Le texte de Claude Dubar Comment en sommes-nous arrivés

Le texte de Claude Dubar Comment en sommes-nous arrivés-là ? correspond à une analyse
historique précise. Le problème est dans le diagnostic final : plusieurs raisons sont évoquées
qu'il faut discuter une à une.
1)" nous en sommes là" par impossibilité de définition de ce que doit être la recherche en
sociologie et de ce que doit être la publication sociologique qui en découle. C'est évident que
nous n'avons pas d'accord sur ce point avec le courant maffesolien et ses alliés mais je n'ai
pas remarqué qu'il y ait divergence entre les autres courants. Toutes les revues importantes
de la sociologie sont dans la liste ANR qui détermine le périmètre scientifique de la
sociologie. Il y a accord sur les recherches et par exemple (c'est un observatoire
intéressant), trouve-t-on dans les 1200 résumés des communication au dernier congrès de
l'AFS des choses qui iraient à l'encontre de ce qui doit se faire ? L'accord existe, sauf avec
un courant.
2)" nous en sommes là" par impossibilité à édicter des règles, des sanctions et à les faire
appliquer. S'il s'agit des pratiques de Maffesoli en matière de thèses, il ne peut s'agir que
d'une réprobation collective, et nous l'avons fait. Quelle discipline, en dehors de la
sociologie, a jamais sanctionné la pratique des thèses au rabais, sinon par la réprobation
morale ? Pour ce qui est du plagiat, on sait bien que l'action peut se faire par le jeu de la
persévérance et de l'utilisation de la législation en place, mais ce n'est pas spécifique à la
sociologie.
3) Contre l'essayisme mondain, nul n'empêchera qui que ce soit de vouloir jouer dans ce
registre, mais notons qu'il n'y a pas de solution de continuité entre la prise de parole
publique, la participation à des commissions officielles, le livre pour le grand public, et l'essai
mondain : qui n'a jamais envoyé un texte à un journal jette la première pierre. Par contre,
c'est au plan de la carrière que nous pouvons agir, quand l'essayiste ne produit que cela, et
prétend que c'est de la socio. Il en est de même pour les fabricants de seuls manuels et l'on
comprend que les deux rôles se soient associés contre le courant principal de la discipline.
C'est la collusion du pouvoir politique en place et de ces courants, ajoutée aux erreurs
syndicales qui nous a conduit là : du côté des syndicats, la prise de conscience a été faite et
je pense qu'il devrait être possible pour le prochain CNU de mettre au point une liste unique
soutenue par les syndicats et les associations, manière de faire qui marquera la sortie de la
crise.
4) Pour le recrutement local, la situation actuelle y conduira toujours. Par situation actuelle,
j'entends le fait que nous fassions un enseignement de masse de sociologie à un public qui a
choisi la sociologie par défaut. En premier cycle, cet enseignement serait bien mieux fait par
des titulaires d'un Capes de sciences économiques et sociales. Si le recrutement d'EC se
faisait sur la base du second cycle, les problèmes d'enseignements perdraient de leur
importance et le localisme serait moindre car la recherche serait fondamentale.
Serait-ce scier la branche de notre recrutement ? Des mauvais recrutements certainement
mais le cœur d'une discipline, c'est la recherche ; l'enseignement n'est qu'une conséquence
et il faut donc inverser le phénomène pour le recrutement se fasse réellement sur le critère
de la recherche. Pour cela il faut s'attaquer aux causes, le premier cycle et son
enseignement hypertrophié en particulier par ses contraintes administratives qui exigent des
EC localement compétents.
Je voudrais conclure par le sentiment de malaise que je ressens dans des prises de
positions (qui ne sont pas celles de Claude Dubar), qui s'attaquent nommément à des
personnes pour les fustiger. Sauf cas exceptionnel, nous n'avons comme arme pour nous
attaquer à certaines pratiques que la réprobation , mais la réprobation est une sanction et
toute sanction doit suivre les règles classiques d'une justice civilisée.
- la sanction ne peut être infligée par un individu qui s'instaure procureur : elle doit l'être
collectivement après délibération,
- elle doit être proportionnée à la faute.
Enfin, il faut bien être conscient qu'une communauté quelconque ne peut vivre sans ce que,
dans l'humanisme civique, on appelle un vouloir vivre ensemble, c'est à dire une posture
politique au sens profond du terme qui fait que l'on entreprend volontairement des choses
pour que le groupe fonctionne. L'exemple des guerres civiles manifeste que les conflits
idéologiques sont souvent l'occasion de faire exactement le contraire, c'est à dire de faire
des choses dont on sera sûr qu'elles auront un effet négatif sur le collectif : fustiger à tour de
bras est un de ces gestes. La réprobation est parfois nécessaire mais c'est de la dynamite à
manier avec précaution : il ne faut pas se laisser aller à vouloir tirer sur le gibier qui passe à
portée dans le geste du chasseur qui depuis les temps préhistoriques fait partie de nous
tous.
Philippe Cibois
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