Le traitement chirurgical des ruptures traumatiques de l

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◆ ARTICLE
ORIGINAL
Progrès en Urologie (2000), 10, 58-64
Le traitement chirurgical des ruptures traumatiques
de l’urèthre postérieur
Rachid ABOUTAIEB, Ismail SARF, Mohammed DAKIR, Ali EL MOUSSAOUI, Abdennabi JOUAL,
Fathi MEZIANE, Saad BENJELLOUN
Service d’Urologie, C.H. Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
RESUME
Buts : Comparer les résultats thérapeutiques du traitement chirurgical en urgence
différé et du traitement tardif des ruptures traumatiques de l’urèthre postérieur.
Matériel et Méthodes : 35 patients sont opérés pour traumatisme de l’urèthre postérieur. Leur âge moyen est de 25 ans (extrêmes : 7 à 79 ans). Il s’agit dans la majorité
des cas d'un traumatisme secondaire à un accident de la voie publique, entraînant
une fracture du bassin. Une fois le diagnostic de rupture de l’urèthre postérieur retenu, l’attitude ultérieure dépend de l’état du patient et des lésions associées. En l’absence de lésions viscérale ou squelettique graves, le patient est opéré dans les 3
semaines suivant le traumatisme après un bilan radiologique. Ceci a concerné 16
patients du Groupe I. Dans le cas contraire, il n’est opéré qu’au sixième mois après
stabilisation de toutes les lésions traumatiques. Cette attitude a été pratiquée chez 19
patients (Groupe II).
Résultats : Ils sont jugés sur la qualité du jet mictionnel, la continence urinaire et
l’impuissance sexuelle. Ainsi, le jet était jugé bon dans 93,75% des cas (Groupe I) et
78,8% des cas du Groupe II. La continence a été parfaite dans 100% des cas (Groupe
I), contre 89,4% (Groupe II). L’impuissance sexuelle a été observée dans 18,7% des
cas du Groupe I contre 5,3% des cas du Groupe II.
Conclusion : Les traumatismes de l’urèthre postérieur sans lésions associées graves
peuvent être opérés en urgence différée avec d’excellents résultats du point de vue
mictionnel (80% de bons résultats) mais avec une fréquence plus élevée d’impuissance sexuelle. Chez les patients porteurs de lésions associées graves, la prise en charge thérapeutique des traumatismes de l’urèthre n’est effectuée que dans des délais de
3 à 6 mois, au stade de sténose uréthrale. La chirurgie consiste alors en la résection
du callus fibreux suivie d’anastomose uréthrale. Les résultats de cette intervention
sont bons, au prix de sténose itérative traitée par endoscopie, mais avec moins d’impuissance sexuelle.
Mots clés : Urèthre, traumatisme, sténose de l’urèthre, incontinence urinaire, impuissance sexuelle,
uréthrorraphie.
Les traumatismes de l’uréthre masculin sont en augmentation du fait de l’accroissement du trafic routier et
de l’accélération des véhicules. Les victimes sont
essentiellement les piétons et les conducteurs de motocyclettes. Ces traumatismes sont graves par leurs
conséquences néfastes sur l’activité sociale, la fertilité
et la fonction érectile, surtout quand ils touchent des
sujets jeunes et actifs.
L’uréthre postérieur est profondément enchâssé dans
le pelvis, il est cependant exposé par sa situation au
contact des os du bassin. Son atteinte est en régle associée à une fracture du bassin. Ce sont les fractures de
Manuscrit reçu : mai 1998, accepté : septembre 1999.
Adresse pour correspondance : Dr. R. Aboutaieb, Service d’Urologie, C.H. Ibn
Rochd, Casablanca, Maroc.
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R. Aboutaieb et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 58-64
l’arc antérieur qui sont les grandes pourvoyeuses des
lésions uréthrales [8]. Ce type de lésion explique par
ailleurs en partie la fréquence de l’impuissance sexuelle par atteinte traumatique vasculaire mais surtout par
lésion des nerfs érecteurs. Ces derniers ont en effet un
trajet qui passe sous les branches pubiennes [5].
