Charles Detal devant son avion, un Typhoon. Le Typhon était un avion supérieurement
équipé et qui rivalisait avec les Me et autres avions allemands. La suprématie
allemande avait cessé avec la construction de nouveaux appareils comme les Spitfire,
Typhoons et autres Mosquitos. « Le 23 mars 1943,
Charles Detal était un pilote les plus prometteurs de son escadrille… »
1
C’est par cette phrase laconique que commence son éloge funèbre. La mort l’a fauché
en plein vol. Il n’avait pas encore trente ans
2
. Bien que résidant à Uccle, où son père est
un industriel reconnu, il naît cependant à Profondeville, le 28 mars 1914, dans la
résidence secondaire que possède la famille
3
. Profondeville qu’il quitte pour retourner
habiter Uccle. Après des humanités scientifiques au collège Saint Jean-Baptiste de la
Salle à Saint-Gilles, il opte, à ses vingt ans, pour la carrière militaire et plus
particulièrement pour l’aviation. En 1934, il entre à l’école de pilotage où, élève-pilote
brillant, il obtient son brevet en 1935. L’apprentissage est néanmoins long. Il est alors
sergent aviateur et tant sa fougue que sa passion transpirent au travers des différents
documents que l’on peut consulter dans son dossier militaire. En 1940, il fait partie de
la 5
ème
escadrille et vole sur le Fairy Fox VIC, n° 127.
1
Nous ne retraçons que les événements les plus importants de la période de la guerre. Ne voulant pas
déflorer le sujet (une biographie complète de Charles Detal) que prépare un des membres de Belgians in
the Raf and SAAF, nous ne reprendrons pas tous les documents retrouvés dans les archives ou prêtés
aimablement par M. Bar.
2
Toutes les photos de ce chapitre consacré à Charles Detal font partie de la collection de M. André Bar,
membre de l’association Belgians in the RAF and SAAF, 1940-1945. Merci aux membres de cette
association pour ce travail de moire et cette volonté de sauver et conserver les documents concernant
nos pilotes engagés dans la RAF. Les archives militaires et les archives communales de Profondeville
constituent l’essentiel de la documentation utile à l’élaboration de cette courte biographie.
3
Arch. com de Profondeville, Etat civil, naissances 1914, acte n°2.
Le 127
de Ch. Detal
Le Fairy Fox VIC, 127 sur lequel volait Charles Detal
en ce 10 mai 1940. Un biplan dans lequel le pilote est à
peine protégé des intempéries. Que dire en situation de
combat !
Les Messerschmitt et
autres Foke Wulf
dominent le ciel en ce
début du conflit. Nos
biplans ne peuvent
rivaliser avec ces
machines de guerre.
Et cependant, nos pilotes montent crânement à la rencontre de l’ennemi.
« … les Me passent dans tous les sens à des vitesses auxquelles nous ne sommes
pas habitués, nos Fox semblent rester sur place… ». Le Fairy Fox VIC de l’armée
belge comparé aux Foke Wulf et Messerschmitt allemands.
4
Ce matin du 10 mai, nos aviateurs se battent à 6 contre 11.
4
Rappelons encore que les photos appartiennent à la collection de M. André Bar, membre de Belgians in
the RAF and SAAF, 1940-1945. La photo du Foke Wulf est tirée de Signal, n°8, 1942.
À la déclaration de guerre, son escadrille, « les Aigles bleus », basée à Vissenaken,
reçoit pour mission de défendre l’espace aérien au-dessus du Limbourg en interceptant
tous les avions ennemis franchissant la frontière. Nous sommes le vendredi 10 mai, il
est 7h30, les pilotes s’installent dans leur avion pour les derniers réglages avant de
décoller. 8 h37, les trois pelotons de la 5/III/2Aé gagnent la piste et décollent. Le
sergent Charles Detal est ailier du Lieutenant Dufossez, chef du 1
er
peloton, et du sous-
lieutenant d’Haes. Une importante formation de bombardiers allemands vient de violer
l’espace aérien belge. Ordre d’interception et de destruction. Les Aigles bleus grimpent
à 3000 mètres
5
et « scrutent le ciel à la recherche des intrus qui ne se font pas attendre.
De face, 10 Me 109 de la 3./JG.27 qui attaquent les 1
er
et 2
ème
pelotons. L’accrochage a
lieu, c’est la mêlée. Nos six Fox et les 11 monoplans (Me 109) forment à présent un
bloc, une boule mouvante…»
6
. C’est dans le cit du major Boussa que l’on prend
conscience de la différence qui existe entre les machines qui s’affrontent. « Vitesse
prodigieuse… les Me passent dans tous les sens à des vitesses auxquelles nous ne
sommes pas habitués, nos Fox semblent rester sur place. ». Combat très inégal au point
de vue du nombre mais également au point de vue matériel. Le Fairy Fox VIC ne peut,
en aucune façon, rivaliser avec un Me.109. Les Belges engagent néanmoins le combat et
lors de l’engagement, Ch. Detal encaisse une rafale dans son réservoir d’essence,
l’avion prend feu. Malgré ses brûlures, il parvient à s’extraire de son cockpit et saute en
parachute. Grièvement brûlé et aveugle, il échappe de peu à la mort
7
. « Au cours de
cette mission (interception de bombardiers allemands) son escadrille fut attaquée par
des chasseurs ennemis très supérieurs en nombre. Au cours de l’engagement, le 1
er
sergent Detal, après avoir tiré toutes ses munitions a été abattu en flammes ».
