Une stratégie de projet latéral dans l`acquisition d`autonomie des

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Vol. 4, no 2, automne 2000 Interactions
Une stratégie de mobilisation dans l’acquisition
de l’autonomie des équipes semi-autonomes
Louise Charette
Consultante
RÉSUMÉ
La mondialisation des marchés pousse les organisations et leurs dirigeants à trouver des
façons de faire mieux et à meilleurs coûts. L’organisation du travail étant une composante
importante de la flexibilité des entreprises, plusieurs d’entre elles essaient de
responsabiliser leurs ressources en rendant leurs équipes plus autonomes. Une façon
d’aborder ces transformations consiste à implanter de petits projets. Le Centre de Services
en Déficiences intellectuelles – Mauricie-Centre-du-Québec a vécu une telle approche à
travers laquelle l’auteure essaie de dégager les écueils et les facteurs de succès.
ABSTRACT
The globalization of the markets leads the organizations and their leaders to find the best
ways at best cost. The work process is an important part of the flexibility in the
organizations. Most of them try to make people responsible through the autonomy of
individuals and teams. A way to tackle these transformations consists in implementing little
projects. The Centre de Services en Déficiences intellectuelles – Mauricie-Centre-du-
Québec experimented this approach. The author try to enlighten difficult and elements of
success from this experience.
INTRODUCTION
Le contexte dans lequel baignent les organisations actuelles présente de nombreux
défis de gestion des ressources humaines. Pour s’adapter aux nouvelles réalités
concurrentielles, les gestionnaires d’entreprises doivent choisir des stratégies
pertinentes. Il est fréquent d’observer d’imposants remaniements organisationnels
dans les méthodes de production et dans les styles de gestion pour favoriser
l’ouverture à des marchés davantage élargis. L’une des stratégies d’adaptation, est
le choix du travail en équipe. L’implantation des ESA gagne en popularité auprès
des dirigeants. Cette solution semble répondre aux besoins d’efficacité
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organisationnelle ainsi qu’à celui de stimuler l’engagement et la prise en charge
responsable des employés.
L’acquisition d’autonomie dans les équipes de travail représente une tâche
difficile pour les membres des équipes, les membres de la direction et les
représentants des travailleurs. Les membres des équipes doivent se mobiliser pour
atteindre des objectifs d’équipe liés aux buts généraux de leur organisation. La
motivation des ressources humaines joue un rôle important dans l’atteinte de
l’autonomie et dans le succès du changement organisationnel.
Cet article tente une brève analyse d’une intervention de changement
organisationnel. Le cas vécu d’une organisation publique, le Centre de Services en
Déficience Intellectuelle – Mauricie-Centre-du-Québec (CSDI/MCQ), permet de
tirer quelques observations intéressantes. Le CSDI/MCQ a utilisé l’introduction de
petits projets “ mous ” comme stratégie de mobilisation face au changement.
En premier lieu nous effectuons une description de quelques notions théoriques.
Deuxièmement, nous décrivons la démarche vécu au CSDI/MCQ. La troisième
partie de cet article décrit la méthode de cueillette des données. Ces informations
recueillies sur l’expérience du CSDI/MCQ permettent, en quatrième lieu, de
dégager les effets ressentis par les membres des équipes. Enfin, une brève
discussion en lien avec la stratégie utilisée par le CSDI/MCQ complète cet article.
QUELQUES NOTIONS THÉORIQUES
Cette section présente de brèves définitions des équipes traditionnelles et semi-
autonomes, de la notion d’acquisition de l’autonomie et de projet “ mou ”.
Équipes traditionnelles
Il existe plusieurs types d’équipes dont les équipes traditionnelles. Celles-ci
présentent généralement un mode structurel hiérarchisé. Ce mode convient peu à
une responsabilisation accrue des employés. Leur niveau d’autonomie est à peu
près nul puisque toutes les décisions sont prises sans consultation par le
superviseur et que les membres des équipes sont confinés à un rôle d’exécutant
(Roy et al., 1998). Les équipes traditionnelles s’inspirent des principes de
l’organisation scientifique du travail, où les contacts sont restreints et les membres
ont peu de pouvoir décisionnel sur leur travail. Malgré d’indéniables avantages, le
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modèle traditionnel (bureaucratique) comporte des inconvénients qui finissent par
faire de sa structure un objectif plutôt qu’un moyen pour satisfaire les clients et
assurer le développement des ressources humaines (Beaudoin, 1995).
Équipes semi-autonomes (ESA)
Historiquement, en Amérique du Nord, les équipes de travail semi-autonomes ont
commencé à prendre un sens avec les recherches d’Elton Mayo. Il a mis en
évidence le sentiment d’appartenance comme source de motivation supérieure
pour les travailleuses. Ces recherches ont consisté à isoler des groupes d’ouvrières
afin de vérifier l’effet de changements liés aux conditions de travail. Le postulat
de base était qu’en améliorant les conditions de travail, les ouvrières seraient plus
productives et qu’en les empirant, la production baisserait. À la grande surprise
des chercheurs, même en rendant les conditions de travail plus difficiles, les
ouvrières continuaient de produire au-delà de ce qui était demandé dans certains
cas. Ils ont découvert que le sentiment d’appartenance et les normes de production
choisies par les membres de l’équipe avaient une plus grande importance que les
conditions de travail elles-mêmes. Le fait que la direction de l’entreprise prenait
en considération les dires des personnes et qu’on les écoutait réellement changeait
le climat de travail et induisait une plus grande motivation, donc une meilleure
production. En effet, plus tard, on a nommé ce phénomène “ l’effet Hawthorne ”.
