Marseille de 1798 à 1956 Introduction Dans la suprématie

Marseille de 1798 à 1956
Introduction
Dans la suprématie européenne sur la Méditerranée, les ports sont au premier plan en tant
que facteurs d’unité de cet espace. C’est ce qui explique l’essor démographique des villes-
ports dans toute la Méditerranée comme à Marseille la population est multipliée par cinq
au cours du XIXème siècle du fait des différentes immigrations inter-méditerranéennes qui se
retrouvent dans ce port. La cité phocéenne, dont les origines remontent à -600 avant JC,
occupe une place stratégique pour le développement d’une forte activité portuaire. En effet, sa
position géographique lui permet d’être au croisement de deux axes importants, la vallée du
Rhône et la Méditerranée. De cette manière, le port de Marseille polarise un hinterland qui ne
se réduit pas au Midi français mais dont l’influence, sous l’ancien régime, s’étend à toute la
partie occidentale de la Méditerranée. En effet, la monarchie française a voulu profiter de
cette ville pour renforcer son inscription dans les logiques de la Méditerranée. C’est pourqoui
Marseille entretient des liens forts avec les autres ports occidentaux comme Gênes ou
Livourne ainsi qu’avec des pôles orientaux tels qu’Alexandrie, Syra, Smyrne ou Stambul et
par extension avec les réseaux intérieurs qui les prolongent. Le poids de Marseille dans la
Méditerranée vient en partie de cette attraction pour un Orient mythique, auquel appartiennent
les fondateurs de la ville, les négociants trouvent des avantages économiques grâce au
régime des capitulations. Il est impossible d’étudier Marseille en la détachant de sa fonction
commerciale puisque la ville se développe en rapport avec le monde extérieur, par le transit
des hommes et des marchandises, qui entrainent la croissance portuaire et la capacité
d’accueil de la ville. De plus, lorsque le trafic est interrompu comme en 1793 ou en 1940, la
ville rencontre de grandes difficultés dans tous les secteurs économiques. Marseille peut donc
être considérée à part entière comme une ville-port méditerranéenne au point de vue de la
rétroaction qui existe entre l’axe maritime et l’espace national au niveau de ce pôle et au
regard de la population cosmopolite qui s’y établit de plus en plus. Au cours de ces deux
siècles, les bases de la puissance marseillaise ont été profondément établies et ce changement
structurel a également profité de la conjoncture. Ainsi Marseille est devenue une interface
nationale importante ainsi qu’un des principaux pôles du trafic portuaire méditerranéen et
mondial. Aussi, verrons-nous que la renaissance de la puissance marseillaise après 1793 est
lente et se base sur des changements profonds. Puis, comment elle est devenue une métropole
méditerranéenne tant au niveau de la ville-elle-même qu’au niveau des échanges
internationaux. Enfin, nous analyserons les difficultés croissantes qui touchent Marseille et
l’obligent à se restructurer.
I. Vers la renaissance de la cité phocéenne (1798-1830)
La révolution a touché Marseille car la ville profondément républicaine du fait de l’emprise de la
bourgeoisie marchande représente une menace pour les monarchies européenne et l’Empire ottoman qui
veulent limiter les effets des bouleversements français et éviter son prolongement à travers les réseaux
marchands A. Héritages
En 1789, la ville intra-muros comprend 100 000 habitants, ce qui en fait la troisième ville française sur le
plan démographique.
Cette attractivité est due au développement commercial du XVIIIème siècle car cette activité s’est
intensifié, ouverte à de nouveaux horizons à l’instar de l’océan atlantique, des Antilles ou de l’Amérique
espagnole et entretient des liens plus forts avec les Indes occidentales. Ainsi, le port est le centre
d’importation de produits exotiques comme la canne à sucre ou le café qui viennent de Martinique, de
Guadeloupe ou de Saint-Domingue.
L’influence du négoce ne cesse de s’accroître dans Marseille comme le montre l’introduction du
protestantisme dans la ville qui vient des différentes implantations étrangères (suisse, allemand, britannique,
hollandais ou scandinave). Le milieu du négoce contient les prémisses de la société cosmopolite car ce qui le
compose ne sont proches ni par la culture, ni par la religion mais les clivages disparaissent grâce au
commerce puisque chacun a besoin des réseaux des autres et donc la tolérance est nécessaire pour le bon
fonctionnement de l’activiéconomique. En 1790, la bourgeoisie éclairée prend le pouvoir à Marseille et
leur forte emprise sur la ville fait échouer la contre-révolution.