La prise en charge thérapeutique des ruptures de l’uréthre postérieur reste encore controversée. En effet, ils
peuvent être traités par voie endoscopique ou chirurgicale, en urgence immédiate, différée ou tardivement
après le traumatisme.
L’intervention chirurgicale en urgence est abondonnée
par la majorité des auteurs. En effet, l’importance de
l’infiltration hémorragique des tissus et l’énorme perte
sanguine par le périnée rend difficile l’identification
des structures, et expose à des lésions surajoutées responsables de taux élevés d’impuissance sexuelle et
d’incontinence urinaire [7].
L'intervention chirurgicale en urgence différée consiste
à opérer les patients entre la premiére et la troisiéme
semaine, après tarissement du saignement mais avant
l’installation de la fibrose [3, 10, 16].
L’intervention chirurgicale tardive, est effectuée après
des délais de 3 mois [19], 6 mois [20, 21, 22] voire 9
mois selon l'importance de l'hématome et de l’écartement des deux extremités uréthrales [6]. Ces délais
auront permis de réparer toutes les autres lésions associées prioritaires. Cependant, sur le plan local, l’hématome s’est organisé en un callus fibreux d’étendue
variable et qui maintient les deux extrêmités uréthrales
en décalage.
Figure 1. Extravasation du produit de contraste au cours
d’une uréthrocystographie témoignant de l’existence d’une
rupture uréthrale.
Nous rapportons une série rétrospective de 35 patients
opérés pour traumatisme de l'uréthre postérieur en
comparant les résultats thérapeutiques en fonction de la
date de l’intervention par rapport au traumatisme.
Dès leur admission au service des urgences, tous ces
malades ont bénéficié d’une cystostomie sus pubienne.
Nous avons réparti nos patients en 2 groupes :
Le Groupe I
MATERIEL
De janvier 1987 à décembre 1997 trente-cinq patients
présentant une rupture de l’urètre membraneux ont été
opérés dans notre service. Tous les malades sont de
sexe masculin avec un âge moyen de 25 ans (7 à 79
ans) . Les accidents de la voie publique représentent
l’étiologie la plus fréquente, rencontrée dans 80% des
cas. Il s’agit dans la majorité des cas de conducteurs de
motocyclette ou de piétons heurtés par un véhicule.
Ce groupe comporte 16 malades ne présentant pas de
lésions associées sévéres et ne nécessitant par conséquent aucun gest e chirurgical associé. Pour ceux là,
un bilan urologique comportant une urographie
intraveineuse et une uréthrocyst ographie rétrograde
et mictionnelle (UCRM) est effectué les premiers
jours aprés l’accident. Ce bilan a montré une extravasation du produit de contraste typique d’une rupture compléte de l’uréthre membraneux (Figure 1),
accompagné d’une surélévation de la vessie par l’hématome pelvien.
Par ailleurs, tous ces patients présentent une fracture du
bassin, et plus de la moitié ont d’autres lésions associées : cranio-cérébrales (15 cas), abdominales et/ou
thoraciques (11 cas), et fractures des membres (10
cas).
Le Groupe II
Ce groupe est composé de 19 malades présentant des
lésions associées sévéres nécessitant un séjour dans les
Le diagnostic cl inique a été posé devant des signes
urinaires : uréthrorragies, associées au globe vésical.
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R. Aboutaieb et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 58-64
Tableau 1. Résultats thérapeutiques, comparaison entre la
réparation en urgence différée (groupe I) et la réparation tar dive (groupe II).
