L’EXISTENCE FIDUCIALE : LE CONCEPT DE FIDUCIALITE
il est usuel chez les auteurs classiques de distinguer d’une part
l’acte de confiance en la personne, acte que l’on exprime par un
« je me fie à toi », « je crois en toi »..., et d’autre part
l’acceptation de ses paroles pour vraies, acceptation que tradui-
rait l’expression : « je crois que ce que tu dis est vrai »..., « je
crois que... parce que tu le dis ». La foi serait une synthèse de ces
deux concepts. Le « croire en quelqu’un » entraîne donc la foi en
ses paroles, ces dernières étant le contenu de la foi.
On pense par cette distinction avoir ainsi donné la structure
complète de la foi, et avoir empêché d’une part que la conduite
de foi, qui est un rapport existentiel et interpersonnel entre deux
personnes — entre personnes humaines ou entre le « Tu » de
Dieu et le « je » de l’homme — ne se dégrade en sentimentalité
vague ou en ferveur irrationnelle, puisque l’on assigne à cette
conduite un contenu formulable, garanti par une autorité
doctrinale, qui la détermine et lui donne son identité, et d’autre
part on estime avoir empêché que la foi ne soit une simple
adhésion à des affirmations reçues pour vraies sans fondement
personnel, puisqu’elles seraient tenues pour vraies en raison de la
confiance en la personne. La « foi en... » éviterait que la « foi
que... » ne dégénère en idéologie. Cette analyse est-elle
satisfaisante pour le philosophe ? Pas tout à fait...!
2. Les confusions entretenues par le langage
objectivé.
A première vue, on pourrait penser que la distinction entre le
« je crois en toi... », homme ou femme, ou Dieu et le « je crois
que... » correspond à la distinction entre l’aspect d’exercice et
l’aspect de détermination — distinction mise en œuvre en toute
analyse réflexive de nos activités de conscience — et donc que
l’unité intime de l’acte de foi serait bien rendue par cette
synthèse : « Je crois en toi... que ceci..., que cela... » En fait il
n’en est rien, car la synthèse du « je crois en... » et du « je crois
que... » n’est pas assez profonde pour assurer l’unité d’un acte
humain et sa spécificité par rapport aux autres actes.
Dans son unité, l’acte de foi consiste toujours et uniquement
à croire en quelqu’un, et il a comme objet — exprimé ensuite en
subordonnées du verbe croire — ce même « quelqu’un », la per-
sonne en qui l’on croit. L’objet de la foi n’est jamais une chose
ou un phénomène, ou un ordre objectif de choses même admis