Sujet : Plaider est-il un acte de foi ?
Maître Cheick Oumar TOUNKARA
Avocat à la Cour
Barreau du Mali
baroutounkara@yahoo.fr
Je, soussigné,
Ma foi, jurée !
Mon serment prêté !
Je suis un propte,
Ma prophétie est sacrée,
Mon verbe est solennité
Ma langue est tranchante vérité,
Mes mots sont conviction et croyance,
Je suis un Avocat, tout en confiance,
ET je plaide sans déviance.
Ma Plaidoirie est un acte de foi, plaider demeure la foi, plaider va au-delà la foi.
Défendre est un acte pour les âmes de foi, une rivière pour les âmes en errance qui
ne s'y baignent qu'une fois, tel des baptisés !
Ecoutez attentivement ce que je vais murmurer à vos oreilles, n'en déplaise aux oreilles
qui nous emmurent dans cette salle ;
Jurez de me suivre, et vous serez pardonnés, que dis-je ? Acquits, non ! Tout
simplement, relaxés !
Tout prophète est un plaideur - Mahomet, jésus et Moise plaideront devant Dieu en
faveur des fidèles
.
Mais tout plaideur n'est pas prophète.
Moi, je plaide, je suis un prophète, votre prophète.
Je soutiens avec conviction et croyance, croyance en un seul Dieu, en la justice, en la
loi.
Avocat pro bono, pro domo, à la manière de Cicéron, je me tiens à cette barre de
l'auguste Assemblée, pour plaider ma propre cause.
Je suis fier de soutenir ma cause, j'en suis convaincu.
Mes convictions, elles sont fondées sur la responsabilité, la rationalité et l'humanité, le
tréfonds de mon serment.
Sempiternel serment auquel je ne ferai aucune objection, je n'élèverai aucune exception
! Je crois à la fois, à la justice et à la loi.
Cette triade de valeurs est à l'épicentre de ma profession, ma vocation,
Vocation portée et supportée d'antan par la soutane de l'ecclésiastique, aujourd'hui par
la robe noire de l'avocat que je suis.
Autrefois, la soutane de l'ecclésiastique franchissait la sphère étanche du clergé,
s'appuyant sur le bâton de Prioral pour plaider.
Aujourd'hui, l'Avocat franchit les marches du halais, souvent en passant par la mythique
« salle des pas perdus », pour atteindre la salle d'audience et s'arrêter aux côtés de la
barre pour plaider.
Oui plaider !
Plaider la cause de l'humanité, porter la voix des sans voix.
Cet élan de solidarité fut-elle religieuse incarnera l'ossature d'une profession, ma
profession embrassée par destination.
Défendre pour la justice et la vérité, l'office de l'avocat débute par sa confession, sa
conviction en la cause qu'il plaide.
Cette phase préalable est l'épine dorsale de la démonstration des faits qu'il donne au
juge pour qu'il lui retourne le droit, tout le droit, rien que le droit.
Plaider est un acte de foi, la foi en la cause, la foi en la justice, en la loi, celle qui n'est
pas détournée par le juge dont la vigilance n'est nullement trompée.
Cette foi est à la fois, la mare d'expressions de l'avocat et le bréviaire de sa réflexion,
de son inspiration, de son intime conviction.
Plaider, c'est également un acte de combat pour défendre la cause, et l'honneur de celui
qui me confie le soin de sa défense.
Emboîtant le pas au Bâtonnier TRONCHET pressenti par LOUIS XVI pour assurer sa
défense, je confirme que « comme homme, je ne puis refuser mon concours à un autre
homme sur la tête duquel le glaive de la justice est suspendu ».
Ma plaidoirie, elle, est un acte de foi.
Ma profession de foi,
Celle d'exercer avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité,
Mon sacerdoce, qui rime avec mission,
Avec foi et raison,
Pour un tas de raison ou pour une raison d'état, ou même souvent par simple état d'âme.
Talent, culture, connaissance du droit, tout est d'utilité et nécessaire à l'Avocat,
Armé de courage et d'assurance, de volonté de vaincre et de convaincre par les mots,
les paroles, le verbe parfois acerbe, quelques fois choquant, toutefois décisif.
En demande comme en défense, la langue se délie, les mots se délectent,
Les phrases se suivent tel un refrain de chant de chorale, la parole s'embrase,
Le ton monte, puis s'adoucit dans un air de séduction, les yeux brillants du feu des mots,
puis... le silence, l'Avocat retient son souffle, se ressaisit et rebondit...
Avocat, je parle pour faire échec à l'injustice,
Pour délivrer un droit de sa captivité,
Pour empêcher que l'on triche avec le poursuivi, le libérer de la parole qui est en lui,
essuyer ses larmes,
Pour que l'on ne hisse au plan d'humeur les garanties de la défense.
