ans son livre Les jeunes dans la
Résistance: 20 ans en 1940,
Marie Granet écrit: «Les jeunes
sont avides d’action. La parole,
l’article de journal, le livre, tout
cela ne leur suffit pas. Il leur faut l’action
immédiate, même dangereuse, le
risque»(1). Parce qu’ils prendraient plus
de risques, parce qu’ils auraient, davan-
tage que leurs aînés, le goût du danger,
l’engagement des jeunes dans la
Résistance en a-t-il été pour autant plus
dangereux, se sont-ils davantage exposés
à la répression?
Les formes de répression: rafles,
tortures, exécutions, déportation
L’entrée en résistance nécessite de rompre
avec la légalité et avec une culture d’obéis-
sance à l’État, de faire face aux difficultés
de la vie clandestine et surtout d’accepter
les risques de la répression, de vivre
constamment avec l’angoisse d’une arres-
tation. La guerre se prolongeant, les raisons
de s’engager évoluent: à partir de 1943, face
à l’instauration du STO, les jeunes gens se
voient obligés de faire un choix.
Parallèlement les risques et les dangers se
multiplient: à partir de novembre 1942
la France est entièrement occupée, les
forces de répression allemandes et fran-
çaises conjuguent leurs efforts contre ce
qu’ils appellent les «terroristes» (accord
Bousquet-Oberg d’août 1942). La police
de Vichy se met de plus en plus au ser-
vice des nazis et la Milice, placée sous l’au-
torité de Vichy, est créée en 1943.
«[…] à partir d’avril 1942, la Gestapo
installe partout en zone occupée, auprès de
chaque Feldkommandantur, un Kom-
mando de ses policiers. Tout ce qui
concerne le maintien de l’ordre et la répres-
sion de la Résistance, du côté allemand, est
désormais placé sous la direction de la SS.
Le 28 avril, le général SS Karl Oberg est
nommé à la tête des services de sûreté et de
sécurité du Reich en France. Leur chef
suprême Heydrich vient, en personne, à
Paris pour l’installer. Oberg négocie aussitôt
avec Bousquet, le secrétaire général de la
police française de Vichy, un accord de
coopération et de partage des tâches. Cet
accord Bousquet-Oberg sera renouvelé en
1943 et étendu alors à la zone Sud, entre-
temps occupée à son tour.»(2)
Bien souvent, pendant les périodes de
guerre, les droits de l’Homme ne sont
plus respectés: censure, interdictions de
circuler, rafles, arrestations et détentions
arbitraires. Mais il faut insister surtout
sur l’utilisation par les nazis de pratiques
barbares dénoncées de tout temps: sys-
tème des otages, torture, déportation…
Celles-ci se mettent en place dès le
début, mais elles connaissent un dur-
cissement à partir de 1942, où exécu-
tions et déportations se multiplient. Pour
impressionner la population des avis de
répression qui annoncent l’exécution de
résistants et d’otages, sont placardés sur
les murs des villes. Et les autorités alle-
mandes n’hésitent plus, à partir de 1942,
à engager la responsabilité de la popu-
lation tout entière, la menaçant d’une
répression collective. En 1944, l’année
de la libération de la France, le nombre
des résistants – et plus particulièrement
des jeunes résistants – grossit, la répres-
sion se durcit. Elle touche durement les
réseaux, auxquels participent de jeunes
agents, les mouvements et les maquis.
À cet égard l’exemple du mouvement
«Défense de la France» créé en 1941 par
de jeunes étudiants et qui a tout au long
Concours National de la Résistance et de la Déportation 23
Lettre d’adieu de Guy Môquet
à ses parents avant d’être fusillé à Châteaubriant le 22 octobre 1941
Ma petite maman chérie, Mon tout petit frère adoré, Mon petit papa aimé,
Je vais mourir! Ce que je vous demande, à toi en particulier petite maman, c’est
d’être très courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant
moi. Certes j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que
ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé
mes deux frères Roger et Rino. J’espère que mes affaires te seront renvoyées; elles
pourront servir à Serge qui je l’escompte, sera fier de les porter un jour. À toi, petit
papa si je t’ai fait ainsi qu’à ma petite maman bien des peines, je te salue une der-
nière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée.
Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie
bien pour être plus tard un homme.
«Dix-sept ans et demi. Ma vie a été courte! Je n’ai aucun regret si ce n’est de vous
quitter tous. Je vais mourir avec Tintin [NDLR: Jean-Pierre Timbaud secrétaire de la
Fédération des Métaux] et Michel. Maman, ce que je te demande, ce que je veux
que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux
pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toi maman, Serge, papa, en vous
embrassant de tout mon cœur d’enfant. Courage! Votre Guy qui vous aime.
Dernière pensée: «Vous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir.»
Cité par Marie Granet, Les jeunes dans la Résistance, op. cit.
TROISIÈME PARTIE
Les jeunes résistants
victimes
de la répression
TROISIÈME PARTIE
Les jeunes résistants
victimes
de la répression