I - FICHE SIGNALETIQUE Texte narratif, à la première personne, extrait de roman ou d'autobiographie. La scène évoquée est parfaitement réaliste. La langue est moderne, le vocabulaire est courant. Ce texte s'inscrit dans une tradition romanesque très riche : c'est la "scène de l'aveu". II - REACTION A CHAUD DU PROFESSEUR Les élèves qui avaient fait de savants calculs et imaginé que, cette année, ils auraient à traiter un texte poétique ont été déçus. Une fois de plus, c'est un texte en prose qui a été proposé au commentaire composé. Mais à la différence du texte de Tournier de 1999, celui d'Amin Maalouf est beaucoup moins riche en figures de rhétorique complexes. Sa langue, économe et sobre, résiste à l'analyse stylistique telle que les élèves ont l'habitude de la pratiquer en classe. Attention aussi, les textes apparemment les plus simples sont souvent les plus difficiles à expliquer. III - CONNAISSANCES REQUISES La notion de champ lexical est bien connue et ne soulève aucune difficulté. La connaissance des modes et des temps suppose des notions précises sur la conjugaison mais aussi sur les différentes valeurs des temps. L'analyse des pronoms personnels et des adjectifs possessifs réclame, elle aussi, des connaissances solides. L'ensemble des connaissances nécessaires aux questions correspond au programme de grammaire du collège. Quant au commentaire lui-même, il exige une très bonne pratique de l'analyse de l'énonciation. IV - TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET QUESTIONS 1) Le sentiment qui domine le premier paragraphe est la peur. Le champ lexical qui s'y réfère est cependant assez pauvre : " de peur qu'(…) de peur que (…) J'avais peur (…) je redoutais." On pourra joindre à ce relevé les deux occurrences du verbe "détourner" dans : "si j'avais pu détourner les oreilles, comme si je détournais les yeux…". Car ces gestes font partie du comportement de celui qui a peur. 2) Depuis " Elle aurait pu se lancer dans des formules…" jusqu'à "…J'aurais su quoi dire, quoi faire." a) Le temps dominant est le conditionnel passé première forme : "Elle aurait pu (…) Je l'aurais interrompue (…) Elle m'aurait fait (…) j'aurais dit (…) je n'aurais jamais plus voulu". Tous ces verbes dépendent d'une subordonnée hypothétique sous-entendue : "si elle m'avait repoussé". Ils ont tous la même valeur d'irréel du passé. Le narrateur imagine la scène telle qu'elle aurait pu se dérouler si "elle" avait dit non. Les autres formes verbales de ce passage dépendent directement ou indirectement de ces conditionnels : "il ne lui semblait pas" est un imparfait de concordance des temps dans le style indirect qui exprime la simultanéité par rapport au verbe à l'infinitif "expliquer" qui complète "se lancer", luimême complément d'objet du verbe "aurait pu". "N'en parlons plus" est un impératif présent, de style direct. Cette proposition est complément d'objet du groupe infinitif "pour lui dire", complément circonstanciel de but du verbe "aurais interrompue". "resterions" est une forme de conditionnel présent qui dans le style indirect n'a aucune valeur hypothétique mais qui a simplement un sens de futur dans le passé. b) La femme : pronoms personnels représentant dans l'ordre : "elle (…) se (…) lui (…) l' (…) lui (…) Elle (…) la (…) Elle (…) elle", donc 4 fois le pronom sujet, 4 fois une forme de pronom complément C.O.D. ou C.O.I, 1 fois le pronom réfléchi. Il y a un adjectif possessif : "son (…)". Le narrateur : pronoms personnels représentant le narrateur : "je (…) m'(…) j'(…) je (…) j' ", donc 5 fois le pronom sujet, 1 fois le pronom C.O.D.. La femme et le narrateur : un seul pronom personnel à la première personne du pluriel, "nous". Il y a un seul adjectif possessif : " notre (…) ". On remarquera la forte présence du pronom personnel qui représente la femme, celle un peu moindre du pronom représentant le narrateur et la quasi absence de pronoms ou adjectifs représentant la première personne du pluriel. Dans l'esprit du