviétiques par l’intermédiaire des Suédois. Le 17, des représentants allemands, ignorant que
des discussions étaient déjà en cours, suggérèrent une telle négociation.
Le 23, le gouvernement finlandais fut informé par Stockholm des conditions posées par les
Soviétiques. Celles-ci étaient dures. D’une part, tout l’Isthme de Carélie, y compris la ville de
Viipuri et les rives ouest et nord du lac Ladoga, devait être cédé à l’URSS. D’autre part, la
péninsule de Hanko devait être louée à l’URSS pour trente ans.
Ces exigences, qui correspondaient en gros à un retour à la frontière russo-finnoise définie en
1721 par le traité de Nystad (qui avait mis un terme à la Grande Guerre du Nord), furent
considérées déraisonnables par les Finlandais, car le front passait à ce moment bien au sud et
à l’est de la frontière proposée. Le gouvernement d’Helsinki refusa ces termes et se tourna
vers la Suède et les Occidentaux.
La France et le Royaume-Uni promirent d’envoyer un corps expéditionnaire mi-avril, mais le
gouvernement suédois restait fermement opposé à autoriser le passage d’une force militaire
alliée. A Stockholm, on était en effet bien conscient que les Allemands, craignant d’être
privés de l’accès au minerai de fer de haute qualité que leur fournissait la Suède, étaient prêts
à l’attaquer si elle accordait un droit de passage aux troupes alliées. Berlin avait même élaboré
un plan d’invasion de l’ensemble de la Scandinavie appelé Studie Nord, qui devait devenir
l’opération Weserübung, contre le Danemark et la Norvège. Tanner se rendit une dernière fois
dans la capitale suédoise pour convaincre Per Albin Hansson, le Premier ministre du royaume,
mais sans succès.
Des envoyés du gouvernement rendirent visite à Mannerheim à son QG de Mikkeli pour
recueillir son avis personnel sur la situation. Le commandant en chef refusa de dire s’il fallait
accepter les conditions soviétiques – il laissait cette décision aux politiques – mais on ne
pouvait tirer qu’une seule conclusion de son jugement pessimiste sur la situation sur le front :
il n’était plus possible de continuer la guerre.
Quand les Alliés comprirent que la Finlande était près d’accepter les termes russes, ils lui
firent une nouvelle offre : ils enverraient un corps expéditionnaire de 50 000 hommes si la
Finlande demandait officiellement leur aide avant le 12 mars. Un moment, il sembla que les
Finlandais saisiraient cette offre, mais ils comprirent vite qu’ils ne recevraient que six mille
hommes, le reste devant stationner en Norvège et en Suède pour… garantir leur coopération.
Le gouvernement Ryti-Tanner refusa donc la proposition.
Le 29 février, les Finlandais acceptèrent les conditions soviétiques et décidèrent d’entamer
des négociations officielles. Pourtant, même à ce moment, de fortes divergences persistaient
au sein du gouvernement : le ministre de l’Education, Uuno Hannula, voulait que la Finlande
continue à se battre, et le ministre de la Défense, Juho Niukkanen, n’acceptait le principe des
négociations que s’il était possible d’obtenir un adoucissement des exigences soviétiques.
Les derniers jours de la guerre
Fin février, alors que le gouvernement finlandais se résignait à accepter les conditions
soviétiques, l’Armée Rouge attaqua Viipuri. Cependant, la ville resta aux mains des
Finlandais et le drapeau bleu et blanc continua de flotter sur le château de Vyborg.
Le 5 mars, l’Armée Rouge remportait les batailles de Tali et de Vuosalmi et avançait de 10 à
15 km au delà de la Ligne Mannerheim et entrait dans les faubourgs de Viipuri. Dans le même
temps, les forces soviétiques établissaient une tête de pont à l’ouest du Golfe de Viipuri.