B. Le retard industriel
En 1793, le trafic portuaire de Marseille est interrompu. Il s’agit d’une réaction de la part de la Grande-
Bretagne pour enrayer la révolution, en empêchant ses principes de s’étendre à travers le transit d’hommes et
surtout au sein du milieu du négoce. Cela a eu pour conséquence immédiate d’affaiblir Marseille en réduisant
son emprise sur le commerce internationale et a fortiori de provoquer le départ de l’aristocratie commerçante
et des négociants étrangers.
A plus long terme, cette interruption du trafic a également provoqué le retard de la Révolution
industrielle. En effet, celle-ci repose sur les nombreux capitaux et les marchés extérieurs dont Marseille est
privée du fait du blocus commercial.
Ainsi, en 1815, lorsqu’en parallèle de la Restauration, le trafic reprend, la situation de Marseille semble
désastreuse. Les autorités mettent fin à la franchise, ce qui est perçu comme un handicap par les négociants
mais, de fait, cette suppression rend le port plus attractif en baissant les tarifs commerciaux. D’autre part, les
nombreuses années durant lesquelles le trafic commercial a été interrompu font que celui-ci se retrouve en
déclin en 1815, le départ des négociants ayant affaibli économiquement et financièrement le port et son
activité. En effet, le manque de capitaux a provoqué des retards techniques comme l’absence de tout bateau à
vapeur. Enfin, le blocus de vingt ans a totalement désorganisé le commerce et appelle à une réorganisation
complète du trafic pour qu’il soit en adéquation avec les nouveaux modes de commerce.
C. L’espoir colonial
Par définition, la ville-port marseillaise ne peut se développer sans lien avec le monde extérieur. Par
exemple, l’insurrection grecque est un frein au renouveau de Marseille car cette région est un pôle pour les
échanges commerciaux de la ville est présente une partie de la diaspora grecque qui est habituellement au
cœur des réseaux commerciaux de l’Empire ottoman.
En conséquence, la renaissance de l’activité portuaire et a fortiori de la ville ne peut se faire sans qu’elle
ne se tourne vers de nouveaux marchés. C’est pour cette raison que les négociants approuvent la conquête de
l’Algérie mené par Charles X et l’implantation de commerçants français dans les grandes villes du Maghreb.
II. La métropole méditerranéenne (1830-1918)
A la fin des années 1850, Marseille est perçue comme la 1ère ville méditerranéenne. Ce changement est le
résultat de changements externes bien entendus mais également au niveau des structures internes d’une ville
qui est plus en adéquation avec les fonctions qu’on veut lui faire assumer.
A. Les conséquences de la conquête d’Alger
La conquête de l’Algérie est porteuse d’espoir pour les négociants marseillais qui peuvent profiter du
système des capitulations et organiser spatialement ces espaces afin d’importer de manière optimale les
matières premières nécessaire à l’éveil industriel de la ville. Œuvre des Français à Suez assure également au
plus grand port méditerranéen de la France une ouverture vers l’Empire ottoman et les grands ports d’Orient
dans la mesure le canal permet aux compagnies de navigations marseillaises comme la SGTM, d’autant
plus que son ouverture se fait en parallèle de la croissance de la navigation par vapeur dans le port français.
Les négociants marseillais reconstituent donc un réseau marseillais qui s’étend dans tout l’espace
méditerranéen à travers des transferts de capitaux, la maîtrise de l’exploitation de matières premières (savon)
et de leur exportation. C’est surtout l’œuvre de la société Talabot qui met en place une réelle domination de
Marseille sur les autres ports occidentaux, suivant ainsi un principe saint-simonien c’est-à-dire que la
prospérité de la ville se fera par le développement continu des échanges dans une diterranée qui devient
un lieu de rencontre privilégié entre les peuples et les civilisations la France trouve sa place à travers
Marseille.( Exemple de la Compagnie de Docks et des entrepôts qui est tournée vers le transport
énergétique).
Le rôle de l’Etat encourage l’ouverture de Marseille. Ainsi, Napoléon III instaure une véritable stratégie
méditerranéenne en favorisant une politique libre-échangiste et un rapprochement avec les autres puissances
européennes : rapprochement avec l’Espagne, aide à l’unité italienne, intervention en Roumanie ou en Syrie
et encouragement au royaume arabe d’Algérie.
