Leçon 33 Impératif non poli affirmatif et négatif et nouvelles structures d’expression Nous avons précédemment étudié diverses expressions de la conjecture à travers les formes –でしょう et –かもしれません. Cependant, le thème principal de cette leçon était l’expression du conseil à travers la forme –ほうがいい , à la sémantique simple mais à la construction moindre. Dans cette leçon, nous étudierons deux formes de l’impératif neutre en japonais, à la construction globalement simple mais à la sémantique plus nuancée que dans notre langage. Nous apprendrons aussi à transmettre le message d’une autre personne (nous vous avions précisé précédemment que les formes étudiés en -という étaient généralement utilisées pour les citations) ainsi qu’une structure quasi idiomatique qui pourrait faciliter votre expression orale en japonais. Nous poursuivrons avec les usuelles listes de vocabulaire et les phrases de compréhension, puis nous conclurons avec un point culturel vous présentant divers portraits de femmes écrivains, plus discrètes que ces messieurs dans la littérature japonaise, hormis celles qui sont à l’origine même de celle-ci (cf. : Cours sur l’apparition de la littérature japonaise), et dont la seconde partie sera consacrée à Yosano Akiko, une écrivaine que nous affectionnons particulièrement en raison de notre parcours académique. En vous souhaitant un excellent apprentissage. I. Structures clés 早く食べろ。Mange vite ! ここで遊ぶな。Ne joue pas ici ! 早く起きなさい。Lève-toi vite ! 渡辺さんはお弁当を買いに行くと言っていました。Madame Watanabe a dit qu’elle allait acheter des Bentô. 「駐車禁止」は「車を止めるな」という意味です。 « Cela » signifie « Ne pas stationner vos voitures ». II. Grammaire 早く食べろ。Mange vite ! 1. Forme impérative affirmative neutre a. Sémantique Cette forme impérative « neutre » possède en réalité une sémantique plus forte, notamment lors d’une utilisation seule, et est donc jugée « brutale ». Elle reste alors, à l’heure actuelle, utilisée par les hommes uniquement en majorité. Nous verrons qu’il existe des alternatives pour les femmes ou pour apporter de l’« atténuation ». Pour faciliter sa compréhension sémantique, nous vous proposons les six raisons principales où cette forme peut être utilisée à l’heure actuelle (lorsqu’elle termine une phrase, ou est utilisée presque, voire seule). Nous tenons à préciser qu’il s’agit de règles sociolinguistiques pour parler un japonais « académique », avec des utilisations grammaticalement « officielles », nous ne défendons donc pas ici l’idée d’une séparation de la langue par le genre mais l’exprimons puisque sa différenciation vous sera demandée dans la plupart des examens. - Lorsque un homme possédant un « statut » professionnel ou familial réprimande une personne hiérarchiquement inférieur ou plus jeune. - Lorsque des hommes qui se connaissent se donnent des ordres entre eux. Toutefois, pour éviter toute confusion, eux-mêmes rajoutent à la fin de cette forme la particule « よ » permettant d’atténuer celle-ci. - En cas d’urgence, par manque de temps ou par côté « dramatique ». Cependant, même dans ce cas, la forme reste principalement utilisée par un homme plus âgé. - Lorsque l’on est enseignant/formateur/coach d’une activité sportive. - Lors d’un événement, d’un match ou d’une compétition, cette forme est utilisée pour « supporter » une équipe, une personne etc. Dans ce cas-là, cette forme peut être utilisée par les femmes et les enfants. - Pour un impact fort (santé, route, etc.), ou par concision : panneau, slogan, etc. b. Construction Pour les verbes Ichidan 1だん : La construction de la forme impérative neutre pour les verbes Ichidan est assez simple puisqu'il s'agit de remplacer le る/ます par un ろ. Exemple: 寝る、ねる、aller se coucher devient 寝ろ、 « Vas te coucher ». 食べる、manger, devient 食べ ろ、 « Mange ». Pour les verbes Godan 5 だん : Comme à l’accoutumée, la construction de la forme impérative neutre s'avère plus complexe avec les verbes Godan et sa forme dépend donc des terminaisons de ceux-ci. Grammaticalement, on doit transformer la forme neutre du verbe en remplaçant les sons du dernier Hiragana en –う par un –え, et non par un –お comme on pourrait le penser avec le cas des verbes Ichidan. Les formes des verbes Godan peuvent être schématisées sous le plan d'exemple que nous vous proposons en nous basant sur les modifications phonétiques que nous utilisons à chaque fois dans un souci pédagogique. 