Santé environnementale
80 Krankenpflege ISoins infirmiers ICure infermieristiche 5/2016
Timothée Steffen et Kevin Alexan-
dre Giazzi, sont étudiants à la Haute
école de santé La Source. Les articles
de la rubrique Santé environnemen-
tale sont écrits sous la supervision de
Nicole Froment.
Les auteurs
Des chercheurs émettent l’hypothèse que les déodorants aux sels d’aluminium
seraient en cause dans certains cancers du sein. Si aucune preuve scientifique
significative n’existe encore à ce jour, un tel débat est important à soulever.
Texte: Timothée Steffen, Kevin Alexandre Giazzi / Photos: Fotolia
Et si transpirer rimait
avec bonne santé?
Déodorants aux sels d’aluminium et cancer du sein
que d’absorption systémique d’alumi-
nium en raison des microlésions cutanées
résultant du rasage (Sonthonnax, 2014).
Toxicité de l’aluminium
Il apparaît dans plusieurs études que
l’aluminium serait toxique pour la san-
té. Certains chercheurs avancent que
cette toxicité serait relativeet objecti-
vable chez des personnes en particulier
lorsd’une exposition à de fortes doses
d’aluminium. D’autres affirment que ce
métal aurait plutôt une toxicité au long
cours, déjà à de faibles doses. Si des cas
d’irritations cutanées après une appli-
cation d’un déodorant anti-transpirants
ont effectivement été observés, les ré-
actions allergiques aux sels d’alumi-
nium restent exceptionnelles.Mais la
recherche se concentre sur les liens
éventuels existant entreune applica-
tion régulière de déodorants aux sels
d’aluminium et le cancer du sein.
Le cancer du sein touche une femme sur
neuf et 5000 nouveaux cas sont diagnos-
tiqués chaque année en Suisse. Les
hommes, quant à eux, ne sont que très
rarement concernés (moins de 1% des
cancersdu sein) (CHUV, 2015). La majo-
rité des cancers du sein sont observés
dans le quadrant supéro-externe (38,5%
des cas), quadrant à proximité des ais-
selles,zone d’application des déodo-
rants. De plus, selon des études, l’alumi-
nium serait en mesure de se lier aux
récepteurs cellulaires des œstrogènes et
stimuler ainsi le développement du can-
cer du sein. Certains avancent que depuis
les années 1940, le développement des
cancersdu sein a augmenté parallèle-
Le déodorant est devenu un produit
cosmétique incontournable dans notre
société contemporaine pour lutter
contre la transpiration et ses effluves
désagréables.Si certains produits cou-
vrent les mauvaises odeurs, d’autres
ont des effets antiperspirants diminuant
la transpiration. Leur grande efficacité
est due à la présence de sels d’alumi-
nium qui ferment les canaux sudoraux,
réduisant ainsi la diaphorèse de maniè-
re significative.
Néanmoins,si l’aluminium possède de
nombreuses qualités, il n’est pas
exempt de défauts.En effet, d’après de
nombreuses études, ce matériau lourd
serait toxique pour la santé humaine.
Ainsi, une question se pose: quel est le
risque pour notre santé lors d’une expo-
sition quotidienne aux sels d’alumi-
nium par l’usage de déodorants anti-
transpirants?
L’aluminium dans l’organisme
L’aluminium, métal naturellement pré-
sent dans l’environnement, a des pro-
priétés physico-chimiques très intéres-
santes pour l’industrie. Très utilisé dans
le domaine de la santé, de l’agroalimen-
taire et des cosmétiques, il se retrouve
notamment dans les vaccins et les médi-
caments antiacides, dans des emballages
alimentaires ou encoredans de nom-
breux déodorants. La grande quantité de
sels d’aluminium présents dans les déo-
dorants anti-transpirants (jusqu’à 25%
de leur composition) s’explique pour
une raison évidente: ils sont très effi-
caces pour réduire la transpiration.
Il existe de nombreuses voies d’exposi-
tion (voies orales, respiratoires,cuta-
nées, intramusculaires tels les vaccins)
de l’homme à l’aluminium au vu de sa
quantité importante dans l’environne-
ment naturel et dans les produits indus-
triels. Dans le cas des déodorants,
l’absorption se fait par voie cutanée et
diffère en fonction du type de peau. Si
la barrière cutanée semble efficace
contreles sels d’aluminium, le rasage
des aisselles et l’application régulière
d’anti-transpirant augmenteraient le ris-
«La recherche se concentre sur les liens éventuels existant
entre une application régulière de déodorants aux sels
d’aluminium et le cancer du sein.»
ment à l’utilisation des déodorants aux
sels d’aluminium. (Sonthonnax, 2014).
