Date : 17 JAN 17
Pays : France
Périodicité : Quotidien
OJD : 122744
Page de l'article : p.12
Journaliste : Frank Niedercorn
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BLEU5 6573520500502
Tous droits réservés à l'éditeur
IDEES & DEBATS
ENVIRONNEMENT//
L'augmentation
des
émissions
de
méthane
accélère
le
réchauffement climatique.
Des solutions existent pour les limiter, notamment dans l'agriculture et l'exploitation de décharges.
Des pistes contre les émissions de méthane
Frank Niedercorn
*f @FNiedercorn
A
u secours, les emissions dè methane
s'envolent » Ce fut la petite bombe
mediatique lâchée en fin d'année
derniere par les chercheurs du Global
Carbon Project « Depuis 2014, les emissions
de
methane suivent
en
effet
le
rythme
du
scénario climatique le plus pessimiste des
experts du Giec », confirme Marielle
Saunois, enseignant-chercheur au Labora-
toire des sciences du climat et de l'environ-
nement (LSCE) Et même si le gaz carbom-
que reste responsable de 80 % du
rechauffement mondial, « sur un horizon de
centans,lemethaneaunpotentielderechauf-
fement 28 fois plus fort », msiste-t-elle Un
chiffre inquiétant qui cache toutefois un
espoir sa duree de vie dans I atmosphère
étant d'environ dix ans, le methane consti-
tue « une bonne cible pour des politiques de
regulation du changement climatique »
Le problème est que les emissions de
methane, liées a la décomposition des subs-
tances organiques lorsquelle se produit en
l'absence d'oxygène, sont plus difficiles
a évaluer que celles de CO2 « Les émissions
de gaz carbonique sont directement liées
aux combustibles fossiles Le calcul est plus
complique, pour le methane et la marge
d'erreur est plus importante, reconnaît
Manelle Saunois H n'est pourtant pas possi-
ble d'attendre pour prendre des mesures »
Pres de 60 % de ces emissions sont en
effet directement causées par l'activité
humaine A côte des secteurs petrolier
gazier et minier, qui provoquent 20 % des
emissions de methane au niveau mondial,
l'agriculture est responsable de 34 %, selon
Global Carbon Project Avec trois sources
pi mcipales les rizières, les dechets organi-
ques et l'élevage Pour la premiere, des
réflexions sont déjà menées en Asie sur une
approche différente de la culture du riz Des
etudes ont ainsi montre que le simple fait de
drainer les nzieres deux fois par an permet-
trait de reduire de 80 % leurs emissions
Pour les dechets agricoles organiques
agricoles ou issus de l'industrie, la solution
peut passer par la methanisation Ce pro-
cede permet de les transformer en biogaz,
soit pour produire de lelectricite ou de la
chaleur, soit pour le reinjecter dans le
reseau de gaz classique « C'est un levier tres
important, au carrefour des problématiques
climatique et energetique puisque l'on capte
du methane avant qu il n'aille dans l'atmos-
phère, pour le valoriser ensuite », insiste
Sylvain Pellerin chercheur a linra et coor-
donnateur d'une etude sur la « Contribu-
tion de I agriculture française a la reduction
des emissions de gaz a effet de serre »
Changer l'alimentation des vaches
Si la technique de methanisation est désor-
mais maîtrisée, son déploiement prendra
du temps, car elle nécessite des investisse-
ments importants et un environnement
particulier « Le problème reste celui de
lapprovisionnement en matiere premiere,
qui doit etre abondante et de qualite C est
assez simple si l'on travaille a proximite d'un
acteur industriel important C'est plus
complexe avec un environnement agricole,
qui impose une collecte diffuse et coûteuse »,
précise Christophe Nebon, directeur tech-
nique chez Veolia En outre, la reglementa-
tion s'avère tres contraignante
Traiter les dechets animaux ne suffira de
toute façon pas, et il faudra s'intéresser a
leur alimentation L'élevage est responsable
de 18 % des emissions de gaz a effet de serre
selon la FAO, et même de 70 % du methane
d'origine agricole en Europe En cause le
systeme digestif des ruminants Grâce a
leur panse, qui abrite une population
microbienne importante, les vaches
notamment ont la capacite a digérer le four-
rage et la cellulose, maîs émettent de gran-
des quantites de methane Les chercheurs
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Périodicité : Quotidien
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En chiffres
558 millions de
tonnes de methane
sont émises chaque
annee, selon Global
Carbon Project
59 %: la part
de ces emissions liee
a l'activité humaine
34 % correspondent
a l'agriculture et
aux dechets, 19 %
a la production et
l'utilisation d'énergies
fossiles, et 6%
a la combustion
de biomasse
41%
Les autres emissions
proviennent de
phénomènes naturels,
dont 30 % des zones
