
RÉLQ/QSJL
Vol I, No. 1, Automne/Autumn 2005
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Malgré ces propriétés exceptionnelles des pronoms en AC, les études qui leur sont
consacrées ne sont pas nombreuses. C’est pour cette raison que nous voulons apporter de
nouveaux éléments à ces recherches en examinant quelques hypothèses qui s’inscrivent
dans les travaux sur les clitiques, et surtout les clitiques pronominaux. Considérant que
les pronoms liés ont des propriétés très singulières, nous allons examiner deux
hypothèses concernant ceux-ci : est-ce que les pronoms liés sont mieux traités comme
clitiques? Ou bien faut-il les traiter comme des affixes? L’examen de ces hypothèses est
important surtout quand on sait que la première, par exemple, a été adoptée sans
argumentation dans quelques travaux récents en linguistique arabe, par exemple dans
Kouloughli (1994) et Letourneau (1993).
La première partie de cet article sera consacrée à la réfutation de la première
hypothèse. La deuxième partie est un examen de la deuxième hypothèse et la troisième
partie montrera les limites de celle-ci.
1. Les pronoms liés sont-ils des clitiques?
1.1 Qu’est-ce qu’un clitique?
Le terme « clitique » est une généralisation moderne des deux catégories
traditionnelles proclitique et enclitique. Le proclitique est un clitique qui apparaît au
début d’un mot ou d’un syntagme et l’enclitique apparaît à la fin de ceux-ci. Ce que ces
deux entités ont en commun c’est surtout leur déficience accentuelle. Ils ne peuvent
porter d’accent, d’où leur besoin de s’attacher à d’autres mots pour pallier cette
déficience et former une unité prosodique avec leur hôte. Ainsi, le proclitique je en (5a) a
besoin de s’attacher au verbe regarde pour former une unité prosodique avec celui-ci et
pallier sa déficience accentuelle. De même pour l’enclitique ‘s en (5b) :
(5) a. Je regarde la partie éliminatoire des Canadiens de Montréal.
b. Leslie’s house.
De plus, le comportement des clitiques « est en apparence intermédiaire entre celui des
mots indépendants et celui des affixes habituels. S’ils semblent jouir d’une plus grande
autonomie que ces derniers, ils s’appuient phonologiquement à un hôte, contrairement
aux mots.» (Miller et Monachesi 2003). Cette ambiguïté définit l’un des critères
essentiels des clitiques que nous pouvons récapituler dans les points suivants : (voir :
Zwicky (1977, 1985), Zwicky et Pullum (1983) ainsi que Anderson et Zwicky (2003)) :
• La dimension phonologique : le clitique forme une unité prosodique avec son hôte à
cause de sa déficience accentuelle.
• La dimension morphosyntaxique : le clitique est un élément dont l'emplacement dans
une plus grande construction syntaxique est déterminé par des principes autres que
ceux de la syntaxe normale de la langue. En d’autres mots, les clitiques occupent des