Que cache-t-on sous le manteau ? Fabienne Bergmann Après avoir goûté au fruit défendu, Adam et Eve, découvrant qu'ils étaient nus, ont cousu des feuilles de figuier, prototypes de tous les habits inventés depuis. Couvrir et cacher le corps est certes la vocation première du vêtement. Telle est d'ailleurs la signification du mot ( כסותksout), habillement − qu'on entend essentiellement aujourd'hui lors de la lecture de la ketouba, puisque c'est une des obligations du mari envers son épouse. Le mot vient du verbe ( כיסהkissa), cacher, couvrir. Mais le terme hébraïque usuel pour habit est ( בגדbéguèd). S'il parait étonnant aujourd'hui de constater que la racine ' ב'ג'דa aussi donné les mots ( בגידהbeguida), la trahison ou ( בוגדbogued), le traître, cela l'est moins si on se souvient des circonstances de l'apparition de l'habit au jardin d'Eden… Le traître, dans sa fourberie, n'essaie-t-il pas de cacher ses actes comme l'habit cache le corps ? Dans la Bible, בגד (béguèd) signifie d'ailleurs aussi trahison et Jérémie parle des ( בֹּ גְ דֵ י בָ גֶדbogdé bagued), les auteurs de perfidies. Le verbe ( בגדbagad), trahir, tromper, s'emploie dans différents contextes. On stigmatisera le traître qui a trahi son pays, sa patrie – במולדת/ ( בגד במדינהbagad bamedina / bamolédèt). Le malfaiteur peut vendre ses complices – ( בגד בשותפיוbagad bechoutafav) et qui peut dire qu'il n'a jamais trahi la confiance de personne – בגד ( במישהוbagad bemichéhou) ni trahi ses idéaux ou ses principes – / בגד באידאלים ( בעקרונותbagad béidéalim / beécronot) ? L'époux infidèle ( בוגד באשתוbogued beichto) et une femme qui trompe son mari ( בוגדת בבעלהboguédèt bebaala). Il arrive aussi − et là, le mot ( בגדbagad) n'a rien que de regrettable − que les forces, les jambes, la voix ou la mémoire nous trahissent, ce qui se dit respectivement רגליו בגדו בו/ כוחותיו (cohotav / raglav bagdou bo), זיכרונו בגד בו/( קולוkolo /zikhono bagad bo). Un habit particulier, celui qui recouvre tous les autres, ( מעילméil), le manteau, a lui aussi une famille peu recommandable. Les media parleront toujours d'un personnage haut placé qui a détourné des fonds − ( מעל בכספיםmaal beksafim) ou d'un filou quelconque ayant escroqué ses clients − ( מעל בלקוחותיוmaal belekohotav) et abusé de leur confiance ( מעל באמונםmaal beémounam). Souvent, la ( מעילהméila), soit le vol, le détournement, la fraude, l'escroquerie, la malversation, la corruption ou l'abus de confiance font la une des journaux. Celui qui use de sa fonction pour servir ses intérêts personnels, financiers ou autres, בשליחותו/ ( מועל בתפקידוmoel betafkido / bechlihouto) − littéralement : trahit sa mission. Comme en français, le verbe ( לבשlavach), s'habiller, s'emploie aussi métaphoriquement. Isaïe (LII : 1) enjoint à Jérusalem de se revêtir de splendeur לִבְ ִשי ( ִבגְ ֵדי ִתפְ ַא ְר ֵתְךlivchi bigdé tifartekh) et nombre de phénomènes, comme l'antisémitisme par exemple, ( לובשים צורה ופושטים צורהlovchim tsoura oupochtim tsoura), soit : changent de forme, se métamorphosent, tout en restant les mêmes. Ce qu'exprime d'ailleurs l'expression ( אותה גברת בשינוי אדרתota guevérèt bechinouy adéret), littéralement : la même dame sous un autre manteau.