la cataracte en 2014 : quelle place reste-t-il pour l

LA CATARACTE EN 2014 : QUELLE PLACE
RESTE-T-IL POUR L’ANESTHÉSISTE-
RÉANIMATEUR ?
Camille Godart, Jean-Michel Devys
Service d’anesthésie-réanimation, Fondation Ophtalmologique Adolphe
de Rothschild, 25, rue Manin, 75019 Paris. E-mail : jmdevys@fo-roths-
child.fr
INTRODUCTION
Plus de 700 000 chirurgies de la cataracte ont été réalisées en 2012 en
France, pour un coût national de 1 Milliard d’euros [1]. La diminution programmée
du remboursement de cet acte va obliger les établissements de santé privés et
publics à engager une réflexion sur les modalités de prise en charge des patients.
L’exemple de pays semblables au nôtre permet effectivement d’envisager un
allègement majeur des prises en charge et des coûts pour la chirurgie de la
cataracte qui, depuis 30 ans, a subi plusieurs bouleversements :
Le développement de la phacoémulsification du cristallin et l’abandon de
l’anesthésie générale.
L’utilisation de l’anesthésie locorégionale et de l’ambulatoire.
L’essor de l’anesthésie par simple application de collyre dite « anesthésie
topique ».
L’ajustement des tarifs étant inéluctable à court ou moyen terme, c’est le
maintien de la structuration actuelle de l’anesthésie, construite autour de la régle-
mentation (1/ article D712-40 du 8 décembre 1994 du code de la santé publique
qui décrit les conditions d’exercice de l’anesthésie 2/ décret de compétence des
IADE), qui est questionné pour et à travers cette chirurgie.
1. EPIDÉMIOLOGIE DE LA CHIRURGIE DE LA CATARACTE EN
FRANCE
La cataracte est la première cause de cécité dans le monde. Il s’agit en
France de la première intervention chirurgicale avec 717 000 actes en 2012. Le
rapport au ministre chargé de la Sécurité Sociale et au Parlement sur « l’évolution
des charges et des produits de l’Assurance Maladie au titre de 2014 concernant
les propositions pour accroître l’efficience du système de santé et maîtriser
les dépenses » nous donne des informations concernant la chirurgie de la
cataracte [1]. Pour résumer, 86 % des chirurgies sont réalisés en ambulatoire,
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chez des patients d’âge moyen de 73 ans. Cette activité est majoritairement
réalisée en structure libérale à but lucratif (75 % vs 25 %)(Figure 1, Tableau I).
Figure 1 : Répartition public-privé pour la chirurgie de la cataracte.
Tableau I
Les données de la base PMSI 2009-2013 de l’ATIH pour la chirurgie de la
cataracte
2. UN ENJEU FINANCIER POUR L’ETAT, POUR LE PATIENT, POUR
LES MÉDECINS
Comme mentionné précédemment, la prise en charge de la chirurgie de
la cataracte qui s’étend sur 3 à 6 mois avec les étapes pré et postopératoires
(Figure 2) représente un véritable enjeu national. Cet enjeu, surtout financier,
concerne plusieurs acteurs de santé mais principalement la partie opératoire
(74,4% du coût), donc les établissements de santé.
Les tarifs GHS privés et publics en 2013 (arrêté du 22 février 2013 fixant
pour l’année 2013 les éléments tarifaires) pour la chirurgie de la cataracte en
ambulatoire, sont les suivants [2] :
Pour les établissements Publics et PSPH : 1 381,34 (avec pour l’Ile de France,
un coefficient géographique de +7 % soit 1478,03 )
ANNEES 2009 2010 2011 2012 2013
Nombre
d’actes 632 979 660 843 688 566 717 034 732 160
Etablissements
publics et
PSPH
144 941 22,9% 155 303 23,5% 165 264 25,6% 176 424 24,6% 188 239 25,71%
Etablissements
privés 488 038 77,1% 505 540 76,5% 523 300 74,4% 540 610 75,4% 543 921 74,29%
Hospitalisation 133 169 21,04% 123 846 18,74% 111 236 16,15% 101 425 14,15% 86 540 11,82%
Ambulatoire 499 810 78,96% 536 997 81,26% 577 330 83,85% 615 609 85,85% 645 620 88,18%
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Pour les établissements privés : 789,13 (avec pour l’Ile de France, un coeffi-
cient géographique de +7 % soit 844,36 ). A ce tarif s’ajoutent 271,7 pour
le chirurgien et 111 pour l’anesthésiste (majoration de 4 % pour présence
permanente du médecin anesthésiste soit 4,44 , 23 alloués si réalisation
d’une anesthésie générale ou locorégionale chez un patient de plus de 80 ans).