Groupe I
(16 cas)
Groupe II
(19 cas)
Bon
Moyen
Mauvais
13 cas (81,25%)
2 cas (12,5%)
1 cas (6,25%)
9 cas (47,3%)
6 cas (31,5%)
4 cas (21,2%)
Continence
Bon
Mauvais
16 cas (100%)
-
17 cas (89,4%)
2 cas (10,6%)
Erection
Bon
Mauvais
13 cas (81,25%)
3 cas (18,75%)
18 cas (94,7%)
1 cas (5,3%)
Jet mictionnel
Figure 2. Uréthrocystographie rétrograde couplée à une cysto graphie mictionnelle. Noter l’arrêt net du produit de contraste
au niveau de l’urèthre membraneux témoignant de la sténose
et indiquant son étendue.
différents services pour traitement des lésions prioritaires. La cystostomie est effectuée dés l’admission aux
urgences et gardée jusqu’à l’hospitalisation du patient
au service d’urologie 3 à 6 mois plus tard. Un bilan est
effectué à cette date. Il comporte une urographie intraveineuse et une uréthrocystographie rétrograde couplée
à une cystographie mictionnelle (UCRM). Dans tous
les cas, cet examen a mis en évidence une sténose de
l’uréthre membraneux, dont l’étendue varie entre 3 et 5
centimètres (Figure 2).
METHODES
Le jet mictionnel :
- bon : absence de dysurie clinique et une débitmétrie > 15 ml/seconde,
- moyen : une dysurie modérée ou une débitmétrie entre 10 et 15 ml/seconde,
- mauvais : dysurie importante et débitmétrie inférieure à 10 ml/seconde. Dans
ces cas la radiologie a confirmé l’existence d’une sténose post-opératoire.
La continence :
- bonne : absence d’incontinence,
- mauvaise : incontinence totale.
La fonction érectile :
- bonne en présence d’une érection permettant la pénétration,
Tableau 2. Résultats thérapeutiques comparant la réparation
tardive et la réparation en urgence différée.
Nombre de
cas
Sténose
Incontinence
Impuissance
sexuelle
4
17
16
2
3
5
0
2
12
5
82
73
31
19
9
71
0
4
4
2
0
2
31
9
3
1
Réparation
en urgence
différée
Koratim [6]
Mundy [16]
Notre série
Réparation
tardive
L’intervention a consisté dans tous les cas en une anastomose termino-terminale des 2 extremités uréthrales
rompues. La voie d’abord, et le délai opératoire sont
différents dans les 2 groupes.
Morey [15]
Koratim [7]
Ennemoser [5]
Notre série
Groupe I : (16 cas )
semaines.
Le patient est opéré entre J7 et J21 après l’accident.
La voie d’abord est périnéale en Y renversé. On procéde à l’évacuation de l’urohématome, l’ablation des
sequestres osseux puis la dissection des bouts distal et
proximal jusqu’en zone saine, en essayant de préserver les art éres bulbai res. Le bout proximal est en
général repéré par un béniqué introduit par la cystotomie. Au delà du 15éme jour, nous avons remarqué
l’installation de l’hémostase, les tissus sont plus
fermes rendant les sut ures plus aisées sans qu’il y ait
de véritable fi brose. Enfin la suture termino-terminale par 4 à 6 points de Vicryl 4/0 est effectuée en prenant soi n de bien prendre la muqueuse. L’adossement
des deux bouts est facile, car il n’ya pas encore d’installation de phénoméne fibreux. Une sonde tutrice est
immédiatement mise en place et gardée pendant 2
Groupe II (19 cas)
Ces patient sont opérés au delà du 3ème mois. La voie
d’abord est soit périnéale (16 cas) soit transsymphysaire (3 cas). Au cours de l’abord par la voie périnéale, on
procéde à la dissection premiére de l’uréthre périnéal,
la résection du cal fibreux et le repérage du bout proximal par l’introduction d’un béniqué par l’orifice de
cystostomie. Le manque entre les 2 bouts peut être
important nécessitant alors quelques artifices techniques tels que la dissection lointaine de l’uréthre antérieur ou la séparation des corps caverneux sur la ligne
médiane. Enfin l’anastomose termino-terminale permet
l’adossement muco-muqueux.
La voie transsymphysaire a été utilisée pour les
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patients présentant un bout proximal fixé en position
haute rétropubienne associé à un diastasis important de
la symphyse pubienne. Aucune pubectomie n'a été pratiquée. Dans ces cas, le premier temps consiste en un
repérage premier de l’uréthre membraneux en s’aidant
d’une cystotomie. Le deuxième temps est une résection
du cal scléreux puis repérage du bout distal par voie
périnéale. Enfin, on effectue une anastomose terminoterminale en prenant soin de suturer la muqueuse.
DISCUSSION
Les ruptures de l’urèthre postérieur sont de plus en plus
fréquentes avec l’augmentation des accidents de la circulation. La majorité des patients de notre série sont
des piétons ou des conducteurs de motocyclette heurtés
par un véhicule.
Les traumatismes de l’urèthre s’observent en général
dans le cadre d’un polytraumatisme, associant des
lésions squelettiques et une atteinte viscérale. L’atteinte
de l’uréthre postérieur est observée dans 10% des cas
de fractures du bassin. En effet, l’uréthre postérieur est
bien protégé car il est profondément enchâssé dans le
pelvis. Il reste cependant vulnérable du fait de ces rapports avec l’aponévrose périnéale moyenne.
Dans tous les cas, un drainage par sonde uréthrale et
sonde de cystostomie est gardé pendant 2 à 3 semaines.
RESULTATS
Le recul varie de 4 ans pour les malades les plus
anciens à un an. En effet, les premiers patients de la
série qui sont guéris ne reviennent plus en consultation.
Le recul moyen est alors de 2 ans dans les deux
groupes.
Le diagnostic de rupture traumatique de l’uréthre est
retenu cliniquement en présence d’une rétention vésicale associée à l’uréthrorragie chez un traumatisé du
bassin. Dans le cadre du bilan lésionnel, l’échographie
authentifie la rétention vésicale, et permet de guider le
cathétérisme sus pubien. Ce dernier représente un geste
primordial. En l'absence de globe vésical, il faut se
méfier d'une rupture vésicale associée qui s'observe
dans 10% de cas [22]. Il faudrait alors mettre en condition ce traumatisé, effectuer un remplissage et des
transfusions en fonction de sont état, et refaire l’examen clinique et echographique. La réapparition du
globe vésical signe l’intégrité de la vessie.
Les complications locales comprennent : un abcés périnéal (1cas), un abcès de paroi (1 cas), un hématome
périnéal (1 cas). Il n'a pas été observé de fistules urinaires.
L’analyse des résultats a pris en considération la qualité de la miction, la continence et la fonction érectile
(Tableau 1).
Le jet mictionnel a été jugé bon dans plus de 80% des
cas du groupe I, alors qu’il n’était que de 47% dans le
groupe II. De même, le taux de resténose a été, dans le
groupe I, de 6,25% des cas, alors qu'il a été de 21,2%
des cas dans le groupe II. Ce taux plus élevé serait probablement en rapport avec la difficulté d'exciser toute
la fibrose constituée. En effet, plus la fibrose est étendue, moins les résultats sont satisfaisants. Ces sténoses
apparaissent au dela de la premiére année et répondent
bien aux uréthrotomies endoscopiques à un rythme
d’une intervention par an en moyenne.
Le reste du bilan lésionnel va conditionner la modalité
de la prise en charge thérapeutique ultérieure.
L'intervention en urgence immédiate n'est justifiée que
s'il ya une lésion traumatique d'un organe pelvien
comme une rupture traumatique du rectum ou une rupture vésicale. L'intervention est effectuée par une laparotomie qui répare les lésions pelviennes.
En l’absence de lésion associée intrapelvienne ou viscérale grave, une UIV et une UCRM sont effectuées
entre la 1ére et la 3ème semaine. L’existence d’extravasation d’urine sur l’UCRM pose le diagnostic de
lésion uréthrale. La réparation chirurgicale est effectuée dans ces mêmes délais. Cette intervention a l'avantage d'éviter la morbidité liée à l'intervention immédiate, tout en réglant le probléme uréthral rapidement.
Nous utilisons toujours la voie périnéale. Elle a l'avantage d'être simple, peu délabrante et donne un bon jour
sur l’uréhre. Cette voie d'abord préserve les artéres
périnéales et les nerfs érecteurs tout en permettant l’exposition correcte de l’uréthre [5]. Elle permet une anastomose simple avec une morbidité opératoire faible
par rapport à la laparotomie. Elle a l'inconvénient de ne
pouvoir être utilisée chez certains traumatisés du bassin qui ne peuvent être placés en position de lithotomie
quelques jours après le traumatisme [22].
Le taux d'incontinence est de 0% dans le Groupe I
contre 10,6% dans le groupe II. Cette incontinence peut
être expliquée par l'importance du traumatisme, détruisant le sphincter interne et les fibres nerveuses. Aucun
patient n’a rapporté d’incontinence urinaire à l’effort.
L'impuissance sexuelle est difficile à évaluer chez nos
patients. L’évaluation a été effectuée par l’examen clinique seul sans autre examen paraclinique. Les patients
du groupe I rapportent une impuissance sexuelle dans
18,7% des cas, alors que seulement 5,3% des patients
du groupe II ne sont pas satisfaits de leur activité
sexuelle. Ceci est à l’origine de problémes médicolégaux. Il est en effet difficile de faire la part de l’intervention et du traumatisme dans la genése de cette
impuissance, de même qu’il est difficile de connaître
exactement l’état de l’érection avant l’accident.
L’accès au foyer de fracture, trouve alors l’hémorragie
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bien contrôlée, l' hématome qui est circonscrit est évacué, de même que les fragments osseux et les débris
tissulaires. La rupture uréthrale est encore fraiche avec
des extrémités uréthrales souples. L'anastomose termino-terminale est effectuée en s'assurant que la suture
prend bien la muqueuse uréthrale des 2 côtés. Les
résultats concernant la qualité du jet mictionnel sont
supérieurs à 80% [10, 16]. Dans notre série, ce résultat
était de 81,25%.
faut résequer tout le callus fibreux, disséquer les deux
extrémités uréthrales puis effectuer une anastomose
termino-terminale sans tension. Dés que la sténose
dépasse 2,5 cm., il y aurait un risque de suture sous tension de l'uréthre avec raccourcissement et déviation de
la verge [5]. Aucun de nos patients n'a présenté une
telle complication. D’autres techniques chirurgicales
ont été effectuées dans les cas de sténose étendue ou
complexe : uréthroplastie cutanée en un ou deux temps
[20].
Dans les cas de traumatismes graves avec instabilité
hémodynami que, ou lésion viscérale ou cutanée
importante, la réparation uréthrale n'est pas une priorité. Ces malades sont pris en charge tardivement au delà
du 3ème mois. Cette attitude que nous adoptons de
nécessité est suivie de principe par un ensemble d’auteurs [12, 13, 14, 15, 19, 20, 21, 22]. Le délai d'attente
permet la réparation des autres lésions associées mais
aussi la cicatrisation locale et la résorption de l’hématome pelvien, ce qui prend 3 à 4 mois [19].
Les résultats de la résection-anastomose des sténoses
traumatiques de l’uréthre membraneux sont dans l'ensemble satisfaisants avec un jet mictionnel correct dans
85 % (15) à 87% [1]. Le taux d’incontinence est faible
et de 2,7% [7]. Les sténoses itératives sont observées
dans 11% des cas (15) et répondent avec succés à l’uréthrotomie endoscopique dans 72% [17]. Les taux de
succés élevés de l’uréthrotomie optique comme complément à une uréthrorraphie termino-terminale sont
expliqués par le fait qu’il s’agit de sténoses courtes réalisant un anneau fibreux fin au niveau de l’anastomose.
A ce stade, la rupture uréthrale s'est alors transformée
en une sténose uréthrale avec décalage des deux extrémités. En effet, les deux extrémités uréthrales sont
séparées par un cal fibreux, dû à l' organisation de l'hématome. La longueur de ce cal dépend de l'importance
de la résorption de l'hématome, du degré de la descente du bloc vesico-prostatique et de l’importance du
déplacement osseux. La distance entre les deux extremités n'est ainsi pas dûe à une perte de substance mais
à un déplacement vers le haut de la prostate et une
rétraction vers le bas de l'uréthre bulbaire. Si l'hématome est massif et l’écartement des deux extrêmités uréthrales est important, il est peu probabale d'avoir une
descente spontanée vers une position normale, et il faut
s'attendre à une sténose longue [20]. Pour juger l’étendue de la sténose, et l'importance du décalage, l’uréthrocystographie rétrograde combinée à l’uréthrographie mictionnelle est d' un grand apport. Des artifices
techniques pourraient être utilisés chez les patients qui
ont des difficultés à uriner durant l'examen [4].
Deux complications majeures peuvent s'observer après
traitement chirurgical des ruptures traumatiques de
l'urèthre : les dysfonctionnements érectiles et l'incontinence urinaire. Leur origine dûe au traumatisme ou à
l'intervention est controversée.
Le dysfonctionnement érectile est observé dans 11,6%
à 44% [20]. Il est d'origine nerveuse et vasculaire.
L'origine nerveuse serait la plus fréquemment en cause
puisque les taux de succés par traitement pharmacologique sont élevés [11]. Les études anatomiques ont par
ailleurs montré que les les branches de l’artére honteuse interne, ainsi que les nerfs érecteurs cheminent de
part et d’autre de l’uréthre membraneux. Ces éléments
peuvent être lésés au cours de la fracture du bassin ou
au cours d’une intervention chirurgicale [2]. Les taux
les plus élevés sont observés après intervention chirurgicale en urgence immédiate par suture termino-terminale alors que les taux les plus faibles sont observés
après cystostomie sus pubienne seule. Ceci suggére la
responsabilité de la mobilisation intempestive du bloc
vésicoprostatique dans la genése de l'impuissance
sexuelle [8]. C’est d’ailleurs la mobilisation prostatique qui rend compte du taux élevé d’impuissance
sexuelle après réparation en urgence différée dans
notre série et non la voie d’abord. Dans les cas où
aucun geste n'a été effectué, l'impuissance sexuelle
serait alors directement en rapport avec la sévérité du
traumatisme [9]. Ainsi, dans les cas nécessitant une
intervention en urgence immédiate, il faut éviter une
ouverture du fascia endopelvien, et la mobilisation de
la région périprostatique.
La majorité de ces sténoses sont réparées par une voie
d’abord périnéale. Dans les cas difficiles cependant,
lorsque le manque est étendu, et l'uréthre proximal est
fixé en position haute par rapport à la symphyse
pubienne, il devient nécessaire d'associer une voie
d'abord transsymphysaire, afin d'avoir un jour sur le
bout proximal de l'uréthre. La voie transsymphysaire
est plus simple et ne nécessite pas de pubectomie
quand il y a un diastasis pubien important. C'est le cas
de nos trois malades. En l'absence de diastasis de la
symphyse pubienne, une symphysiotomie ou une
pubectomie est effectuée classiquement par voie haute.
La possibilité de lésion des nerfs érecteurs augmentant
le pourcentage des dysérections a été soulevée [6].La
voie périnéale permet d'effectuer une pubectomie inférieure qui donnerait moins de complications et moins
de déperdition sanguine [20, 21]. Dans tous les cas, il
L'incontinence urinaire est observée dans 0 à 44%. La
aussi, les taux les plus faibles sont rapportés après cystostomie sus pubienne seule, alors que les taux les plus
62
R. Aboutaieb et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 58-64
6. KORATIM M.M. The lessons of 145 post traumatic urethral strictures treated in 17 years, J.Urol., 1995, 153, 63-66.
élevés sont observés après alignement en urgence [20].
Cette incidence élevée serait en rapport avec un col
vésical rendu non fonctionnel par le traumatisme lui
même [18], l'acte chirurgical ou par la fibrose secondaire [20]. En effet, le sphincter externe étant automatiquement lésé au cours de la rupture totale de l'uréthre
membraneux, la continence est alors assurée par le
sphincter interne et la prostate. Les destructions du col
vésical suppriment ce mécanisme de continence et vont
entraîner une incontinence chez ces patients [22].
7 . KORATIM M.M ., Pelvic fracture urethral injuries : evalu ation of
various methods of management. J. Urol., 19 96, 156, 4,12 88291.
8. KORATIM M.M., MARZOUK M.E., ATTA M.A., ORABI S.S. Risk
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Urol., 1996,77, 876-880.
9. KOTKIN L., KOCH M.O. Impotence and incontinence after immediate realignement of posterior urethral trauma : result of injury or
management? J. Urol., 1996,155, 1600-1603.
En conclusion, aucune attitude chirurgicale n'est véritablement satisfaisante. La réparation en urgence différée
donne de bons résultats concernant la qualité du jet
mictionnel, le délai d'attente n'est pas astreignant, mais
le taux d'impuissance sexuelle est légérement élevé. La
réparation tardive permet de laisser un délai aux traitements des lésions associées. Cependant, la constitution
d'un cal fibreux parfois important, rend le geste chirurgical difficile, ce qui explique les taux de resténoses qui
sont plus élevés.
10. LE GUILLOU M., PARIENTE J.L., FERRIERE J.M., MAIRE J.,
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13. McANINCH J.W. Urethral injuries. World J. Urol., 1990, 7, 184188.
Il paraît donc logique de proposer une réparation en
urgence différée chez un traumatisé ne présentant pas
de lésions associées sévéres, ayant une fracture du bassin stable accompagnée d’un hématome pelvien important qui risque de se transformer en une sténose longue.
Cependant, la possibilité d’installation d’une impuissance sexuelle est plus importante, au cours de ce type
de chirurgie, du fait du risque de mobilisation prostatique excessive et par conséquent de lésion nerveuse
iatrogéne à l’origine d’une impuissance sexuelle.
14. MOREHOUSE D.D., McKINNON J.L. Management of prostato
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La réparation tardive est d’emblée préconisée chez le
sujet présentant des lésions traumatiques associées
sévéres, orthopédiques ou viscérales, nécessitant une
prise en charge prioritaire. La réparation tardive a
l’avantage de ne pas compromettre la sexualité de cette
population formée en majeure partie de patients jeunes
et soucieux de garder leur sexualité.
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SUMMARY
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Objectives : To compare the therapeutic results of deferred
urgent surgical treatment and late treatment of traumatic rup tures of the posterior urethra.
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R. Aboutaieb et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 58-64
Material and Method : 35 patients with a mean age of 25 years
(range: 7 to 79 years) were operated for trauma of the posterior
urethra. In most cases, trauma was secondary to a road accident,
associated with fracture of the pelvis. When rupture of the pos terior urethra was diagnosed, the subsequent management
depended on the patient's general condition and associated
lesions. In the absence of serious skeletal or visceral lesions, the
patient was operated within 3 weeks following trauma, after
radiological assessment. This approach was applied in 16
patients (Group I). The other 19 patients (Group II) were only
operated at the sixth month, after stabilization of all traumatic
lesions.
Results : Results were assessed in terms of the quality of the uri nary stream, urinary continence and sexual impotence. The
stream was considered to be good in 93.75% of cases (Group I)
and 78.8% of cases (Group II). Continence was perfect in 100%
of cases (Group I), versus 89.4% (Group II) and sexual impo tence was observed in 18.7% (Group I) versus 5.3% (Group II).
Conclusion : Trauma of the posterior urethra, without any
serious associated lesions, can be operated as a deferred emer gency with excellent results in terms of voiding (80% of good
results), but with a higher frequency of sexual impotence. In
patients with serious associated lesions, the therapeutic mana gement of the urethral trauma is performed after an interval of
3 to 6 months, at the stage of urethral stricture. In this case, sur gery consists of resection of the fibrous callus, followed by ure thral anastomosis. The results of this operation are good, at the
cost of repeated stricture, treated endoscopically, but with a
lower incidence of sexual impotence.
Key-words : Urethra, trauma, urethral stricture, urinary incon tinence, sexual impotence, urethrorraphy.
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