Mais le débat fait encore rage. Une étu-
de récente de biologie cellulaire réalisée
par des chercheurs de l’Université de
Genève a mis en exergue que les sels
d’aluminium que l’on retrouve dans
nos déodorants sont nocifs pour les cel-
lules mammaires humaines in vitro. Ce-
pendant, selon Mandriota & Sappino
(2012) «[…] cette étude ne constitue pas
une preuve formelle de la responsabi-
Propositions d’interventions
En tant que professionnels de la santé, il
est important de se renseigner sur les dif-
férents types de produits présents sur le
marché. Si de nombreuses alternatives
existent aux antiperspirants, il faut mal-
gré tout rester prudent lors de l’achat de
déodorants dits «naturels». La pierre
d’alun, par exemple,est très en vogue.
Elle contient pourtant elle aussi des sels
d’aluminium mais sous une autreforme
que les anti-transpirants classiques.
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Adopter un
regard critique
Prise de position professionnelle
En tant que soignants, nous pensons
que notre premier rôle est celui de pro-
moteur de la santé. Il est important
d’être au clair sur cette problématique
et de pouvoir en parler librement aux
patients qui s’interrogent ou s’inquiè-
tent. Poser un regard critique sur les
études scientifiques actuelles et donner
des informations claires et précises,
basées sur des données probantes, per-
met à chaque consommateur de se
faire sa propre opinion et d’agir en con-
naissance de cause.
Pour conclure, de nombreuses interro-
gations restent encore sans réponse.
Faudrait-il systématiquement éviter les
déodorants aux sels d’aluminium chez
les personnes souffrant d’un cancer du
sein? Et qu’en est-il de l’application
d’antiperspirants chez les femmes en-
ceintes ou qui allaitent? Si l’on sait que
l’aluminium passe la barrièrecutanée et
se retrouvedans le sang, quel impact
a-t-il sur le fœtus ou sur le nouveau-né?
La recherche est en cours. D’ici là, les
sels d’aluminium ont encorede beaux
jours devant eux.
Bibliographie
Becaria A., Campbell A. & Bondy S-C.(2002).
Aluminium as a toxicant. Repéré à
http://www.researchgate.net/publication/
8633742_Aluminum_as_a_toxicant
Institut national du cancer. (2007).
Comprendre le cancer du sein. Repéré à
http://www.cancersdusein.curie.fr/sites/
default/files/cancer-sein-guide-Inca.pdf
Mandriota S. & Sappino A-P.(2012). Service
de communication de l’université de Genève:
L’innocuité des sels d’aluminium sur les
cellules mammaires contestée. Repéré à
http://www.unige.ch/communication/
communiques/2012/CdP120106.html
Simon M. (2009). Analyse par microfaisceau
d’ions. Application à l’étude de la fonction
barrièrecutanée et à la nanotoxicologie in
vitro. Thèse pour obtenir le titrede docteur
de l’Université de Bordeaux. Université de
Bordeaux, France. Repéré à
http://ori-oai.u-bordeaux1.fr/pdf/2009/SIMON
_MARINA_2009.pdf
lité des sels d’aluminium dans le déve-
loppement du cancer du sein […]».
Dimensions socio-économique
et politique
Alorsque la polémique autour de l’alu-
minium s’intensifie, les entreprises de
cosmétiques ont élargi leur palette de
déodorants sans sels d’aluminium, pro-
posant diverses gammes de produits
naturels ou biologiques. Pourtant, à ce
jour, l’aluminium est toujours présent
dans les trois quarts des déodorants que
l’on peut trouver sur le marché Quelle
en est la raison? Les grands fabricants
de cosmétiques semblent rester silen-
cieux sur cette question. Il n’est peut-
êtrepas anodin de signaler que le mar-
ché du déodorant au niveau mondial
se chiffre en milliards de dollars par
année. Et que penser des études scien-
tifiques prouvant l’innocuité des sels
d’aluminium qui sont financées par les
grandes firmes leadersdans le secteur
des cosmétiques?
«Il n’est peut-êtrepas anodin de signaler que le marché
du déodorant au niveau mondial se chiffre en milliards de
dollars par année.»
Les déodorants à base d’alcool, quant à
eux, contiennent souvent d’autres com-
posants nocifs pour la santé et sont bien
moins efficaces que ceux aux sels d’alu-
minium, car ils n’agissent pas sur le flux
de transpiration. Cependant, certaines
marques ont développé toute une gam-
me de cosmétiques naturels et bio certi-
fiés non nocifs pour la santé. Des re-
cettes personnalisées, notamment à base
de bicarbonate de soude et d’huiles
essentielles existent également.
En tant que consommateur averti, il est
essentiel d’apprendreàrepérer l’alumi-
nium sous toutes ses appellations sur les
étiquettes des déodorants (par exemple:
chlorhydrate d’aluminium, chlorure
d’aluminium), et rester vigilant face à cer-
tains slogans publicitaires accrocheurs.
De plus,l’Office fédéral de la sécurité ali-
mentaire et des affaires vétérinaires
(OSAV, 2014) recommande de ne pas uti-
liser d’anti-transpirants sur peau lésée,
c’est-à-direaprès le rasage des aisselles
ou en cas de lésions cutanées.
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