Résumé
Le tamoxifène (Tam) est le principal médicament utilisé dans le monde en hormonothérapie des
cancers du sein qui expriment les récepteurs des oestrogènes (RE). Le Tam est également utilisé en
Amérique du Nord à titre préventif chez les sujets à risque. Ce médicament a été conçu comme un
antagoniste des RE et bloque par ce mécanisme les effets mitogènes de l’oestradiol qui est le
régulateur endogène de ces récepteurs. Le Tam présente malheureusement une activité agoniste des
RE dans certains tissus qui provoque des effets secondaires indésirables et la stimulation de
l’apparition de cancers de l’endomètre chez un patient sur 1000. En revanche, le Tam présente des
effets pharmacologiques qui n’impliquent pas forcément les RE tels que des effets athéroprotecteurs et
une activité antiproliférative sur certaines tumeurs qui n’expriment pas les RE. Ces observations ont
conduit à la recherche de nouvelles cibles du tamoxifène pouvant expliquer ces effets bénéfiques. Mon
travail de thèse a permis l’identification de deux cibles nouvelles du Tam qui expliquent ces effets.
Dans une première partie de ma thèse j’ai participé à l’identification d’une nouvelle cible du Tam qui
est l’acétyl-CoA cholestérol acyl transférase (ACAT). Elle agit sur le développement de la plaque
athéromateuse en favorisant l’accumulation d’esters de cholestérol. L’observation d’analogies de
structure entre le Tam et un inhibiteur de l’ACAT nous a incité à étudier l’impact du Tam sur l’activité
catalytique de l’ACAT. Nous avons montré in vitro, sur des microsomes de foie de rat, que le Tam est
un inhibiteur de l’ACAT à des concentrations thérapeutiques. Nous avons ensuite montré qu’il inhibe
la transformation des macrophages en cellules spumeuses en bloquant l’activité ACAT sur ces
cellules. Ce mécanisme peut donc expliquer les effets athéroprotecteurs du Tam.
Il est établi depuis de nombreuses années que le Tam se fixe avec haute affinité sur le site de liaison
microsomal des antioestrogènes (AEBS) qui n’avait pas été identifié. Nous avons dans une seconde
partie étudié l’implication des AEBS dans le contrôle de la prolifération de cellules tumorales
mammaires. L’équipe a identifié le site AEBS en démontrant qu’il est constitué par l’association de
deux enzymes impliquées dans la biosynthèse du cholestérol. Nous avons montré que les ligands
d’AEBS dont le Tam et un ligand sélectif le N,N pyrrolidino [4 benzyl) phenoxy éthanamine] (PBPE),
entraînent l’accumulation massive des substrats de ces enzymes dans les cellules : le zymostenol et le
7-déhydrocholestérol. Nous avons étudié l’impact de cette inhibition sur le contrôle de la prolifération
de cellules tumorales mammaires. Nous montrons que le PBPE et la Tam induisent un blocage du
cycle cellulaire et des caractéristiques de différenciation sur les cellules tumorales mammaires
humaines (MCF7). Le PBPE et le Tam induisent l’accumulation et la sécrétion de lipides et de
protéines du lait. Ces effets apparaissent indépendants du récepteur des œstrogènes puisqu’observés
avec le PBPE. Cependant, des lignées tumorales mammaires qui n’expriment pas ou peu de RE ont
une moindre sensibilité aux drogues. Les effets différenciants observés avec le PBPE et le Tam sont
aussi produits par le zymosténol et le 7-dehydrocholesterol. Ces observations établissent donc un lien
entre le site AEBS et le contrôle de la prolifération et de la différenciation des cellules tumorales
mammaires humaines. De plus, nous avons établi que cet effet est conditionné par la production de
produits d’oxydation du zymostenol et du 7-déhydrocholestérol. En effet, l’addition d’antioxydants
tels que la vitamine E inhibe la transformation des stérols en oxystérols et les caractéristiques de
différenciation observées avec les drogues et les stérols.
Enfin, nous avons mis en évidence que l’utilisation de concentrations plus élevées et de temps
d’incubation plus longs de ligands d’AEBS induisent une mort cellulaire active. Nous avons pu
caractériser cette mort cellulaire par des modifications mitochondriales (potentiel de membrane,
relargage du cytochrome C, nucléarisation du facteur AIF), par l’accumulation de marqueurs
autophagiques ( LC3 II, autophagosomes) ainsi que par la régulation de protéines des voies
d’activation de l’autophagie comme Beclin et Bcl-2.
Lors de ces travaux nous avons donc pu mettre en évidence deux cibles importantes du tamoxifène qui
participent à son activité thérapeutique. Ces études montrent que le site AEBS constitue une cible
potentielle pour le développement d’agents anticancéreux et chémopréventifs.