III. La montée des difficultés (1918-1956)
A. Le « carrefour des peuples »
L’industrie marseillaise a peu souffert de la guerre, ce qui explique le rapide retour à la normal de cette
activité ainsi que de l’immigration. Cependant, le trafic maritime est toujours en difficulté du fait des
bouleversements qui touchent la Méditerranée puisque les relations commerciales entre la France et les pays de
la mer Noire, la Russie ou la Turquie ont été rompues.
C’est à cette époque que Marseille apparait comme une ville refuge où se mêle l’immigration politique
des Italiens, des Espagnols, des Russes, des Grecs ou des Arméniens et les ouvriers coloniaux comme les
Kabyles. Certains auteurs surnomment alors la ville « carrefour des peuples » (J. Roth) ou le « port qui parle
vingt langues » (A. Londres) car Marseille apparait réellement comme un espace méditerranéen où la société
cosmopolite reflète les liens étroits entre le port et la ville. Ainsi, dans les années 1920, ce port est toujours
synonyme d’aventure et de fuite vers l’inconnu. Ce sont ces connotations qu’exploitent « Les Cahiers du Sud »
de Jean Ballard qui allient poésie, rêve, aventure intellectuelle et expéditions maritimes afin de montrer la valeur
de Marseille dans la culture méditerranéenne.
Afin d’optimiser les réseaux dans lesquels est pris Marseille, les autorités tentent de développer le trafic
aérien pour renforcer le trafic maritime et ouvrir une nouvelle route vers l’Orient qui allie rapidité et efficacité
(1934 : aéroport de la Marignane).
B. Les années noires
La crise des années 1930, affectent le trafic portuaire pour plusieurs raisons. Certes la crise touche
l’industrie marseillaise et a fortiori les exportations, mais ce n’est pas le facteur principal des difficultés
connues par Marseille. Celles-ci proviennent de la mise en place de politiques protectionnistes dans de
nombreux pays méditerranéens en réaction à la déstabilisation des flux. C’est par exemple le cas de la Grande-
Bretagne qui se replie sur ses marchés dans lesquels elle exerce un monopole (Proche-Orient) ou de l’Italie qui
prône une politique d’autarcie. En conséquence, le trafic marseillais se replie lui aussi vers les colonies
françaises qui constituent un marché protégé qui atténue les effets de la crise ‘exportation à 60% vers les
colonies, importations inférieures à 32%). En outre, les colonies offrent également un potentiel pour la
délocalisation des industries en particulier pour l’industrie des oléagineux. D’autre part, il y a une
restructuration de l’industrie marseillaise pour faire face à la concurrence au moment où la crise la prive de ses
principaux capitaux. Ainsi, en 1938, il ne reste plus qu’une entreprise sucrière.
A partir de 1942, le trafic est bloqué afin de couper Marseille des logiques réticulaires de la Méditerranée.
Cela vient du fait que le port constitue un point stratégique pour un potentiel débarquement des forces alliées
donc l’exclure des réseaux qu’elle entretient avec la France coloniale apparait comme une nécessité.
(Néanmoins, Marseille constitue un pôle de la résistance ce qui oblige les autorités à déclarer l’Etat de siège et,
en conséquence.)
Lors de la libération, le centre est détruit par des bombardements qui vont renforcer l’isolement du port
pendant des mois (deux-cents bateaux coulé, de nombreux hangars rasés,…). La désorganisation du trafic a
entrainé une baisse de la production, augmentant le chômage et affaiblissant le port.
C. Le temps des illusions
La reconstruction économique est lente à se faire à cause des bouleversements qui ont affecté les
transports (chemin de fer) ou renforcé leurs faiblesses (route). Dans ce contexte, le trafic maritime est le
moyen pour la véritable renaissance économique de Marseille. Ainsi, la réparation du port et le rôle
économique des colonies sont deux priorités pour la ville. La politique dirigiste de l’Etat qui s’attache à
réorganiser le port, s’accompagne d’une réorganisation de l’industrie dans la mesure où les pouvoirs publics
prennent en main les concentrations d’entreprises.
Les compagnies marseillaises souffrent des répercussions économiques des différents conflits coloniaux
des années 1950 à l’instar de la guerre d’Indochine ou de la naissance de nationalismes dans les pays
d’Afrique. Or, ces faits conjoncturels sont en opposition à la reconstruction structurelle de Marseille qui se
fond sur le discours de l’Union française puisque la force de la ville est intrinsèquement liée à grandeur de la
France coloniale.
En effet, en 1956, les activités ainsi que la population marseillaises sont faces au choc de la
décolonisation que sont l’abandon de l’Indochine, l’indépendance octroyée à la Tunisie puis au Maroc ainsi