Antibiothérapie. Pharmacocinétique et efficacité

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Antibiothérapie : pharmacocinétique et efficacité - C. AUBOYER
ANTIBIOTHERAPIE :
PHARMACOCINETIQUE ET EFFICACITE
C. AUBOYER
DŽpartement dÕAnesthŽsie RŽanimation - H™pital NORD 42055 ST ETIENNE CEDEX 2
DŽcider dÕune antibiothŽrapie, cÕest diagnostiquer ou supposer une infection au niveau dÕun site
localisŽ ou non, en connaissance ou non de lÕagent responsable. Le traitement sera ainsi plus ou
moins orientŽ. Souvent, face ˆ un m•me germe, y compris en possession de lÕantibiogramme, le
thŽrapeute a plusieurs choix possibles en fonction de la CMI, du cožt, de la toxicitŽ, de la
souhaitable alternance entre les molŽcules. Un bon choix ne garantit pourtant pas une efficacitŽ
thŽrapeutique. En effet, le ou les produits choisis doivent •tre prŽsents avec un taux et un temps de
contact suffisant au site de lÕinfection. En outre, on doit Žviter lÕapparition dÕune toxicitŽ secondaire
ˆ une accumulation excessive.
La connaissance de la pharmacocinŽtique du produit est donc nŽcessaire pour assurer le succ•s
thŽrapeutique.
Elle sÕidentifie par plusieurs crit•res essentiels:
- Cmax soit le pic sŽrique apr•s lÕadministration dÕune dose.
- le taux rŽsiduel avant lÕinjection suivante
- la demi-vie dÕŽlimination
- le volume de distribution apparent
- la fraction liŽe aux protŽines
- la clairance rŽnale et non rŽnale dÕŽlimination du produit.
- lÕaire sous la courbe
Ces param•tres attachŽs ˆ un antibiotique donnŽ, sont souvent issu dÕŽtudes faites chez le sujet
sain ou chez des patients en Žtat stable. Chez le patient de rŽanimation, ils sont souvent
considŽrablement modifiŽs et pas toujours de mani•re prŽvisible. Des adaptations peuvent donc
•tre nŽcessaires aussi bien pour conserver une efficacitŽ quÕŽviter une toxicitŽ.
La connaissance de ces param•tres et de la CMI du germe permet dÕaborder la notion de quotient
inhibiteur (Tx/CMI) et plus rŽcemment dÕAUIC (Aire sous la courbe/CMI) facteurs essentiel
dÕefficacitŽ.
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Textes des Communications
A/ - PARAMETRES PHARMACOCINETIQUES
1°/ C Max :
Elle correspond ˆ la concentration sŽrique maximale obtenue en gŽnŽral 15 ˆ 20 minutes apr•s une
injection en bolus. Elle dŽpend de la dose administrŽe, de son mode dÕadministration (IV bolus, IV
perfusion, IM, per-os), du volume de distribution, du taux rŽsiduel prŽcŽdent. Le pic ainsi obtenu
joue un r™le plus ou moins important selon le mode dÕaction de la molŽcule. CÕest le cas en
particulier pour les antibiotiques agissant selon un effet dose-dŽpendant (aminosides).
2°/ TAUX RESIDUEL :
Le taux avant lÕinjection suivante est un ŽlŽment de la toxicitŽ dÕun produit puisquÕil est un bon reflet
de lÕaccumulation tissulaire. Un compromis doit •tre trouvŽ entre un taux suffisant pour maintenir
une efficacitŽ sans pour autant risquer un taux tissulaire toxique (aminosides). De plus, le maintien
prolongŽ dÕun taux rŽsiduel trop bas, proche ou infŽrieur ˆ la CMI facilite lÕacquisition de rŽsistances.
Le taux rŽsiduel doit permettre de dŽcider du moment de la rŽinjection suivante, donc de la
frŽquence des injections. Avec certains produits, il correspond au taux constant obtenu lors de
perfusions continues, modalitŽ qui peut •tre choisie avec des produits dont lÕaction est plut™t tempsdŽpendant (cŽphalosporines, glycopeptides).