8
Ce
rapport signale également que le pilote avait reçu une balle explosive dans le bras. Les
premiers rapports le signalent comme disparu à Vissenhaken, le 10 mai. Heureusement
pour lui, il a été immédiatement secouru et transporté dans l’hôpital de campagne de
Looz il reçoit rapidement les premiers soins. Hélas, trois jours après, les Allemands
investissent les lieux et transfèrent les blessés à Maastricht, dans un de leurs lazarets
aménagé dans le couvent des jésuites. Il y est soigné correctement et lorsque, le 28 août,
son état le permet, il est envoyé à l’hôpital Bruggman pour y terminer sa convalescence,
jusqu’en fin septembre. L’inaction lui pèse. Il veut rejoindre l’Angleterre et reprendre sa
place dans l’aviation de combat. Une trentaine de pilotes belges ont déjà rejoint la RAF
et se battent dans le ciel anglais. Le 25 novembre 1940, il prend contact avec une filière
d’évasion dont s’occupent les pères franciscains à Bruxelles. Le père Benoît le prend
donc en charge et l’intègre dans « ABC lignes ». Le départ est immédiat. Tout quitter et
risquer sa liberté, sa vie, pour assouvir son désir de combat. Sait-il ce qui l’attend sur la
route de l’exil ? Son épouse l’accompagne.
9
Il est envoyé sur Dinant, où les pères oblats l’accueillent avant de le diriger vers
Charleville-Mézière qu’il atteint le 26 novembre. Puis c’est la direction Laon le
vicaire Cordier le cache à Gignancourt. Il y reste trois jours puis revient à Charleville,
5
Archives militaires Notariat op.cit, CH. Detal précise qu’il volait à 5500 m d’altitude lors de l’approche.
6
Peter Taghon, L’aéronautique militaire belge en mai-juin 40, dans la revue Avions, Hors série n°18
pages 70-75. Comme le souligne l’auteur, il s’est basé sur les notes du Major Boussa , notes extraites de
son carnet de campagne. Après un premier engagement contre les Me 109, les derniers Fox se lancent à la
recherche des bombardiers et engagent de nouveau le combat contre ces avions.
7
Peter Taghon, op.cit
8
Archives militaires, Notariat, dossier Charles Detal. Rapport du Commandant Boussa.
9
Certaines sources signalent que Charles Detal était accompagné de son épouse pour rejoindre la Grande-
Bretagne.
le 1 décembre. Objectif Nancy où, dès son arrivée, le fugitif est aidé par les pères
jésuites qui l’envoient dès le lendemain vers Besançon l’attendent des pères
capucins qui le transfèrent chez les sœurs du Sacré-Cœur. Le 6 décembre, il est à
Pontarlier et se prépare à passer en Suisse dès le lendemain. Mais…
Les autorités suisses internent les étrangers qui séjournent illégalement sur leur
territoire. Charles Detal est intercepté lors de son passage à Lausanne et conduit à
Genève. Premier internement. Il n’est libéré que le 25 décembre et quitte le pays en
direction de Lyon et se cache chez M. Besse
10
. Il y reste deux mois et ce n’est qu’en fin
février 1941 qu’il reprend son périple vers la ville de Perpignan via Marseille. Le
fuyard apprend qu’une filière d’évasion, du nom de O Leary et dirigée par un Belge,
fonctionne dans cette ville. Il l’intègre et y joue un rôle actif en attendant son tour de
passage
11
. Avec le capitaine Ian Garrow
12
, il fait même passer des pilotes anglais. Il y
rencontre incidemment Albert Debèche qui, comme lui, attend son passage. Mais les
passeurs espagnols ne sont pas toujours fiables. Plusieurs pilotes anglais dont il s’était
chargé sont pris en Espagne. La filière se met un peu en veilleuse. Qui donc a trahi ?
Tous les actifs sont suspectés. Une indiscrétion involontaire
13
?
Charles Detal est emprisonné par les Autorités de Vichy, une première fois à Perpignan
du 5 juin au 23 juin 1941 ensuite à Montpellier du 25 juin au 3 novembre.
À peine libéré, il passe la frontière et bien souvent livré à lui-même, gagne Barcelone
via un crochet par Cerbère, ensuite Madrid pour atteindre Lisbonne en mars 1942. Le
13 mars profitant d’un avion qui se rendait en Grande-Bretagne, il débarque à Londres.