L’ouverture vers l’Orient méditerranéen s’accompagne d’un vif intérêt pour cet espace comme le révèle
la société de géographie de Marseille créée en 1877. Celle-ci joue un rôle dans l’expansion de la France
d’Outre-mer puisqu’elle sensibilise la population et les milieux bourgeois aux expéditions et aux pays
orientaux. Peu à peu, Marseille se retrouve au cœur du lobby colonial français. Ainsi, l’Exposition coloniale
de 1906 est l’aboutissement de la politique colonial du milieu du négoce marseillais. Il s’agit de légitimer la
place de Marseille dans la Méditerranée, au cœur di commerce avec le Levant ou l’Afrique et société de la
géographie.
B. Le renouveau urbain et industriel de la ville
En parallèle de ce renouveau extérieur, la ville de Marseille est en plein renouvellement urbain. Celui-ci
est le fruit d’une politique volontariste qui répond à deux nécessités : il s’agit de repenser le système
portuaire en l’inscrivant dans l’espace national jusqu’à Paris et de moderniser l’espace urbain lui-même dans
une logique purement hygiéniste. La priorité est donc de faire de la cité un ensemble cohérent. Par exemple,
le canal de la Durance est creusé afin de mieux connecter la ville-centre aux industries périphériques et est
également une condition de possibilité pour le développement démographique du port, alimentant plus de
400 fontaines publiques. Ce réaménagement de la ville a pour principe de l’édifier en tant que capitale
méditerranéenne
Avec les débuts de la révolution industrielle qui touche la cité phocéenne, des efforts sont faits au niveau
des transports. Sur le plan portuaire, même si l’accès à la vapeur se fait encore lentement, la grande
navigation se met en place. Celle-ci est renforcée par la création du nouveau port de la Joliette, en 1853,
équipée par le groupe Talabot qui contrôle la Compagnie des Docks et des Entrepôts. Ainsi, la zone portuaire
déborde de son périmètre historique (le Vieux-Port) et s'étend à partir dès 1844 aux rivages Nord.
Le renouveau de Marseille est la preuve que le pouvoir de la ville est sous l’influence des hommes du
négoce et de l’armement qui contrôlent les activités commerçantes et concentrent les richesses. Ces hommes
nouveaux nés de la Révolution industrielle ou issus des migrations voient dans la Méditerranée le moyen
d’augmenter leur emprise sur les pôles commerciaux. La Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-
Provence est l'une des CCI les plus puissantes de France. Créées au 16ème siècle, c’est elle, qui par son rôle de
lobby, travaille aux intérêts des négociants, leur octroyant de fait le pouvoir politique de la ville.
C. Les conséquences de la deuxième révolution industrielle
Malgré son incroyable essor, Marseille subit toujours des handicaps du fait du blocus de 1793-1815. Les
industries souffrent du manque de matières premières exploitées au niveau local ainsi que de l’insuffisance
énergétique. Ainsi, avec la crise de la fin des années 1860, les dernières industries sidérurgiques ferment.
L’activité industrielle est donc en reconversion et se tourne vers une complémentarité avec l’activité
portuaire : industrie métallurgique liée à la navigation, entreprises nées du commerce colonial (rizeries).
Cependant, l’industrie marseillaise souffrant d’un afflux limité de capitaux reste composée, à part pour
l’industrie sucrière, d’entreprises familiales, moins attractives que les sociétés bénéficiant de fusions,
capables de polariser les flux à grandes échelles.
La deuxième Révolution industrielle profite davantage à la ville. Par exemple, l’électricité révolutionne
les transports intérieurs de la ville qui permettent l’implantation de tramways entre la Canebière et le quartier
Saint-Louis. Cela favorise une meilleure irrigation de l’espace local qui rend plus cohérent l’espace urbain et
renforce l’extension urbaine et la constitution de banlieue autour des industries qui se localisent en
périphérie.
Avant la Première Guerre mondiale, la réussite économique de Marseille est indéniable dans la mesure où
il s’y est constitué un système industriel efficace, le trafic maritime n’a cessé de s’améliorer. Donc,
Marseille s’est à la fois constitué en tant que port colonial et en tant que métropole régionale.
III. La montée des difficultés (1918-1956)
A. Le « carrefour des peuples »
L’industrie marseillaise a peu souffert de la guerre, ce qui explique le rapide retour à la normal de cette
activité ainsi que de l’immigration. Cependant, le trafic maritime est toujours en difficulté du fait des
bouleversements qui touchent la Méditerranée puisque les relations commerciales entre la France et les pays de
la mer Noire, la Russie ou la Turquie ont été rompues.