Par comparaison, si on considère l’amygdalectomie en ambulatoire, le
tarif GHS est fixé à 739,34 en public et à 592,84 en privé (+86,47 pour le
chirurgien, +89,46 pour l’anesthésiste).
Figure 2 : Montants payés en 2011 (remboursement CNAMTS et reste à charge),
millions d’euros
Ainsi, la chirurgie de la cataracte est valorisée de 1,5 fois à 2 fois l’acte
d’amygdalectomie. Il faut toutefois rappeler que la valorisation d’un acte dépend
de sa difficulté mais aussi du matériel nécessaire à sa réalisation. Par ailleurs,
en France, la chirurgie de la cataracte est majoritairement réalisée en secteur 2,
avec dépassement d’honoraire. LATIH a publié des données statistiques pour
les années 2011 et 2012 sur les dépassements d’honoraires dans les cliniques
privées, par région et au niveau national [3]. On constatait en 2012 une forte
prévalence du dépassement d’honoraires en région parisienne, que ce soit pour
le chirurgien ou pour l’anesthésiste. Pour rappel, le code de déontologie médicale
rappelle que les honoraires doivent être fixés avec tact et mesure, en fonction
de la notoriété du praticien, du temps passé et de la complexité de l’acte, du
service rendu au patient et de la possibilité financière de ce dernier.
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Tableau II
Répartition des dépassements d’honoraires par secteur géographique
Partie chirurgie
Secteur
Géographique
France
entière Paris Région PACA Bourgogne
Tarif sécurité sociale 272
Fréquence de
dépassement 55% 78% 57% 75%
Montant moyen du
dépassement
211
(50 à 500 )
492
(200 à 1000 )
259
(95 à 700 )
153
(90 à 230 )
Coût total moyen en
cas de dépassement 482 764 531 425
Partie anesthésie
Secteur
Géographique France entière Paris Région PACA Bourgogne
Tarif sécurité sociale 113
Fréquence de
dépassement 27% 55% 22% 29%
Montant moyen du
dépassement
91
(30 à 200 )
147
(60 à 280 )
76
(40 à 150 )
54
(40 à 74 )
Coût total moyen en
cas de dépassement 204 259 190 166
3. MODALITÉS DE LA PRISE EN CHARGE
3.1. LA CHIRURGIE
La prise en charge chirurgicale de la cataracte est indiquée dès lors que le
patient présente une vue altérée ne lui permettant plus de pratiquer ses activités
habituelles, et qu’elle offre la possibilité d’une réelle amélioration. En cas de
cataracte bilatérale, l’intervention se déroule le plus souvent sur un œil à la fois.
Le traitement chirurgical dure 10 à 15 minutes et consiste à extraire le cristallin
opaque puis à mettre en place un implant intraoculaire artificiel (implant de
chambre postérieure). La technique de référence est l’extraction extra-capsulaire
par phacoémulsification avec pose d’un implant. Les différentes étapes sont :
Désinfection cutanée et des culs de sacs conjonctivaux.
Incision tunnelisée de la cornée.
Ouverture de la capsule antérieure du cristallin sur 360° (capsulorhexis).
Phacoémulsification du cristallin (ultrasons fragmentant le noyau) et aspiration
du contenu du sac cristallinien.
Mise en place de l’implant dans le sac cristallinien plié à travers l’incision
cornéenne (l’implant se déplie une fois en place).
Suture de l’incision cornéenne (facultative si l’incision est auto étanche).
3.2. LANESTHÉSIE POUR CATARACTE
L’anesthésie générale et l’anesthésie locorégionale ont vu leurs indications
se réduire très fortement durant les 20 dernières années. L’anesthésie topique
représente ainsi la majorité des anesthésies réalisées pour chirurgie de la cata-
racte, mais on manque de statistiques récentes. Elle nécessite la coopération du
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patient, des chirurgiens expérimentés, des cristallins « compliants » et s’avère
insuffisante en cas de complications peropératoires. Cette anesthésie comprend
l’instillation de gouttes d’anesthésiques locaux type oxybuprocaïne à 0,40 % ou
tétracaïne à 0,5 ou 1 % sur la cornée ou dans les culs de sacs conjonctivaux
(instillations répétées toutes les 5 minutes de 1 à 2 gouttes dans le cul de sac
conjonctival de l’œil à opérer quelques minutes avant le geste). La durée d’action
des anesthésiques locaux est de 4 à 8 minutes. Elle suffit pour la majorité des
chirurgies de la cataracte. En effet, l’incision est réalisée au niveau de la cornée qui
est correctement analgésiée par l’anesthésie topique. Les milieux transparents
du globe oculaire (cristallin, humeur aqueuse) n’ont pas d’innervation sensitive.
L’iris est la seule structure potentiellement douloureuse mais, pour une chirurgie
de la cataracte, il est dilaté ce qui prévient son contact avec les instruments.
L’anesthésie topique est fréquemment associée à d’autres techniques ayant pour
but d’améliorer l’analgésie, on parle alors de « topique améliorée » :
L’anesthésie intracamérulaire, qui consiste en l’injection de lidocaïne dans
l’humeur aqueuse de la chambre antérieure pour insensibiliser l’iris, est
actuellement très largement utilisée [4, 5].
• L’utilisation du gel de lidocaïne 2 % hors AMM (AMM limitée à l’usage uro-
logique) qui procure une meilleure analgésie que l’instillation de gouttes. Un
communiqué de presse de l’AFFSAPS du 14/10/2004 alerte sur le mésusage de
ce gel urétral en chirurgie de la cataracte avec la survenue d’effets indésirables
graves à type d’endophtalmie [6].
L’anesthésie sous-ténonienne [7] qui peut être réalisée par le chirurgien à
tout instant de la chirurgie, et qui consiste à injecter l’anesthésique local dans
l’espace épiscléral (espace virtuel qui entoure la portion sclérale du bulbe) avec
une diffusion du produit autour du globe.
Il existe à ce jour peu de données évaluant l’incidence des complications
chirurgicales suivant la technique anesthésique utilisée d’autant que les compli-
cations chirurgicales sont rares, dépendantes de l’expérience de l’opérateur et
probablement sous déclarées. La méta-analyse de Zhao [8] parue dans Ophtal-
mology en 2012 comparant l’anesthésie topique à l’anesthésie locorégionale ne
retrouvait toutefois pas de différence en termes de complications chirurgicales,
même si la douleur et le recours à un complément d’anesthésie étaient plus
importants en cas de topique.
La popularité de l’anesthésie « topique améliorée » a modifié depuis 10 ans
l’environnement anesthésique en Europe pour la chirurgie de la cataracte, avec
la mise en place du « monitored anesthesia care », à savoir la présence de
personnel paramédical en salle d’opération, ayant une formation à la sédation
intraveineuse et à la gestion des incidents les plus fréquents à savoir le stress,
la douleur et les poussées hypertensives [9]. Dans ce cadre, la nécessité de
l’intervention d’un médecin anesthésiste est limitée à 5 % des patients environ.
Ainsi, Moreno-Montanes [10] a individualisé 3 facteurs de risque d’intervention
anesthésique lors de la chirurgie de la cataracte sous anesthésie topique et
intracamérulaire : les antécédents d’HTA, les antécédents psychiatriques et une
pression artérielle systolique élevée lors de l’examen clinique.
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