持つ Porter 持て 帰る Rentrer 帰れ 会う Rencontrer 会え 遊ぶ S’amuser 遊べ 読む Lire 読め 死ぬ Mourir 死ね 泳ぐ Nager 泳げ 書く Ecrire 書け 話す Parler 話せ Pour les verbes irréguliers : する, faire, devient しろ « Fais » et くる, venir, devient こい、 « Viens ». Exemple : 明日家へこい。Ramène toi à la maison demain. ou 頑張れ。Courage ! (Utilisé par tous pour « supporter » lors d’une compétition). ここで遊ぶな。Ne joue pas ici ! 2. L’impératif neutre négatif a. Sémantique Cette forme impérative « neutre » négative possède elle aussi en réalité une sémantique plus forte, seule, et est donc aussi jugée « brutale ». En réalité, les règles d’utilisation sémantique de l’impératif négatif neutre à suivre sont similaires en tout point à celles de sa forme affirmative, expliquées précédemment. La forme demeure donc majoritairement utilisée par les hommes, hormis dans le cas d’un « support ». Sa seule différence notable pourrait être la disparition progressive du –よ d’atténuation dans le cas de l’utilisation de celle-ci (contrairement à sa forme affirmative) dans le japonais du –quotidien-, bien que son utilisation reste conseillée grammaticalement à l’heure actuelle de manière officielle. b. Construction Par chance, la construction de la forme impérative neutre négative ou que certains nomment par emphase « prohibitive » est très simple et ne dépend aucunement du groupe auquel le verbe appartient et ce même pour les deux verbes irréguliers. Dans les faits, pour construire cette forme, il suffit de rajouter un –な exprimant l’interdiction formelle à un verbe, quel qu’il soit, sous sa forme neutre ou dite « du dictionnaire ». Par exemple, 酒を飲むな。 Ne bois pas d’alcool ! ou 明日遅れるな。Ne sois pas à la bourre demain ! 早く起きなさい。Lève-toi vite ! 3. La forme affirmative –なさい La forme –なさい est une alternative à l’impératif neutre jugé trop masculin ou brutal, même atténué par un –よ. Cette forme est notamment utilisée par les femmes se connaissant entre-elles ou s’adressant à leurs enfants, ainsi que par les professeurs s’adressant à leurs élèves. Sa construction est aisée puisqu’elle peut se schématiser sous la formule « Vb. Base connective + なさい ». Notons néanmoins que malgré l’atténuation, cette forme demeure rude et ne doit pas être utilisée envers une personne âgée ou supérieure hiérarchiquement / dans un contexte familial. Par exemple, 静かにしなさい。Faites silence ! ou 次の質問に答えなさい。Répondez aux questions suivantes. 渡辺さんはお弁当を買いに行くと言っていました。Madame Watanabe a dit qu’elle allait acheter des Bentô. 4. Transmettre le message d’une tierce personne Nous avons précédemment étudié divers moyens de citer le discours direct et indirect à travers la forme と言う, nuancée notamment par l’utilisation des « crochets » japonais entre autres (「 et 」) ou l’utilisation de la forme passé –といいました。 Nous apprendrons ici une nuance dans cette structure de citation. En effet, vous pouvez transformer la sémantique de cette forme permettant la citation pour lui permettre d’exprimer la transmission directe d’un message de la part / d’une tierce personne. Pour cela, il suffit de transformer la temporalité du verbe de citation (le passer à la forme en –TE IRU au passé), dans le cas de notre étude le verbe –言う en suivant le schéma suivant : « Tierce personne は ( 「」ou non) と 言っていました ». Par exemple, クレモン先生は明日大学を休むと言っていました。Le Prof. Clément a dit qu’il serait absent de l’université demain. A noter : Dans notre langue, ces deux formes utilisant –言う, elles peuvent être traduites de manière similaire. Notons toutefois la différence sémantique à apprendre puisque naturelle pour les japonais. Ce sont en partie pour ces raisons « de compréhension de l’Imaginaire » que ces formes, même simples, sont globalement étudiées aussi tard dans l’apprentissage de cette langue. 「駐車禁止」は「車を止めるな」という意味です。 « Cela » signifie « Ne pas stationner vos voitures ». 