Pourquoi ce texte…
Un homme m’a quitté. Un homme m’a trouvé. Un homme a fait de moi une mère. Un
homme a fait de moi une femme. Une femme amoureuse. Pas une jeune femme, non.
Ni vieille, ni incroyable, ni laide, ni belle. Une femme. Une femme qui (re)découvre
l’amour. Ses joies. Ses tourments. Son Obsession. Ses montagnes russes. Aimer et
être Aimée. La grande affaire. L’Amour avec un grand A. Le vrai, le pur, le si rare.
L’évidence. J’ai eu deux grands amours dans ma vie. Le premier à 20 ans, le
deuxième à 46 ans. J’en ai à présent 49 et cela fait presque trois ans que cet Amour
me remplit et me bouleverse. On n’aime pas de la même manière à 20 ans et à 49
ans. On n’est pas aimée pareil. Après trois mises en scène jeune public, c’est de ça
dont j’ai eu envie de parler. L’amour entre deux êtres, corps et âme. L’amour ici et
maintenant. Pas l’amour de la Carte du Tendre, ni celui de Belle du Seigneur, encore
moins celui des magazines féminins. Pas la stratégie ni le cynisme, la mièvrerie et le
romantisme fleur bleue. Pas l’amour des adolescents ni celui des personnes âgés.
Non. Besoin de parler de celui que je connais, celui qui me soulève du sol et me
brûle. Ce cadeau tombé un jour au coin de la rue. Envie de comprendre.
Pourquoi lui ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi
comme ça, à ce point, si fort ? Comprendre ce qui se joue.
Comprendre cette révolution en soi. Cette renaissance. Ce
vertige. Cette évidence. L’Amour, finalement, comment ça
marche ?
J’ai eu un véritable coup de foudre pour Eloge de
l’Amour. Comme un coup de foudre amoureux. Comme si
ce livre avait été écrit pour moi. Il y a des textes qui viennent
tellement taper dans notre sensibilité et dans nos entrailles que
l’on sent qu’il y a une urgence à prolonger l’expérience de la
lecture dans l’expérience de l’incarnation.
J’ai présenté un premier dossier au festival Dire des Femmes du Théâtre
du Petit Matin à Marseille en janvier 2016. 9 projets de femmes, 9 chantiers
en cours, 3 propositions de travail de 30 minutes par soir, une question à poser
au public… Laboratoire parfait pour mon expérimentation. J’ai laissé tomber l’idée
de mélanger ce texte avec des textes du répertoire, histoire de faire un peu plus
«#théâtre#»… Non. J’ai fait le pari de donner à entendre seulement Badiou et son
Eloge, avec quand même un bout de Dalida, et le moment de la rencontre dans les
Enfants du Paradis. Sentir comment j’allais le porter, comment le public allait réagir.
C’était véritablement un quitte ou double. Comme en amour, il fallait que la rencontre
se fasse. L’accueil fut enthousiaste. A la question posée au public : «#si j’allais plus
loin, que souhaiteriez vous entendre? Plus de Badiou ou plutôt d’autres textes sur
l’amour?#», la réponse fut unanime: plus de Badiou!! Ce texte avait résonné aussi fort
chez eux que chez moi… Cette soirée m’a poussé dans le dos. Et c’est avec
obstination que j’ai décidé de poursuivre cette aventure.
Caroline Ruiz