Nous somme le 13 mars. Il avait quitté la Belgique le 25 novembre 1940 !
Un long voyage, avec ses risques et ses angoisses. Il est arrivé. Il est prêt à reprendre le
combat avec ses frères d’armes.
Mais l’homme n’est pas au bout de ses peines. Comme tous les nouveaux arrivants,
Charles Detal doit passer par la « Patriotic school » dirigée par les services secrets
britanniques qui passent au peigne fin le curriculum de tout arrivant. Tous les Belges y
sont passés. Malheureusement pour lui, le réseau O Leary ayant été infiltré par la
gestapo, les nouveaux arrivants sont soupçonnés et sérieusement interrogés. Néanmoins,
son passé plaide pour lui. Dès le premier jour de guerre, il payait déjà chèrement de sa
personne. Grâce à une intervention du ministre Gutt qui répond de sa personne, sa
bonne foi et sa loyauté au pays sont reconnues. Il est autorisé à postuler pour entrer
dans la RAF.
10
Ce serait ce M. Besse qui l’aurait fait entrer dans la filière Pat O’Leary
11
Le docteur Albert Guerisse est un médecin belge qui a pris le nom de Pat O’Leary et se faisait passer
pour canadien de souche francophone. Il dirige la filière d’évasion depuis Marseille et Perpignan. Pour les
lecteurs qui veulent approfondir l’histoire de ce médecin, voir le chapitre lui consacré sur
http://www.freebelgians.net/pages/sujet.php?id=resistance&su=141 M. Prosper Vandenbroucke.
12
Archives militaires, Notariat, dossier de Charles Detal, fiche individuelle datée du 13 mars 1942. En ce
qui concerne Ian Garrow, lire la référence dans la note précédente. Cette filière est très active et fait
passer quantité de Belges, d’aviateurs alliés tombés en pays occupés ou autres fuyards du régime nazi.
Malheureusement certains responsables seront pris et payeront de leur vie leur dévouement.
13
Mais les passeurs espagnols ne sont pas toujours fiables et après quelques trahisons, dont A. Debèche
fait les frais avec ses compagnons d’échappée (voir le chapitre consacré à ce villageois de Rivière), la
filière se met quelques temps en veilleuse. Qui donc a trahi ? Tous les actifs sont suspectés. Une
indiscrétion involontaire ? Lors de son arrivée à Londres, les services secrets britanniques, comme tous
ceux qui firent respectivement partie de ce mouvement, l’interrogent à ce sujet. Le ministre Gutt
s’inquiète du sort réservé à un tel soldat et intervient en sa faveur répondant de sa loyauté. Comme nous
le verrons son innocence est reconnue. Le MI5 devait éclaircir l’affaire. Ch. Detal est reconnu étranger à
la situation.
Londres le 13 juillet 1942. Copie d’une des
lettres à la faveur de
Charles Detal. La
sécurité d’Etat
intervient à la
demande du ministre
Gutt. Charles Detal
est un soldat digne
d’intégrer la RAF
14
.
Il intègre donc les FBGB puis la RAF. Il doit cependant suivre des cours de pilotage,
nouvel avion, nouvelles techniques de combat, nouvelles instructions Il est pris en
charge par le fameux pilote belge Coster qui faisait partie des premiers belges à avoir
participé, dès juin 1940, à la fameuse bataille dans le ciel d’Angleterre. Une bataille
gagnée par une poignée d’aviateurs alliés contre l’immense armada de la Luftwaffe qui,
à cette époque, avait son Etat-major à Yvoir, pas loin de chez nous.
15
Le 24 mars 1943, il intègre le « 609 squadron ». Il vole sur un Typhoon IB et se fait
immédiatement remarquer pour son audace et son sens du vol de combat mais les
occasions de se mettre en valeur lui font momentanément défaut. Les premières
missions consistent à des attaques d’aérodromes ennemis situés en France ou à attaquer
et détruire du matériel militaire. Les aérodromes allemands situés à Laon, à Reims et
dans la périphérie de Paris font partie de ses premières activités. Il s’en acquitte avec
honneur en clouant au sol plusieurs avions. Il est réputé être un des meilleurs pilotes
pour les attaques au sol. Et il n’est encore qu’un novice dans l’escadrille. Il remplit
« avec allant » ses missions de destruction et endommage 7 locomotives et compte
plusieurs chalands coulés.
Plusieurs victoires en moins de quatre mois !
Aux avions abattus en combat aériens, il faut donc ajouter les appareils détruits au sol
plus du matériel roulant et flottant. Des locomotives et des chalands.
14
Arch. mil., Evere., notariat, dossier Charles Detal.
15
Entre faits de vie et faits de guerre, le chapitre consacré à Goering à Lustin page 261.
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