Revue Médicale Suisse
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3 décembre 2014 2309
sidérés comme éligibles, une étude récente a montré que
92% d’entre eux le seraient.14
Les critères histologiques pour définir un cancer de la
prostate sont finalement également discutés. Il y a consen-
sus sur le fait qu’un grade M 4 représente un critère valable,
toutefois, les critères volumétriques du cancer sont moins
clairs. Dans le passé, des seuils de 0,2 ou 0,5 ml étaient
considérés comme significatifs. Récemment, il a été dé-
montré que le seuil de significativité clinique pourrait être
plus élevé dès 1,3 ml.2 Dans un futur que l’on espère proche,
des marqueurs moléculaires seront utiles pour distinguer
les tumeurs significatives. A présent, l’utilisation de tests
diagnostiques précis, comme l’IRM multiparamétrique et les
biopsies ciblées, est l’approche recommandée.
Toute nouvelle stratégie thérapeutique devrait en prin-
cipe être comparée à un traitement de référence de ma-
nière rigoureuse et par assignation aléatoire des patients.
En l’état, cela signifierait comparer la thérapie focale aux
traitements «classiques» (chirurgie ou hormono-radiothé-
rapie). Il existe plusieurs difficultés à cela. En premier lieu,
la plupart des études randomisées comparant deux traite-
ments dans le domaine du cancer de la prostate ont échoué,
en raison notamment de la difficulté de randomiser les pa-
tients.15 La randomisation est plus simple quand deux mé-
dicaments avec un profil toxique comparable sont adminis-
trés, mais délicate dans les disciplines chirurgicales, en par-
ticulier dans le cas où la disparité des effets secondaires
est notable. De plus, ce genre d’étude nécessite un suivi
prolongé pour déterminer des différences en termes de mor-
talité spécifique. Finalement, plusieurs technologies pou-
vant être utilisées en thérapie focale, les résultats d’une
technologie ne peuvent pas être appliqués à une autre par
extrapolation directe.
Il est donc peu probable qu’une étude randomisée de ce
type soit réalisée dans les prochaines années. Afin d’éva-
luer ces technologies de manière rigoureuse, sûre et effi-
cace pour les patients, ainsi que déterminer les résultats
oncologiques et fonctionnels sur le long terme, il semble
adéquat d’offrir la thérapie focale dans le cadre d’études
cliniques. La dissémination non contrôlée de cette tech-
nique pourrait avoir des conséquences délétères pour les
systèmes de santé et surtout pour les patients.
Enfin, et c’est l’un des avantages notables de ces nou-
velles techniques, la plupart des traitements focaux dispo-
nibles laissent la possibilité, en cas d’échec, soit de retraiter
de façon focale, soit d’intervenir alors de façon classique.
On assisterait alors à un changement de paradigme complet,
avec une nouvelle arme dans l’arsenal contre le cancer de
la prostate localisé. Cependant, si cela semble faisable, le
devenir à long terme de ces patients doit encore être évalué.
étude clinique romande
Un protocole d’étude clinique intercantonale romand
visant à inclure des patients en vue d’une thérapie focale
par HIFU est actuellement en phase d’initiation. Les patients
avec un diagnostic de cancer de la prostate localisé rem-
plissant les critères internationaux d’éligibilité (tableau 1)
sont invités à y participer. Une IRM multiparamétrique et
des biopsies systématiques, afin de réduire au maximum la
possibilité de méconnaître la présence d’une maladie si-
gnificative dans les zones de la glande non traitées, seront
réalisées chez tous les sujets. Le protocole de suivi après
traitement inclura des visites cliniques systématiques avec
remplissage de questionnaires validés, des IRM multipara-
métriques et des biopsies afin de vérifier l’efficacité du
traitement ainsi que ses effets secondaires.
conclusion
La thérapie focale est une stratégie thérapeutique pro-
metteuse pour les patients atteints d’un cancer localisé de
la prostate modérément invasif. Comme pour d’autres tu-
meurs solides, un traitement ciblé de la néoplasie prosta-
tique en préservant l’organe pourrait assurer un contrôle
oncologique en minimisant les complications et donc dé-
terminer une amélioration substantielle de la qualité de
vie des patients traités. Avant de disséminer le traitement
d’une manière indiscriminée, une évaluation rigoureuse et
protocolée est nécessaire, et cela dans des centres expéri-
mentés.
Implications pratiques
La thérapie focale est une stratégie thérapeutique émergente
et prometteuse pour certains patients atteints d’un cancer
localisé de la prostate modérément invasif
La sélection des patients éligibles au moyen d’une IRM multi-
paramétrique de bonne qualité et de biopsies précises est
la clé du succès
Les résultats à moyen terme dans le cadre d’essais cliniques
rigoureux montrent une bonne efficacité oncologique et
d’excellents résultats fonctionnels. Cependant, un suivi pro-
longé est nécessaire pour vérifier ces résultats
En cas d’échec, une thérapie classique radicale reste possible
Cette technique hautement spécialisée est en phase d’éva-
luation clinique et son utilisation pour le moment devrait
s’effectuer dans des centres de référence
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Conflit d’intérêts
M. Valerio est consultant pour la compagnie AngioDynamics (Latham,
NY, EU). Les autres auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts en
relation avec cet article.
Drs Massimo Valerio, Thomas Tawadros
et Yannick Cerantola
Pr Patrice Jichlinski
Service d’urologie
Pr Jean-Yves Meuwly
Dr Caroline Lutchmaya-Flick
Service de radiologie
Dr Benoît Lhermitte
Service de pathologie
CHUV, 1011 Lausanne
Drs Daniel Benamran et Gregory Wirth
Pr Christophe Iselin
Service d’urologie
HUG, 1211 Genève 14
Adresses
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