5. Exprimer la signification Dans les cas où vous souhaiteriez exprimer la forme basique « A veut dire B », le tout dans un champ sémantique large et sans l’utilisation d’une grammaire complexe, une structure quasi-idiomatique existe en japonais pour cela. Formée du –と de citation, du verbe 言う généralement utilisé sans kanji いう, auquel est ajouté le terme 意味、いみ、le sens en japonais, puis l’expression verbale – です/だ selon le degré de politesse que vous souhaitez utiliser, elle peut donc être synthétisée sous la formule : « A は B という意味です » où A signifie B. Par exemple, このマークはどういう意味ですか。Que veut dire ce signe ? 洗濯機で洗えないという意味です。Cela signifie que tu ne peux pas le laver au lave-linge. III. Vocabulaire 1. Un vrai félin ! Mot Lecture Traduction 虎 とら Un tigre. ライオン - Un lion. ピューマ - Un puma. 猫科 ねこか Un félin. かぎ爪 かぎづめ Les griffes. チーター - Un guépard. 豹 ひょう Panthère, léopard. (ndlr : c’est la même espèce ) 大山猫 おおやまねこ Le lynx (Notons la grande poétique du Kanji). 山猫 やまねこ Chat sauvage. 2. Et maintenant, Jouons ! Mot Lecture Traduction カジノ - Un casino. 賭をする かけをする Parier, faire un pari. コイン - Jeton. 賭金 かけきん Une mise. 二倍にする にばいにする Doubler (sa mise entres autres). ポーカー - Poker. トランプ - Un jeu de cartes. ハート - Cœur. ダイヤ - Carreaux. クラブ - Trèfle. スペード - Pique. だます - Tricher . 3. Divers Mot Lecture ダメな - Traduction Impossible, non possible, interdit. ファイト - Courage ! 使用禁止 しようきんし Usage interdit. そりゃあ - Hé bien ! 電報 でんぽう Un télégramme. 危篤 きとく Dans un état critique. IV. Compréhension Phrases types : 金を出せ。La caisse ! (Lors d’un hold-up, évidemment). お前も飲めよ。Toi aussi tu bois ! (Le « よ » montre qu’il peut refuser malgré tout). あなたもここに座りなさいよ。Toi aussi viens t’asseoir ici. この漢字はお金を払わなくてもいいという意味です。Ce Kanji signifie que tu n’as pas à payer (Il devait s’agir du Kanji 無料). このマークは真っすぐ行けという意味です。Ce panneau signifie « Allez tout droit ». クレールさん、田中さんが資料は明日送ると言っていました。Claire, Tanaka a dit qu’il vous enverrait les documents demain. Monsieur もう走れない。ごめん。Je ne peux plus courir, désolé. 頑張れ。後五百メートルだ。Courage ! Encore 500 mètres ! ミションさんとクレモン先生はいますか。Est-ce que Michonne et le Prof. Clément sont là ? 今出かけます。 ゾンビを殺してから戻ると言っていました。Maintenant, ils sont sortis. Ils m’ont dit qu’ils reviendront après avoir tué des zombis. 失礼しますが、カールさんの自動車にこんな紙がはってあったんですが、この漢字 はどういう意味ですか。Veuillez m’excuser, mais j’ai trouvé ce papier accroché à la voiture de Karl. Que veux dire ce Kanji ? 車を止めるなという意味です。Ca veut dire que vous ne pouvez pas stationner à cet endroit. 触る1な。Ne touchez pas ! あそこに何と書いてありますか。Qui y a t-il d’écrit là-bas ? 「クレールさんの事が好きだよ」と書いてあります。Il y a écrit « Claire, je t’aime ! ». 藤原さんは次の会議に参加できないと言っていました。Mademoiselle Fujiwara a dit qu’elle ne pourrait par participer à la prochaine réunion. 山田さん、「使用中」はどういう意味ですか。Madame Yamada, que « Shiyôchû » ? 今使っているという意味です。Cela signifie que c’est en train d’être utilisé. 1 さわる、toucher. signifie つよしくん、ちょっと来なさい。Tsuyoshi, viens un peu par ici (Ici, par la grammaire utilisée, on comprend qu’il s’agit d’une mère s’adressant à son fils / à un jeune enfant qu’elle connaît). 昨日、digiSchool の社長がクレモン先生とクレールさんのためにハワイのホテルを予約したと言って いました。Hier, le patron de digiSchool m’a dit qu’il avait réservé l’hôtel à Hawaii pour Claire et le Prof. Clément. そうですか。じゃ、いい仕事していますよ。Ah bon ? Ahhh… c’est un boulot sympa que nous avons là ! V. Portraits d’auteures japonaises : Yosano Akiko (Le portrait suivant a été réalisé grâce -entre autres- au formidable travail de compilation qu’a effectué Jean-Jacques Origas et ses collaborateurs et qui s’acheva au milieu des années 1990, ainsi que dans le cas présents aux travaux de Claire Dodane, Professeur de Littérature Japonaise à Lyon III, que nous avons eu l’honneur et la chance d’avoir pour Professeur). Yosano Akiko, 与謝野晶子 (1878-1942) Il s’agit d’une écrivaine qui s’est essayée à de très nombreux styles dont sont surtout retenus les poèmes à la féminité sublime et libérée. Comme Higuchi Ichiyô dans la leçon précédente, elle aussi occupe encore à l’heure actuelle une grande place dans l’Imaginaire littéraire japonais. En France, ses écrits ont été étudiés et traduits, et le sont encore a l’heure actuelle, par Claire Dodane, Professeure spécialisée dans la littérature japonaise et la condition des femmes du même pays, un profil idéal pour la traduction de ce genre de poème, dont les premières publications ont reçu un excellent accueil. Yosano Akiko (née sous le nom de jeune fille Hô Shô) est encore une jeune femme lorsqu’elle devint célèbre soudainement, entre 1900 et 1901, et dès lors s’imposera comme une grande figure du renouveau