Ce même 5 mars, avant même l’ouverture officielle des négociations, les Finlandais
proposèrent un armistice, mais les Soviétiques, désireux de maintenir la pression sur le
gouvernement d’Helsinki, refusèrent cette offre dès le lendemain. Néanmoins, la délégation
finlandaise, dirigée par le Premier ministre Ryti, se rendit à Moscou, où elle arriva le 7 mars,
après être passée par Stockholm. Les Soviétiques formulèrent alors de nouvelles exigences,
car leur position militaire s’améliorait de jour en jour.
Le 9 mars, la situation de l’armée finlandaise dans l’Isthme de Carélie devint dramatique. Les
pertes étaient lourdes et l’artillerie manquait de munitions – l’industrie finlandaise ne pouvait
suffire à l’alimenter.
A Moscou, au lieu d’arracher des concessions, les Finlandais virent les Soviétiques présenter
d’autres exigences, concernant le secteur de Salla. Le gouvernement finlandais, conscient que
l’aide espérée des Occidentaux ne pourrait lui arriver en l’absence de l’accord de la Norvège
et de la Suède, n’avait plus d’autre choix que d’accepter les conditions soviétiques.
Le traité de paix fut signé le 12 mars. Les signataires étaient Vyacheslav Molotov, Andrei
Jdanov et Aleksandr Vasilevsky pour l’Union Soviétique, Risto Ryti, J.K. Paasikivi, Rudolf
Walden et Väinö Voionmaa pour la Finlande.
Le cessez-le-feu prit effet le jour suivant 13 mars, à midi heure de Leningrad, 11h00 heure
d’Helsinki. A 15h40, le lieutenant-général Harald Öhquist, commandant du IIe Corps
défendant Viipuri, recueillit le drapeau finlandais qui avait été descendu de la tour Saint-Olaf
du château de Vyborg, le même qu’il avait ordonné de hisser à 09h30 le 30 novembre 1939, le
premier jour de la guerre. Le pavillon finlandais ne flotterait plus sur Viipuri. Dans toute la
Finlande, les drapeaux étaient en berne.
Les termes du traité de Moscou
Bien qu’une grande partie de la région fût encore tenue par ses forces armées, la Finlande fut
forcée de céder à l’URSS presque toute la Carélie finlandaise, avec le cœur industriel de la
Finlande, comprenant Viipuri/Vyborg (deuxième plus grande ville de Finlande), Käkisalmi,
Sortavala et Suojärvi, ainsi que tout le Golfe de Viipuri avec ses îles : en tout, près de 10 % du
territoire national. Les forces militaires et les civils furent évacués en hâte de l’autre côté de la
nouvelle frontière : 422 000 Caréliens, soit 12 % de la population finlandaise, avaient perdu
leurs maisons. Le traité n’exigeait pas que la Finlande évacue la région concédée, mais
presque personne ne voulait rester : presque tous ses habitants choisirent de partir, en
emportant tout ce qu’ils purent.
La Finlande dut aussi céder une partie de la région de Salla, la partie finnoise de la péninsule
de Kalastajansaarento (Rybachi) dans la mer de Barents et, dans le Golfe de Finlande, les îles
de Suursaari, Tytärsaari, Lavansaari (aujourd’hui Moshchny), Peninsaari (aujourd’hui Maly)
et Seiskari. Enfin, la péninsule de Hanko fut louée pour trente ans à l’URSS en échange d’une
rente annuelle de 8 millions de marks afin d’y établir une base navale. Contrairement à une
idée répandus, le droit de transférer de troupes soviétiques jusqu’à la base de Hanko n’était
pas inclus dans le traité de paix, mais il fut exigé dès le 9 juillet 1940, après que la Suède ait
accepté le transit ferroviaire de troupes de la Wehrmacht sur son territoire jusqu’en Norvège
occupée.
Il est intéressant de noter qu’un secteur dont les Soviétiques s’étaient emparés durant la guerre
devait être rendu aux Finlandais selon le traité de paix : Petsamo. Le traité stipulait seulement
que la Finlande devait accorder le libre passage aux civils soviétiques désirant se rendre en
Norvège ou en revenir en passant par ce secteur. Cette concession soviétique devait avoir les
effets les plus intéressants entre 1942 et 1945.