3°/ DEMI-VIE D’ELIMINATION
Elle est soumise, selon lÕŽtat des patients, ˆ des variations importantes pour un m•me produit. Ainsi,
pour la gentamycine, alors quÕelle est de 1,3 ˆ 3,5 h pour des sujets ˆ fonction rŽnale normale elle
peut chez des patients de rŽanimation sÕŽtendre de 0,4 ˆ 13,4 h malgrŽ une crŽatinine sŽrique
normale. En effet, la crŽatinine, souvent utilisŽe comme crit•re de choix de la posologie est
influencŽe par lÕ‰ge, la masse musculaire et lÕŽtat nutritionnel. Elle ne prend pas en compte les
variations du volume de distribution.
Des variations importantes de la demi-vie peuvent Žgalement sÕobserver avec les cŽphalosporines
(1,6 ˆ 5,2 h pour la ceftazidime chez les malades ventilŽs contre 1,6 ˆ 2 h chez des volontaires
sains.
4°/ VOLUME DE DISTRIBUTION :
Il est aussi tr•s variable chez les patients de rŽanimation (sŽquestration hydrique, oed•me). Pour
la gentamycine, chez des patients chirurgicaux, il peut varier de 0,06 ˆ 0,63 l/Kg alors que les
valeurs Ç normales Ç sont de 0,20-0,25 l/Kg. Il est en gŽnŽral accru ce qui conduit ˆ une sousestimation des doses nŽcessaires.
5°/ LIAISON AUX PROTEINES.
La fraction non liŽe aux protŽines peut •tre considŽrŽe comme la partie active. La fixation aux
protŽines affecte aussi la distribution extravasculaire de lÕantibiotique. LÕinterprŽtation peut en •tre
variable. Un taux faible de liaison aux protŽines permet une Žlimination plus rapide mais une
pŽnŽtration plus grande dans le L.C.R. Un taux ŽlevŽ de liaison aux protŽines rŽduit la diffusion
dans le LCR, peut permettre une fixation tissulaire plus importante (toxicitŽ) et diminue la fraction
libre active. Il peut, ˆ lÕinverse, permettre une action plus prolongŽe. Des variations de lÕalbuminŽmie
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vont modifier la pharmacocinŽtique des produits ˆ fortes liaisons (cŽphalosporines). Les
antibiotiques ˆ faible taux de liaison (aminosides < 10 %) sont au contraire peu influencŽs par les
variations de lÕalbumine.
6°/ CLAIRANCE RENALES ET EXTRARENALES.
Le rein et le foie assurent lÕessentiel de lÕŽlimination des antibiotiques. La clairance hŽpatique peut
•tre assimilŽe ˆ la diffŽrence entre la clairance plasmatique totale et la clairance rŽnale. Selon les
produits, la clairance peut •tre prŽfŽrentiellement hŽpatique (ceftriaxone, pefloxacine) ou rŽnale
(aminosides, ofloxacine).
La fonction rŽnale est souvent altŽrŽe chez les patients de rŽanimation. La fonction hŽpatique est
Žgalement frŽquemment modifiŽe ainsi que les dŽbits sanguins intra-hŽpatiques. Son Žvaluation est
encore plus imprŽcise que la fonction rŽnale. Ces donnŽes doivent •tre pris en compte dans les
posologies administrŽes.
7°/ AIRE SOUS LA COURBE DU TAUX SERIQUE
Elle est le rŽsultat des variations des diffŽrents param•tres qui viennent dÕ•tre citŽs, et dont on a vu
quÕils sont tr•s intriquŽs pour dŽfinir, selon le produit et lÕŽtat du patient, les doses et leur
espacement. Un accroissement de lÕaire sur la courbe traduit une majoration de la prŽsence de
lÕantibiotique dans le sŽrum qui peut •tre dž soit ˆ des taux plus ŽlevŽs au pic, soit ˆ une Žlimination
plus lente. LÕaire sous la courbe dans le sŽrum, nÕest pas forcŽment corrŽlŽe ˆ la cinŽtique
observable au site de lÕinfection.
8°/ CONCENTRATION TISSULAIRE.
CÕest une donnŽe importante qui va dŽpendre de la nature du produit, de la liaison aux protŽines
sŽrique et tissulaire, et du volume de distribution lui m•me dŽpendant entre autres de multiples
facteurs (oed•me, inflammation,...). La connaissance thŽorique de la concentration tissulaire dÕun
produit est utile dans son choix en fonction du site de lÕinfection (LCR, prostate, poumon,...)