poétique caractérisant le Japon littéraire de début du XXème siècle. Elle est la troisième fille d’une ancienne famille de négociants établis dans la ville de Sakai, près d’Ôsaka, et participe dès l’âge de dix huit ans à la vie littéraire locale. Quelques poèmes aux structures inédites et des Tanka sont acceptés en 1899 par la revue « Bonnes et mauvaises herbes ». En 1900, elle fait la connaissance de Yosano Tekkan (1873-1935) qui a retenu l’attention depuis plusieurs années par ses recueils poétiques et des textes polémiques (égalitariste). Celui-ci, aussi écrivain d’une certaine renommée, vient alors de créer un cercle poétique et de lancer la revue Myôjô « L’étoile du matin ». Malgré l’opposition de sa famille, Akiko rejoint celui-ci l’été 1901, alors en instance de divorce. Ses poèmes (de type Uta) paraissent alors dans la revue dès le second numéro. En aout 1901, elle publie son premier livre de poèmes « Midaregami », « Cheveux emmêlés » sous son nom de jeune fille. D’une rareté exceptionnelle venant d’une femme à l’époque, elle exalte la sensibilité de la jeunesse, la sensualité et l’amour. Selon Jean Jacques Origas et ses collaborateurs « Chaque poème est un instant de ferveur, un appel en accord avec l’enthousiasme d’une génération qui se veut dégagée des contraintes anciennes ». En octobre 1901, elle épouse Tekkan. Dans la même revue, elle continue de mélanger des poèmes au style inédit et d’autres au style Uta. Ceux-ci seront réunis dans un second recueil « Petit éventail » en 1904. Cependant en février de la même année éclate la guerre russo-japonaise, et Akiko dédie un poème à son frère mobilisé : Dans « Il ne faut point que tu meures », elle y exprime à la fois son affection pour un être cher et sa détermination face au militarisme d’un régime qui devient de plus en plus autoritaire ; son succès irritera alors les nationalistes. A partir de 1907, la revue du couple « L’étoile du matin » connaît de graves difficultés. Les jeunes talents s’en détournent. La revue s’essouffle et cesse sa parution en 1908, juste avant le centième numéro. Akiko continue à composer des Tanka et régulièrement les rassemble dans des recueils personnels, dont elle vit plutôt confortablement comme « Cerisier Blanc ». Elle étend son activité en traduisant en japonais moderne le Dit du Genji. Elle rejoint Tekkan en Europe en 1912 et tout deux se lient d’amitié avec Rodin. A son retour au Japon, plus déterminée, elle entend prendre une place plus active aux débats sur les questions sociales et rédige moult textes en faveur de l’émancipation des femmes. Jusqu’à la soixantaine environ alors, elle publiera des écrits aux genres très divers : romans, critiques, essais, contes pour enfants, etc. Puis les années passant, elle se fait de plus en plus discrète volontairement, avant de s’éteindre quelques années plus tard. Pour conclure, citons encore J.J Origas « force fut de reconnaître qu’elle avait eu une vie comblée. Elle laissait onze enfants et une œuvre très considérable. Aux aspects multiples, parfois inégale. Toujours s’y retrouvent le même instinct de liberté et le besoin de plénitude ». Extrait d’un poème de Yosano Akiko, traduit par Claire Dodane dans « Cheveux emmêlés » : Entends le poème ! Qui oserait nier le rouge Des fleurs dans les champs ? Savoureuse jeune fille Coupable dans le printemps Quand à l’eau je livre Mes cheveux longs de cinq pieds Combien sont-ils doux ! Mais mon cœur de jeune fille Secret je veux le garder La couleur pourpre, A qui donc la raconter ? Tremblements de sang, Pensées émues de printemps, En pleine floraison la vie ! Il est temps, je pars, Et au revoir me dit-il Ce dieu de la nuit Dont la manche m’effleura, Mes cheveux mouillés de larmes Les cheveux dénoués Dans la douceur de la pièce Le parfum des lys Je crains qu’ils ne disparaissent Rouges pâles dans la nuit Toi qui n’as jamais Touché une peau douce Où coule un sang chaud, Ne te sens-tu pas triste, Et seul, à prêcher la Voie ? D’un rouge profond Les deux pétales de rose Qui forment tes lèvres Que tu ne chantes un poème Sans parfum de noblesse ! Frêles d’apparence Sont les fleurs de l’été Mais rouges écarlates Qui comme cet amour d’enfant Rient au soleil de midi !