Selon d’autres stipulations du traité, les matériels, équipements et édifices publics dans les
territoires concédés devaient être remis au vainqueur. La Finlande devait ainsi livrer plus de
75 locomotives, 2 000 wagons, des camions et des bateaux. La zone d’industrielle d’Enso, qui
se trouvait pourtant du côté finlandais de la frontière définie par le traité, fut bientôt ajoutée au
butin soviétique.
………
Du point de vue soviétique, le tracé de la nouvelle frontière n’était pas arbitraire, mais
raisonné.
– Avant la guerre, la Finlande était l’un des plus gros producteurs au monde de pulpe végétale
de haute qualité, or ce matériau est important pour la fabrication d’explosifs. En incluant la
zone d’Enso, les Soviétiques mettaient la main sur 80 % des capacités de production
finlandaises.
– La Finlande cédait un tiers de sa capacité opérationnelle de production d’hydroélectricité,
principalement sous la forme des usines hydroélectriques de la rivière Vuoksi. Cette
électricité fut la bienvenue dans la région de Leningrad, où 20 % des besoins en électricité de
l’industrie n’étaient pas satisfaits.
– Le tracé de la nouvelle frontière était cohérent avec la doctrine soviétique de défense, qui
prévoyait de porter le combat sur le sol ennemi par des contre-attaques rapides, voire par des
frappes préventives. Selon cette doctrine, la frontière idéale ne devait pas permettre à
l’ennemi de profiter de barrières défensives naturelles : c’est pourquoi, au lieu de suivre des
frontières naturelles comme le Golfe de Viipuri ou les marais de l’Isthme de Carélie entre le
lac Saimaa et le lac Ladoga (où les combats avaient été très coûteux pour les Soviétiques), la
nouvelle frontière passait à l’ouest de ces régions.
………
Les Finlandais furent choqués par la dureté des conditions de paix. Il semblait que le traité ait
coûté davantage de territoires que la guerre, et les régions perdues faisaient partie des plus
riches du pays.
– La partie sud des régions perdues avait été le cœur industriel de la Finlande.
– De vastes parties de la région la plus peuplée du reste de la Finlande avaient été reliées au
monde par le système du canal Saimaa, qui était à présent coupé à Viipuri, où il rejoignait le
Golfe de Finlande.
– La Carélie est considérée comme le cœur et l’origine de la culture finnoise. Avant la Guerre
d’Hiver, le fait que les Soviétiques dominent la plus grande partie de la Carélie et les atrocités
commises dans la région par les staliniens avaient profondément troublé de nombreux
Finlandais. Et voilà que, selon le traité, tout le reste de la Carélie était perdu. Ce fut le début
de la “question carélienne”.
Tous les citoyens finlandais ressentirent douloureusement les conditions qui leur étaient
imposées.
Quand il fut forcé de signer le document autorisant la délégation finlandaise à signer le traité
de Moscou, le président Kallio – un homme profondément croyant – s’exclama, paraphrasant
le Livre de Zacharie : « Puisse ma main être foudroyée, qui est contrainte de signer ce
document ! » L’été suivant, son bras droit fut paralysé (certainement par un accident
vasculaire cérébral) et il fut forcé d’écrire dès lors de la main gauche. Kallio démissionna
officiellement le 27 novembre 1940 pour raison de santé. Le jour où fut élu son successeur,
Risto Ryti, Kallio se trouvait à la gare d’Helsinki, où la troupe lui rendait les honneurs. Là,
tandis qu’une fanfare jouait l’hymne patriotique Porilaisten marssi (la Marche des Hommes
de Pori), il s’effondra dans les bras de son aide de camp et mourut peu après. Il est curieux de
rapprocher ces accidents de ceux qui frappèrent en juin 1940 le maréchal Pétain, à la suite,
comme pour Kallio, d’une très violente contrariété – mais si Kallio fut foudroyé pour avoir
été contraint de signer une capitulation, Pétain le fut pour avoir été empêché de la signer.
Les conséquences de la Guerre d’Hiver
Vingt-deux mille huit cents soldats finlandais environ trouvèrent la mort durant la Guerre
d’Hiver, et 44 000 furent blessés, dont plus de dix mille devinrent invalides. De plus, 956
civils furent tués par les raids aériens soviétiques. La guerre fit aussi quatre cent mille sans
abri – les réfugiés Caréliens, qu’il allait falloir loger.
Selon les déclarations soviétiques, les pertes de l’Armée Rouge furent de 49 000 morts et
171 000 blessés. Selon les estimations finlandaises, les chiffres réels sont au moins quatre fois
plus élevés.
………
En dépit des pertes subies – en hommes et en territoires – la Finlande avait atteint son objectif
essentiel : préserver son indépendance. La nation sortait du conflit encore plus unie
qu’auparavant. De plus, la ténacité des Finlandais devait avoir un effet considérable sur
l’avenir des relations finno-soviétiques. L’URSS avait appris que la conquête de la Finlande
serait une affaire coûteuse.
Quoique la résistance obstinée de la Finlande lui ait valu un grand respect à l’étranger, la
compassion de la communauté internationale n’avait pas été d’un grand secours. Les
Finlandais commencèrent à considérer avec désappointement et amertume les autres nations,
et en particulier la Suède, qui leur avait sans doute offert toute sa sympathie, mais n’avait pas
tenu sa parole de soutenir militairement la Finlande.
………
Fin mars, en France, l’échec des tentatives de porter secours à la Finlande provoqua la chute
du gouvernement Daladier et l’arrivée au pouvoir de Paul Reynaud, qui devait être au centre
de la décision française de poursuivre la lutte après la défaite de mai-juin 1940. Il est difficile
de dire ce qu’aurait fait Daladier à sa place…
………
Pour la Scandinavie, les conséquences de la Guerre d’Hiver furent des plus graves. Les plans
d’intervention des Alliés avaient attiré l’attention d’Hitler vers la région. L’invasion du
Danemark et de la Norvège en résulta, ainsi que la collaboration contrainte de la Suède avec
le Reich.
………
Après la fin des hostilités, les Soviétiques tentèrent de faire porter la responsabilité de la
guerre aux « fauteurs de guerre capitalistes anglo-français », mais sans convaincre grand
monde en dehors des partis frères du PCUS.
En réalité, l’URSS avait remporté une dangereuse victoire. La Finlande, emplie d’une
profonde amertume, était devenue très hostile à son voisin et se trouvait prête à saisir la
première occasion pour prendre sa revanche. Ironiquement, l’invasion soviétique avait créé la
situation même qu’elle était censée prévenir. La dureté des conditions imposées aux
Finlandais allait les conduire à chercher l’appui de l’Allemagne nazie, en particulier après
l’occupation par les Soviétiques des Etats Baltes et après la chute de la France métropolitaine
en août 1940. Cet état de choses faillit bien, deux ans plus tard, provoquer la participation de
la Finlande à la guerre germano-soviétique, du côté allemand.
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Par ailleurs, la médiocre performance des troupes soviétiques confirma Hitler dans la
croyance que l’Armée Rouge pourrait être aisément défaite. Fin décembre 1939, une
évaluation de l’état-major général allemand, tenant compte de l’échec de l’offensive
soviétique, concluait que l’Armée Rouge était « quantitativement, un gigantesque instrument
militaire », mais que son commandement était « trop jeune et inexpérimenté » et que « la
masse russe ne pouvait rivaliser avec une armée dotée d’un équipement moderne et d’un
commandement de qualité supérieure ».
Comme l’historien suédois devait l’exprimer de façon plus colorée : « la Guerre d’Hiver
donna à Hitler l’illusion fatale que l’Armée Rouge était bel et bien pourrie jusqu’au cœur et
commandée par des idiots. » Ainsi Hitler et l’OKW allaient-ils gravement sous-estimer les
capacités soviétiques lors de l’invasion de mai 1942.
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