Presque par erreur, en raison de la prise en considération des ouvrières participant
à la recherche, l’ancêtre de l’empowerment venait de voir le jour.
Les équipes de travail sont souvent abordées sous l’angle de la psychologie du
groupe restreint faisant référence principalement à l’étude de la dynamique des
groupes restreints développée par Lewin et ses collaborateurs. Pour les besoins du
présent article, nous retenons la théorie du groupe optimal de St-Arnaud (1989)
parce qu’elle fait l’objet d’un consensus relatif sur la question. Le groupe restreint
se définit comme étant un champ psychologique produit par l’interaction de trois
personnes ou plus, réunies en situation de face à face dans la recherche, la
définition ou la poursuite d’une cible commune; il y a interaction de chacune de
ces personnes avec cette cible commune, et interaction des personnes entre elles
(St-Arnaud, 1989). Cette définition des groupes restreints pose les bases pour
définir l’équipe semi-autonome, mais il faut aller plus loin dans les conceptions de
l’équipe et de l’autonomie.
À la différence du groupe restreint, l’équipe inclut la notion de pérennité et selon
Mucchielli (1976) de multidisciplinarité. L’équipe se retrouve de façon régulière
en situation de groupe restreint lorsque les membres ressentent le besoin de
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partager les informations nécessaires à leur fonctionnement. La notion de
pérennité se manifeste lorsque l’équipe continue de vivre dans le champ
perceptuel des personnes en dehors des rencontres formelles. Les objectifs
poursuivis globalement vont au-delà de la cible commune lors du rassemblement
des membres. De plus, cela signifie qu’il n’y a pas de temps fixe de début et de fin
pour l’existence de l’équipe.
Les ESA décident en permanence de ce qui touche leur fonctionnement en regard
d’une partie ou de l’ensemble du processus. Leurs responsabilités consistent non
seulement à exécuter des fonctions dans l’atteinte des buts de l’équipe mais
également à planifier et à organiser leur démarche en fonction des buts
organisationnels. Leur autonomie décisionnelle se trouve agrandie sur plusieurs
aspects de leur travail. Néanmoins, cette prise en charge de responsabilité se fait à
l’intérieur de certaines balises dont, par exemple, la mission, les orientations de
l’organisation, celles du service auquel appartient l’équipe. Les ESA ont une durée
indéterminée et leur niveau “ décisionnel ” concerne les activités quotidiennes. Par
exemple, l’équipe est en mesure de déterminer son niveau de production, de gérer
les budgets afférents et d’autres champs de responsabilités lui permettant d’être
relativement autonome dans son fonctionnement.
Selon Roy et al. (1998), les ESA disposent d’un haut degré d’autodétermination
de la gestion des activités courantes (voir figure 1). C'est le cas, par exemple,
lorsqu’une équipe est en mesure de déterminer son niveau de production, de gérer
les budgets afférents et d’autres champs de responsabilités lui permettant d’être
relativement autonome dans son fonctionnement. Les membres travaillent de
manière interdépendante au lieu d’être simplement juxtaposés les uns aux autres
puisqu’ils partagent la responsabilité de ce qu’ils font. La supervision n’est plus un
contrôle ” mais un “ support ”. Le support à l’équipe s’effectue sous forme de
coaching ” en posant les questions nécessaires à la réflexion dans le but d’aider
l’équipe à prendre les décisions les plus adaptées au lieu que ce soit le cadre qui
les prennent. L’équipe semi-autonome a le pouvoir de prendre des décisions
habituellement réservées aux cadres dans les organisations traditionnelles.
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Figure 1 : Degré d’autonomie dans les équipes
Roy et al.. (1998)
Le mot “ équipe ” est retenu plutôt que “ groupe ” en raison de “ l’esprit de corps ”
(interdépendance) sous-entendu dans la notion d’équipe. Le concept d’équipe
sous-tend aussi une relative permanence (pérennité) étant une entité dans une
“institution”.
Nous retenons dans le contexte présent qu’une équipe semi-autonome, réfère à:
Un mode d’organisation du travail où des employés sont collectivement
responsables, en permanence, d’une séquence complète de travail dans un
processus de production d’un bien ou d’un service destiné à des clients internes ou
externes. Les équipes sont imputables de leurs résultats et les membres de l’équipe
assument, à l’intérieur de certaines limites, des fonctions de gestion en plus
d’accomplir leurs tâches de production (Roy et al.., 1998).
Acquisition de l’autonomie
Il serait illusoire de croire que l’on peut passer radicalement de l’équipe
traditionnelle à l’équipe semi-autonome sans casser bien des pots. Dans bien des
situations, une démarche de changement par étapes est souhaitable.
Le choix de faire vivre des projets aux équipes sur le chemin de l’autonomie
s’avère intéressant puisque le pouvoir décisionnel se développe avec l’ensemble
Faible Élevé
Niveau
Équipe
traditionnelle Groupe
d’amélioration Groupe
de projet Équipe
semi-autonome
Exécute Recommande Décide
ponctuellement Décide en
permanence
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