narrateur, le couple n'est donc pas constitué. COMMENTAIRE COMPOSE Ce texte s'inscrit dans la tradition des scènes de l'aveu, moment redouté, parfois retardé, parfois précipité par les amants. L'intérêt principal du texte est qu'il raconte moins l'aveu que la réaction redoutée qui n'a pas eu lieu. Celle-ci est d'ailleurs d'une extrême simplicité, puisqu'elle consiste simplement dans le mot "oui", et l'expression du visage de la femme aimée. Le personnage surpris n'est donc pas la femme comme on pouvait l'imaginer au début, mais le narrateur qui se déclare. On a ainsi un développement subtil des deux possibilités que pouvait amener cet aveu, mis en relief par le plus-que-parfait. Première partie : La scène de l'aveu. Cette scène se décompose chronologiquement en trois moments : - L'aveu lui-même : "J'avais tout débité d'un trait". On notera l'ellipse de cet aveu qui n'est pas formulé comme pour mieux rendre compte de la pudeur et de la crainte du sujet. - Les craintes de la réaction négative : Tout le texte développe un autre scénario que celui qui va se réaliser. Cela a pour effet de distendre démesurément le moment qui sépare l'aveu lui même de la réponse "oui". On ne peut en effet imaginer un long moment entre la déclaration et la réponse. Mais le temps est ici envisagé sous l'angle de la peur, de la très forte attente qui donne au sujet l'impression qu'un très long moment s'est écoulé. - Le "oui". La brièveté, la netteté contraste fortement avec les attentes craintives du sujet. Comme pour donner plus d'épaisseur à ce "oui", il se trouve répété neuf fois au cours du texte et commenté. Deuxième partie : Un scénario imaginé : le fiasco. On analysera précisément cette partie centrale en montrant comment sont développés les sentiments supposés de la femme ("surprise", "indifférence", "compassion") puis ses réactions pleines de "politesse et consolation"; ses paroles "des formules contorsionnées"…"il ne lui semblait pas possible"… "promettre que nous nous resterions bons amis". On montrera le lien étroit entre l'attitude la femme évoquée et les sentiments du narrateur qui se remémore après coup ce qu'il avait imaginé : la peur, la pudeur, l'embarras devant les réponses. On aura relevé les répétitions des mots "peur", "surprise", détourner". On insistera sur la syntaxe qui joue sur deux plans : les craintes du narrateur sont grammaticalement au premier plan, les réactions de la femme sont surtout dans les subordonnées et autres compléments. Troisième partie : Le "oui". Tout se passe comme si, par un effet de compensation, le narrateur s'étendait sur la brièveté du "oui" répété neuf fois. Cependant, il s'agit aussi de mettre en valeur l'effet de surprise d'autant plus fort que le narrateur s'attendait à un refus. Quant à la possibilité d'un accueil favorable, elle est imaginée d'une autre manière. Le "oui" est donc questionné dans son décalage. On aura remarqué que "oui" n'est pas la réponse à un aveu, à "je vous aime", mais à une question "m'aimez-vous?". A travers l'interrogation du narrateur "oui, quoi ?", la réaction de la femme se donne à lire de manière décalée par rapport à l'aveu. Le "oui" se donne donc à lire comme la figure inversée du classique "non" redouté dans cette évocation au plus-que-parfait. Au-delà du contraste entre les craintes et l'espoir, entre de longs discours et le "oui", on a un renversement de situation. Alors qu'il s'attendait à ce qu'elle soit surprise, c'est en fait lui qui est finalement surpris. La seule évocation qui développe le "oui" se trouve dans l'expression du visage dans une phrase nominale pour mieux en souligner l'importance : "Avec des yeux en larmes et un sourire de femme aimée". Ce sont le regard et les yeux qui lèvent, paradoxalement, l'ambiguïté du signe donné par le langage. V - LES FAUSSES PISTES La principale erreur aurait été de s'en tenir à une paraphrase de ce texte sans grands effets de style. Il fallait aussi ne pas tomber dans une interprétation psychologique.