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retraite ainsi que l’occupation. Les bombardements altèrent les distinctions
spatiales entre espace de combat et espace civil. La question de la violence dont
sont victimes combattants et civils introduit aux notions de culture de guerre et de
brutalisation des rapports humains comme à celles de génocide et de crimes
contre l’humanité. Les deux guerres génèrent des crimes contre l’humanité
définis dans l’article 6 des Statuts du tribunal de Nuremberg. L’étude du procès
de Nuremberg pourrait être, à la fois, l’occasion d’expliquer la « logique »
génocidaire en s’appuyant sur les témoignages et également de souligner
l’exigence de justice indispensable à la reconstruction d’une Europe pacifiée. Il
est aussi possible de rappeler aux élèves que si le terme de génocide s’est imposé
pour qualifier la Shoah, il divise encore concernant les Arméniens, sa
reconnaissance constituant, pour certains, un préalable à l’adhésion de la Turquie
au sein de l’Union européenne. Le sujet invite également à poser la question des
liens entre cette violence, nouvelle par son ampleur mais aussi par sa nature, et
l’idéologie comme le fonctionnement des régimes totalitaires. Elle ouvre la
réflexion sur le degré et les modalités d’acceptation de cette violence.
L’oeuvre de Marie Curie, son engagement pour soulager la souffrance des
malades avec la création d’une voiture radiologique, constituent une expérience
humaine dont le récit introduit les questions des traumatismes, des relations avec
l’arrière et de la place des scientifiques dans l’effort de guerre. Les articulations
potentielles avec les autres disciplines sont nombreuses.
Le recours à des extraits d’oeuvres littéraires, cinématographique ou picturales
peut être l’occasion d’un travail mené avec les professeurs de français. Le Grand
Troupeau de Jean Giono ou À l’ouest, rien de nouveau de Erich Maria Remarque
sont des supports intéressants pour approcher l’enfer des combats. Celui-ci peut
aussi être évoqué par la lecture de carnets de poilus ou encore à travers l’analyse
d’extraits de films de fiction. Les deux conflits ont inspiré une très riche
filmographie qui peut-être utilisée en accroche pour aborder l’expérience
combattante (Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, 1958 [1914-1918],
Week end à Zuidcotte d’Henri Verneuil, 1964, Stalingrad de Jean-Jacques
Annaud, 2002 [1939-1945]) ou donner une idée de l’ampleur des moyens
humaines et matériels mobilisés (Le Crépuscule des aigles de John Guillermin,
1966 [1914-1918], Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg, 1998 [1939-
1945]). Si ces oeuvres de fiction offrent un point de vue idéologique, elles
peuvent inviter à une réflexion critique sur les raisons et la manière de filmer la
guerre. Celle-ci peut passer par la confrontation des oeuvres (l’ouvrage d’Erich
Maria Remarque, par exemple, a donné lieu à deux adaptations au cinéma : Lewis
Milestone, 1930, Delbert Mann, 1979). Les oeuvres d’Otto Dix offrent également
une entrée possible.
De la SDN à l’ONU
Les trois entrées proposées comme sujets d’étude possibles ont toutes pour
objectif de montrer comment les hommes, notamment en Europe, ont tenté
d’empêcher la guerre et d’instaurer une paix durable. La chronologie du
programme ne doit pas empêcher l’enseignant d’aborder des aspects postérieurs à
1946, par exemple quand il évoque les opérations de maintien de la paix, le
tribunal international de La Haye, les courants pacifistes.
La première entrée met l’accent sur le rôle des États et leur action diplomatique.
L’établissement de la Société des Nations en 1920, puis de l’Organisation des
Nations Unies, vise à substituer l’arbitrage à la guerre. L’échec de la SDN ne doit
pas conduire à sous-estimer l’espoir suscité dans les années 1920 par « l’esprit de
Genève ». Tirant les leçons de cette première expérience, l’ONU se dote d’une
charte (San Francisco, 26 juin 1945) et de moyens qui vont lui permettre, à défaut
d’empêcher les guerres, d’en prévenir certaines, d’en limiter d’autres en menant
des opérations de maintien de la paix, surtout après la fin de la guerre froide.
Pacifisme et pacifistes
Une troisième entrée déplace l’approche du côté du rôle des sociétés et des
opinions publiques. Il s’agit de montrer l’évolution du pacifisme et des formes
d’engagement pacifistes entre 1914 et 1946. L’aspiration à la paix est dominante
en Europe après la Première Guerre mondiale. Elle n’implique pas pour autant
que les populations soient acquises au pacifisme en tant qu’action militante
contre la guerre. Le pacifisme prend lui-même des formes différentes selon les
motivations et les objectifs poursuivis. Les mouvements les plus importants se
réclament d’un pacifisme chrétien, humaniste et socialiste. Ils conduisent certains
lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale,
ainsi que les nouvelles solutions envisagées
durant le conflit lui-même.
– Comment les pacifismes s’expriment-ils
des années 1920 aux lendemains de la
Seconde Guerre mondiale ?
Cette problématique fait appel à des
connaissances factuelles : l’échec des
pacifistes avec la Grande Guerre, les
manifestations du pacifisme parfois poussé à
l’extrême dans l’entre-deux-guerres
(l’appellation est significative !) et l’échec –
une fois de plus – du pacifisme dans la
Seconde Guerre mondiale. La problématique
ne repose pas que sur la principale
mémorisation des événements et débouche
sur une réflexion quant à la nature du
pacifisme et ses différentes approches. Elle
permet de contextualiser une notion qui est
très complexe.
– Quels objectifs et quelles voies différentes
les pacifistes proposent-ils pour défendre la
paix ?
La seconde problématique, sans être
évidemment décontextualisée, amène
cependant vers une réflexion plus
approfondie sur les diverses expressions du
pacifisme. Que recouvre ce mot ? Pourquoi
n’y a-t-il pas une définition et une
manifestation uniques ?
Au cours du XIXe siècle et pendant les
premières années du XXe siècle, les idées de
paix, mais aussi paradoxalement les
nationalismes, prennent de l’ampleur. Le
pacifisme est pourtant présent dans la vie de
chaque État comme sur le plan international.
Ainsi, le premier prix Nobel de la paix est-il
attribué en 1901 au fondateur de la Croix-
Rouge, le Suisse Henri Dunant (1828-1910).
Des conférences internationales (La Haye,
1887 et 1907), montrent les efforts pour créer
une communauté internationale.
Mais les pacifistes sont issus de milieux très
divers : intellectuels, diplomates, hommes
politiques, militants syndicalistes,
féministes… Les mouvements pacifistes
concilient difficilement patriotisme et
pacifisme. Les socialistes ne parviennent pas
à se mettre d’accord sur les moyens
d’empêcher la guerre. En 1914, l’assassinat
du leader socialiste pacifiste français Jean
Jaurès, puis l’entrée en guerre, mettent en
évidence l’impuissance du mouvement
pacifiste. Pourtant celui-ci relève la tête,
pendant le conflit lui-même. Ainsi, dans ses
« quatorze points » de janvier 1918, le
président des États-Unis Woodrow Wilson
énonce-t-il des propositions pour la paix
future, reposant sur une diplomatie lisible,
des accords commerciaux équilibrés et une
réduction raisonnée des armements.
Les traumatismes laissés par la Première
Guerre mondiale, le « plus jamais ça » des