humides et autres
marécages, et 11 %
d'autres phénomènes
géologiques
de l'Inra Clermont-Ferrand ont montre
qu'en remplaçant une partie de leur alimen-
tation par des lipides issus de la graine de
lm, voire de colza, les bovins émettraient
jusqu'à 40 % de methane en moins Michel
Doreau, le chercheur a l'origine de ces tra-
vaux, reste pourtant prudent « Au-delà de
l'obstacle du cout, on ne pourrait de toute
façon pas nourrir tout le betail français avec
le lm produit en France f avais estime qu'on
pourrait arriver a une baisse globale de %
des emissions, maîs cela coûterait cher »
Une telle politique demandera sans
doute une approche volontariste Quelque
650 éleveurs de l'association Bleu Blanc
Cœur se sont ainsi lances dans la demarche
Ils ont ensuite fait valider la baisse des emis-
sions de methane par une analyse des aci-
des gras du lait, car il existe une corrélation
entre les deux La commune de Liffre (Ille-
et-Vilame) subventionne même les agricul-
teurs engages dans la demarche, tout
comme le distributeur Super U, qui rému-
nère les cooperatives laitières en fonction
des emissions de methane économisées
« Aujourd'hui, une baisse de 20 % des emis-
sions représente un surcoût d'environ I cen-
time par litre de lait Le systeme est vertueux,
puisque le lait ainsi produit est aussi meilleur
pour la sante, avec moins de graisses saturées
II faudra a terme faire en sorte que le consom-
mateur paye », assure Pierre Weill, fonda-
teur de Valorex, la societe qui a breveté la
methode d'analyse du lait, et coordinateur
du projet europeen Eco-méthane qui asso-
ciait huit pays Les producteurs suisses
devraient s'engager massivement dans la
demarche des cette annee «Planter
250 000 hectares de lin, contre 50 000
aujourd'hui, suffirait pour l'élevage fran-
çais », assure Pierre Weill
L industrie étudie aussi d autres pistes
A commencer par des additifs alimentaires
de synthèse agissant sur la flore micro-
bienne des animaux «A plus long terme, on
Les émissions de méthane
ont trois sources
principales : les rizières,
les déchets organiques
et l'élevage.
pourrait envisager des animaux genetique-
ment modifies convertissant mieux les ali-
ments en lait Une autre piste consisterait a
revenir aux races d'antan a la fois laitiere et
offrant une bonne qualite de viande », ima-
gine Michel Doreau « II ne faudra pourtant
pas se focaliser uniquement sur le methane,
maîs
s'occuper
des
trois
gaz a
effet
de
serre
principaux et actionner tous les leviers, pré-
vient Sylvain Pellerin D'autant que certaines
des mesures contre les emissions de gaz car-
bonique ou de protoxyde d'azote, comme
l'agroforestene, le retour des haies, les cultu-
res intermédiaires ou la diminution des
engrais,
auront
aussi
des
effets
tres
positifs
sur la nature et la biodiversite » rn
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Pays : France
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Transformer le méthane des décharges en gaz naturel
Saint-Florentin, dans l'Yonne,
a connu la semaine dernière
une première mondiale : la
distillation du biogaz issu d'un
centre de stockage de déchets
ménagers. Le 14 février pro-
chain, si tout se passe comme
prévu sur ce site exploité par
Coved (groupe Saur), GRDF
devrait réinjecter le gaz ain-
si produit dans son réseau.
On estime que nos déchets
ménagers sont responsables
de 5 % des émissions de gaz
à
effet
de
serre.
Ce
biogaz,
essentiellement constitué de
méthane issu de la fermenta-
tion des matières organiques,
s'échappe souvent dans
l'atmosphère. En France, il est
au mieux valorise sous forme
d'électricité, avec un rende-
ment toutefois faible (30 %),
mais souvent brûlé. Pour
le valoriser, la start-up Waga-
Energy, fondée par des
anciens d'Air Liquide, a déve-
loppé une technologie asso-
ciant filtration et distillation.
Sa Wagabox permet de sépa-
rer l'oxygène, l'azote et toutes
les impuretés du méthane
pour produire un biométhane
très pur, utilisable comme du
gaz naturel. « Notre rendement
est de 90 % avec l'intérêt d'obte-
nir du gaz facilement stockable,
ce qui n'est pas le cas de l'élec-
tricité », insiste Mathieu
Lefebvre, président et cofon-
dateur de Waga-Energy. La
jeune entreprise grenobloise
a l'ambition d'installer une
centaine de Wagabox dans les
dix ans à venir. Son modèle
économique consiste à finan-
cer et exploiter les Wagabox
en revendant le biogaz ainsi
produit. Une deuxième instal-
lation doit démarrer au prin-
temps, sur un site de Suez.
L'élevage est responsable de 70 % du méthane d'origine agricole en Europe. En cause, le système digestif
des
ruminants.
Photo Benoit Decout/RÉA
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