C’est à cette époque que Marseille apparait comme une ville refuge se mêle l’immigration politique
des Italiens, des Espagnols, des Russes, des Grecs ou des Arméniens et les ouvriers coloniaux comme les
Kabyles. Certains auteurs surnomment alors la ville « carrefour des peuples » (J. Roth) ou le « port qui parle
vingt langues » (A. Londres) car Marseille apparait réellement comme un espace méditerranéen la société
cosmopolite reflète les liens étroits entre le port et la ville. Ainsi, dans les années 1920, ce port est toujours
synonyme d’aventure et de fuite vers l’inconnu. Ce sont ces connotations qu’exploitent « Les Cahiers du Sud »
de Jean Ballard qui allient poésie, rêve, aventure intellectuelle et expéditions maritimes afin de montrer la valeur
de Marseille dans la culture méditerranéenne.
Afin d’optimiser les réseaux dans lesquels est pris Marseille, les autorités tentent de développer le trafic
aérien pour renforcer le trafic maritime et ouvrir une nouvelle route vers l’Orient qui allie rapidité et efficacité
(1934 : aéroport de la Marignane).
B. Les années noires
La crise des années 1930, affectent le trafic portuaire pour plusieurs raisons. Certes la crise touche
l’industrie marseillaise et a fortiori les exportations, mais ce n’est pas le facteur principal des difficultés
connues par Marseille. Celles-ci proviennent de la mise en place de politiques protectionnistes dans de
nombreux pays méditerranéens en réaction à la déstabilisation des flux. C’est par exemple le cas de la Grande-
Bretagne qui se replie sur ses marchés dans lesquels elle exerce un monopole (Proche-Orient) ou de l’Italie qui
prône une politique d’autarcie. En conséquence, le trafic marseillais se replie lui aussi vers les colonies
françaises qui constituent un marché protégé qui atténue les effets de la crise exportation à 60% vers les
colonies, importations inférieures à 32%). En outre, les colonies offrent également un potentiel pour la
délocalisation des industries en particulier pour l’industrie des oléagineux. D’autre part, il y a une
restructuration de l’industrie marseillaise pour faire face à la concurrence au moment où la crise la prive de ses
principaux capitaux. Ainsi, en 1938, il ne reste plus qu’une entreprise sucrière.
A partir de 1942, le trafic est bloqué afin de couper Marseille des logiques réticulaires de la Méditerranée.
Cela vient du fait que le port constitue un point stratégique pour un potentiel débarquement des forces alliées
donc l’exclure des réseaux qu’elle entretient avec la France coloniale apparait comme une nécessité.
(Néanmoins, Marseille constitue un pôle de la résistance ce qui oblige les autorités à déclarer l’Etat de siège et,
en conséquence.)
Lors de la libération, le centre est détruit par des bombardements qui vont renforcer l’isolement du port
pendant des mois (deux-cents bateaux coulé, de nombreux hangars rasés,…). La désorganisation du trafic a
entrainé une baisse de la production, augmentant le chômage et affaiblissant le port.
C. Le temps des illusions
La reconstruction économique est lente à se faire à cause des bouleversements qui ont affecté les
transports (chemin de fer) ou renforcé leurs faiblesses (route). Dans ce contexte, le trafic maritime est le
moyen pour la véritable renaissance économique de Marseille. Ainsi, la réparation du port et le rôle
économique des colonies sont deux priorités pour la ville. La politique dirigiste de l’Etat qui s’attache à
réorganiser le port, s’accompagne d’une réorganisation de l’industrie dans la mesure les pouvoirs publics
prennent en main les concentrations d’entreprises.
Les compagnies marseillaises souffrent des répercussions économiques des différents conflits coloniaux
des années 1950 à l’instar de la guerre d’Indochine ou de la naissance de nationalismes dans les pays
d’Afrique. Or, ces faits conjoncturels sont en opposition à la reconstruction structurelle de Marseille qui se
fond sur le discours de l’Union française puisque la force de la ville est intrinsèquement liée à grandeur de la
France coloniale.
En effet, en 1956, les activités ainsi que la population marseillaises sont faces au choc de la
décolonisation que sont l’abandon de l’Indochine, l’indépendance octroyée à la Tunisie puis au Maroc ainsi
1 / 6 100%

Marseille de 1798 à 1956 Introduction Dans la suprématie

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !