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Cette antithèse, on l'a souvent déclarée irréductible, parce
que, dit-on, elle est fondée dans la nature des choses. Nous
autres théologiens protestants, nous croyons àla possibilité
de la surmonter. Nous nourrissons l'espoir que religion et
civilisation apprendront àvivre non seulement côte àcôte,
mais l'une pour l'autre. Que si elles entrent toujours de nou¬
veau en conflit, cela ne tient, dans notre conviction, ni àla
nature de ia religion ni àcelle de la civilisation, mais au fait
que tout ce qui est humain est sujet àun lent procès de
croissance et de devenir, et ne peut arriver àsa perfection
qu'au prix d'une lutte. Nous sommes assurés de posséder
dans le christianisme la religion capable d'accorder àla cul¬
ture ce qui lui revient de droit sans devenir pour cela infidèle
envers elle-même. Plus nous sommes ancrés dans cette con¬
viction et plus souvent, d'autre part, nous sommes appelés
àconstater que le conflit ne cesse de se renouveler, plus
aussi nous mettons d'ardeur àtravailler pour notre part à
l'aplanissement de ce différend. Aussi la conciliation entre
la religion et la culture moderne est-elle àl'ordre du jour
dans beaucoup de milieux protestants.
Nous pasteurs, en particulier, nous prenons la chose fort
àcœur. Nous traduisons par des faits notre foi que religion
et culture ne sont pas incompatibles, bien plus, qu'elles s'ap¬
pellent réciproquement. Nous le faisons non seulement en
usant sans le moindre scrupule des ressources que la civili¬
sation moderne met ànotre portée, —lorsque par exemple
nous nous servons du chemin de fer pour nous rendre à
l'une de nos conférences, —mais, dans nos paroisses mêmes,
en vouant nos soins, àcôté de la prédication de l'Evangile, à
l'avancement des œuvres d'utilité publique les plus diverses,
ou bien aussi, dans notre chaire pastorale, en interprétant
dans un sens conforme aux données de la culture actuelle
tel passage biblique qui leur est nettement contraire. Nous
nous disons qu'en agissant de la sorte nous sommes agréables
àDieu et nous nous rendons estimables aux yeux des hommes.
Mais est-il certain que nous le fassions toujours en bonne
conscience Sommes-nous bien sûrs de parler et d'agir dans