Le taux de lÕantibiotique, dans le sŽrum et/ou les tissus doit •tre corrŽlŽ ˆ la CMI du germe afin de
faire un choix qui garantisse une efficacitŽ. CÕest ici quÕintervient la notion de quotient inhibiteur et
dÕAUIC.
9°/ LE QUOTIENT INHIBITEUR (QI)
CÕest le rapport entre taux/CMI. Il doit au moins •tre Žgal ˆ 4 pendant la plus grande partie du
temps, et pas seulement au pic. Un quotient inhibiteur insuffisant est la source dÕŽchec et expose ˆ
lÕacquisition de rŽsistance. Pour les antibiotiques fortement liŽs aux protŽines, il doit •tre supŽrieur
puisque seul la fraction libre est active. Un QI sŽrique satisfaisant nÕest pas forcŽment suffisant au
niveau tissulaire.
10°/ L’AUIC.
Notion introduite par Schentag, cÕest le rapport entre aire sous la courbe/CMI. cette donnŽe traduit
mieux la persistance dÕun quotient inhibiteur suffisant pendant lÕintervalle entre 2 injections. Dans
des infections graves, traitŽes par de la ciprofloxacine, une AUIC > 125 permet une amŽlioration
des rŽsultats, entre 125 et 250 lÕŽradication se fait en 6,6 j et au delˆ de 250 en 1,9 j.
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Textes des Communications
B/ CONSEQUENCES CLINIQUES.
Ces diffŽrentes donnŽes pharmacocinŽtiques corrŽlŽes ˆ la CMI sont essentielles ˆ lÕefficacitŽ
thŽrapeutique tout en rŽduisant lÕapparition de rŽsistances et la toxicitŽ.
Pour les antibiotiques dose-dŽpendant (aminosides), il a ŽtŽ bien dŽmontrŽ que lÕobtention dÕun pic
efficace dŽs les premi•res doses amŽliore les rŽsultats. Cela incite ˆ lÕutilisation des aminosides en
dose unique journali•re. Au contraire, pour les antibiotiques temps dŽpendant (Betalactamines,
glycopeptides) sera priviliŽgiŽe une rŽduction des intervalles dÕadministration, voire une
administration continue pour sÕassurer dÕun taux rŽsiduel ŽlevŽ.
En rŽanimation et en phase postopŽratoire, les donnŽes pharmacocinŽtiques gŽnŽrales sont
souvent mise en dŽfaut et peuvent nŽcessiter une adaptation posologique ˆ lÕaide de dosages
dÕantibiotiques au pic et ˆ la vallŽe. Ils sÕav•rent constamment nŽcessaires avec les produits ayant
une marge thŽrapeutique-efficacitŽ Žtroite et un risque toxique ŽlevŽ (aminosides, glycopeptiques).
Ils sont souvent utiles avec les autres classes dÕantibiotiques (betalactamines, quinolones) dans les
infections sŽv•res, chez des patients ayant des altŽrations des fonctions rŽnales et hŽpatiques, et
lors dÕadministration prolongŽe.
CONCLUSION :
Une bonne connaissance gŽnŽrale, avec une apprŽciation individuelle, de la pharmacocinŽtique
des antibiotiques est un facteur indispensable de lÕefficacitŽ thŽrapeutique. Un bon produit, y
compris pour un germe isolŽ, peut sÕavŽrer inefficace, dans les infections sŽv•res sÕil nÕest pas
administrŽ en tenant compte de ces param•tres. Le risque dÕacquisition de rŽsistance peut •tre
augmentŽ pour des taux trop longtemps insuffisants. Au contraire, LÕaccumulation est possible
conduisant ˆ un risque toxique.
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BIBLIOGRAPHIE
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VARIATION DE PHARMACOCINETIQUE
avec créatinine normale
T
Gentamycine
Ceftazidime
1/2
T
1/2
Vd
Vd
norm (h)
RŽa (h)
norm (l/kg)
RŽa (l/kg)
1.3-3.5
0.4-13.5
0.2
0.34
1.6
1.6-5.2
d'apr•s Van Dalen, Int. Care. Med. 1990
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