Les virus influenza aviaires
Véronique Jestin
Afssa-Ploufragan-Plouzané, Unité Virologie Immunologie Parasitologie Aviaires et Cunicoles,
Laboratoire National de Référence pour l’influenza aviaire et la maladie de Newcastle, B.P. 53, 22440 PLOUFRAGAN
Les virus influenza aviaires infectent les oiseaux sauvages (plus d’une centaine d’espèces répertoriées,
essentiellement aquatiques) et captifs (notamment toutes les espèces domestiques) et sont capables de se
transmettre efficacement dans toutes ces espèces. Ces virus appartiennent tous au type A mais se répartissent en
une très large diversité de sous-types correspondant à tout le répertoire connu à savoir 16 sous-types
d'hémagglutinine H1-H16 et 9 sous-types de neuraminidase (N1-N9) ; ces derniers peuvent se combiner aux
premiers en 144 sous-types HN théoriques dont la plupart a été identifiée chez les oiseaux sauvages. La fréquence
de tel ou tel sous type HN dépend de l’espèce, de la zone géographique, de la période de temps considérés, mais
certains sous types apparaissent inféodés à des espèces aviaires (tel H13N6 chez les Laridae).
Au plan vétérinaire, 2 sous-types d’hémagglutinine : H5 et H7 revêtent une importance majeure et sont l'objet
d'une réglementation. En leur sein, un marqueur de virulence correspondant à des motifs particuliers du site de
clivage de l'hémagglutinine sert de base réglementaire pour distinguer les virus faiblement pathogènes (FP) des
virus hautement pathogènes (HP) pour les oiseaux. De plus, comme les virus appartenant à ces sous-types
peuvent avoir un potentiel zoonotique, ils font également l'objet d'une surveillance à des fins de santé publique.
D'autres sous-types présentent un intérêt particulier soit du fait de leur importance en santé animale et/ou
publique, tel le sous-type H9N2 (voir ci-dessous).
Une très grande majorité de virus influenza aviaires possèdent une hémagglutinine se liant à des récepteurs
cellulaires présentant des acides sialiques liés au galactose en α 2.3 (présents de façon majoritaire dans le tractus
respiratoire et digestif des oiseaux aquatiques), avec d’ailleurs des différences subtiles mais notables dans
l’affinité pour différentes polymères sialoglycosylés. Néanmoins les virus influenza aviaires de sous-types H9N2
d’une lignée eurasienne se lient à des récepteurs cellulaires présentant des acides sialiques liés au galactose en α
2.6 abondants dans l'arbre respiratoire et digestif ainsi que l’oviducte de volailles terrestres mais aussi dans
l’épithélium respiratoire supérieur humain.
Comme chez tous les virus influenza, le génome segmenté des virus aviaires leur permet de se réassortir entre
eux mais aussi avec des virus de mammifères. La première situation se produit avec une très grande fréquence
compte tenu du large panel d'oiseaux tant sauvages que domestiques pouvant être infectés et des transmissions
directes ou indirectes de ces virus entre ces espèces à la faveur des rassemblements d'oiseaux sauvages ou des
contacts entre oiseaux sauvages et domestiques ou entre espèces domestiques, contacts favorisés par certains
modes d'élevage (plein air, multi-espèces …). La seconde situation est possible chez tout hôte capable d’être
infecté par des virus des deux origines, à cet égard, le porc constitue un hôte « idéal ». De plus, comme chez tous
les virus influenza, le génome des virus aviaires est constitué d'ARN et montre une grande plasticité. Ainsi il
évolue aussi par mutation ponctuelle, délétion, (et même quoiqu’extrêmement rarement par recombinaison), en
rapport notamment avec une adaptation à un nouvel hôte aviaire voire à une pression de sélection liée à une
vaccination. Un exemple de cette évolution est donné par la distinction de 10 clades de virus H5N1 certains
d’entre eux étant subdivisés en sous-clades (2.2 par exemple qui a diffusé d’Asie en Europe et Afrique en 2006,
2.3 récemment détecté en Roumanie au printemps 2010) et eux mêmes subdivisés en sous sous-clades.
Cette complexité est encore renforcée par le fait que des virus adaptés aux mammifères peuvent encore
néanmoins se transmettre in toto à certaines espèces aviaires par exemple les virus H1N1 porcins appartenant à
la lignée « avian-like » et que des virus retrouvés chez les oiseaux peuvent présenter des gènes provenant de virus
de mammifères, même si ce phénomène est très rare.
Les virus retrouvés chez les oiseaux constituent donc un immense réservoir de gènes qu'il convient de
surveiller. Différents programmes de surveillance et de recherche y concourent. Notamment les programmes de
surveillance mis en place pour traquer plus spécifiquement les virus aviaires de sous-types H5/H7 (voir exposé
spécifique) permettent aussi de récolter des échantillons et d'accumuler des données sur les autres sous-types
aviaires, comme s’y emploie le LNR à Ploufragan. Compte tenu de la grande diversité et complexité de ces virus,
les outils et méthodes de laboratoire doivent être régulièrement actualisés et enrichis pour permettre une
analyse toujours plus poussée. En effet outre le traitement des données d'épidémiologie moléculaire, il convient
de chercher à comprendre les bases moléculaires de la résistance dans l’environnement, de la virulence, d’un
accroissement du potentiel zoonotique, de la contagiosité… et tenter de repérer des signatures particulières
permettant de faire des prédictions et d’aider les gestionnaires du risque.