Mais une équipe américaine pilotée par Shemin Ge, de l'université du Colorado,
vient, à son tour, de mettre en cause la responsabilité du barrage(Geophysical
Research Letters, vol. 36, octobre 2009). «Potentiellement, le barrage de
Zipingpu a pu avancer le déclenchement du séisme du Sichuan de plusieurs
dizaines voire plusieurs centaines d'années», affirment ces chercheurs, les
premiers à lancer la polémique dans une grande revue scientifique.
Leurs arguments sont nuancés. Il est évident pour eux que le séisme est une
conséquence indirecte de la collision entre l'Inde et l'Asie qui déporte le Tibet
vers l'est sur la plaque chinoise. Ils estiment en revanche que les millions de
mètres cubes d'eau stockés dans le lac de barrage ont exercé de fortes
contraintes sur cette dernière et ont hâté sa rupture.
«Le barrage a dû rapprocher la faille de son seuil de rupture, admet Yann
Klinger, de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP). Mais par rapport aux
énormes forces tectoniques mises en jeu dans la région, la pression exercée par
le barrage représente peu de chose.» La plaque tibétaine qui progresse vers l'est
à la vitesse de 2 cm par an avance en effet plus vite que la plaque chinoise et la
chevauche, provoquant ainsi des contraintes extrêmement fortes qui se sont
libérées lors du séisme.
Remplissage très rapide
«Shemin Ge et son équipe surestiment les variations de contraintes produites par
le barrage, estime Rodolphe Cattin, de l'université Montpellier-2, qui étudie la
sismicité de la région depuis une dizaine d'années avec un groupe de l'École
normale supérieure. Leur étude a le mérite, à ses yeux, de fournir le calendrier
précis de la mise en eau du barrage que les autorités chinoises ont longtemps
tardé à communiquer. Le remplissage a été effectué à l'automne 2005 de
manière très rapide. Contrairement à une rumeur, aucune vidange n'est
intervenue ensuite avant le séisme. La percolation de l'eau dans la faille et son
effet lubrifiant ainsi que la vitesse de mise en charge pourraient, selon lui, avoir
eu un impact que son groupe va étudier prochainement. Les périodes de retour
des grands séismes dans cette région devront aussi être étudiées sur place afin
de savoir si le barrage a joué un rôle quelconque dans le «timing» du séisme de
2008.
L'augmentation de la microsismicité induite par les barrages est un phénomène
connu depuis les années 1940. Il a été observé et étudié pour la première fois
aux États-Unis après la construction du barrage Hoover sur le Colorado. Les
sismologues ont recensé à ce jour une douzaine de secousses de magnitude de 3
à 6 provoquées par des installations hydrauliques. En 1967, en Inde, le barrage
de Koyna a provoqué un séisme de 6,3 qui entraîna la mort de 200 personnes et
la quasi-destruction de l'édifice. C'est l'accident de sismicité le plus grave jamais
enregistré dans le monde.
Dans les années 1950 et 1960, quand la plupart des barrages ont été construits
en Occident, on ne connaissait pas encore la tectonique des plaques. «On ne
faisait pas de différences entre les failles actives et les failles anciennes»,
souligne Yann Klinger. Aujourd'hui, alors que les risques sismiques sont connus,
des barrages peuvent encore être construits sur des failles actives, comme au
Liban. Les risques sont pris en compte et les édifices sont bâtis pour tenir.
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Un barrage mis en cause dans le séisme du Sichuan http://www.lefigaro.fr/sciences-technologies/2009/11/17/01030-2009...
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