Avocat, je parle également pour renvoyer au magistrat ou au public ses propres
contradictions,
Pour questionner les certitudes établies, pour inviter à regarder ce qu'il y a de commun
à chacun d'entre nous. L'humain !
Alors, ma plaidoirie est assurément un acte de foi !
Observez chaque fois le sang-froid, le combat, le courage ou l'engagement dans le
prétoire qui placent inéluctablement l'Avocat au cœur du tumultueux théâtre de la
justice, cette pièce venue des âges,
Pétrie de tares et de vices sûrement, de souffrance et de misère aussi, mais avec cette
fermeté de conviction et de foi en la vertu de la cause.
Je vous invite donc à la passion,
Celle de défendre avec foi,
Parce que la foi se vit et la foi demeure avec la raison
La foi s'abreuve de l'inlassable désir de justice, La foi se targue d'intime conviction,
La foi s'unit à la défense, la défense de la défense.
Dissocier la foi de la défense, c'est lui donner une réputation de purge à l'huile de ricin,
lui ôter sa quintessence.
En plaidant pour disséquer les passions, apaiser les haines, laver les hontes et
humiliations pour rétablir l'honneur,
Enterrer à jamais les jalousies morbides et les hypocrisies mal fagotées, réparer le
préjudice, recevoir les confessions et rétablir la vérité, ...
L'Avocat se meut dans la peau d'un grand prêtre plongeant au cœur de l'humain dans
un rite immuable parsemé de psaumes et de cantiques.
Par des figures de rhétorique parfumant l'essence de son discours, le viatique de la
reconnaissance des droits ou du droit substantiel,
L'homme du prétoire construit la matière de la cision qu'il soumet à l'examen du juge.
Par des procédés qui font le solfège, les clés du do, ré, mi fa, sol, la, si do..., l'os de la
parole de l'homme en noir et sa voix s'élèvent dans une musique qui est le véhicule de
l'âme !
La plaidoirie est l'âme de l'Avocat, sa raison d'être, à l'écrit comme à l'oral.
Plaider contre et envers toutes les injustices, les guerres, les ignominies, les
condescendances, les barbaries, les tragédies, les massacres, les tortures, l'ingérence,
Plaider sans arrêt, sans répit, sans s'essouffler ni retenir son souffle, rugir, dans une
transe que seul le délibéré pourra exorciser...
Ma foi ! je suis l'inlassable militant pour un monde de justice, d'égalité, de paix, de
liberté dans un environnement protégé, sain et éclairé.
Je suis l'infatigable parolier pour un monde d'amour.
Plaider pour faire l'amour et non la guerre !
Alors, Plaider c'est bander, mais bander les plaies de la justice,
Panser les tares de la société,
Ainsi, je convaincs sans jouir, mais je jouis de toutes mes facultés vocales, toutes les
fois que les mots foisonnants fusent de ma bouche car je n'ai point un foie blanc.
Par ces mots, je m'autorise à capter vos ondes, pour atteindre vos âmes réceptives, vos
âmes sensibles, vos âmes effleurées par la quintessence des mots, ces mots
soigneusement choisis, par l'homme en noir, cet acteur du prétoire, enclin de croire.
Croire à qui ou en quoi, me demanderiez-vous ?
Certainement à moi-même et aux autres qui se tiennent à cette me barre avec des
options, des opinions, des positions fort bien diverses et contradictoires, avec une
logique dithyrambique singulière et une digression hors pair.
Dire et se taire, raisonner et séduire, parler et écouter en espérant susciter la décision à
intervenir.
Entre espoir et désespoir, compréhension et confusion, impatience et silence, l'avocat
se bat et se débat avec véhémence et virulence, mais sans paresse.
Sa charge devient souvent noire à l'image de sa robe malgré la blancheur du rabat qui
le rassure de l'infime clarté qui se frayera un passage, tout aussi petit mais blanc, dans
cet immense abîme de l'injustice désormais consacrée des palais de justice.
Voilà la logique à laquelle vous et moi, « Gens de Robe » sommes assujettis sans répit.
Et c'est à ce seul prix que nous vaincrons par le verbe fécond et fécondant, sans détour.
Et nos paroles seront saines et saintes, significatives et souvent prédicatives.
Temple de Thémis, Temple de la loi, Temple de la foi !
J'en suis le gardien !
Prophète, je vous parle !
Et je prêche.
Écoutez ma sacrée prophétie qui est à la fois lumière, délivrance, et consécration, mais
non évasion.
Plaidons pour un peu d'eau, un peu de foin, quelquefois pour du foie gras et du
champagne, et toutes les fois avec foi.
Ma foi, mes chers fidèles, digne de foi, nul ne sera cette brebis égarée !
En foi de quoi, je vous livre la présente plaidoirie pour servir et valoir ce que de droit,
autant de fois !
J'ai plaidé !
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