Intervention Pascale Debord SRDEII

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Jeudi 15 décembre 2016
Intervention Schéma Régional de développement économique
d’internationalisation et d’innovation
Monsieur le Président, cher-e-s collègues,
Nous sommes consternés et quelque peu sceptiques. Consternés devant une
stratégie de développement économique, aux objectifs désespérément englués
dans les vieilles lunes du XXe siècle, et très en deçà des enjeux et des risques
d’aujourd’hui.
Croissance, compétitivité, performance, rapidité… Un schéma de
développement économique qui nous rabâche le mantra d’une idéologie
capitaliste libérale, de toute évidence perçue comme seule planche de salut
pour les habitantes et les habitants de notre région.
Monsieur le Président, chers collègues, soyons lucides ! Les mêmes causes
produisent les mêmes effets et la crise que vous évoquez à plusieurs reprises
dans le document est avant tout la crise de ce même modèle productiviste
libéral, qui nous conduit dans une impasse.
La planète brûle ! Ayons l’humilité de le reconnaître : le modèle de
développement sur lequel les économistes des Trente Glorieuses ont cru
pouvoir fonder notre prospérité est aujourd’hui dépassé, comme nous le
montrent la raréfaction des énergies fossiles, le dérèglement climatique,
l’érosion de la biodiversité, mais aussi simultanément les problèmes de santé
liés à notre mode de vie, l’enracinement du chômage, la hausse des inégalités,
le délitement du lien social, la persistance de la pauvreté au sein même des
sociétés dites « développées
Et lorsque vous parlez dans le SRDEii, de manière extrêmement réductrice,
extrêment provocatrice,d'un « discours écologiste culpabilisant », sachez que le
Groupe Ecologiste et Citoyen ne se sent nullement concerné par ce jugement
de valeur. Mais vous conviendrez que ce n’est pas avec les recettes d’hier que
nous développerons un projet de société d’avenir, porteur de sens et d’espoir.
L'écologie, ce n'est définitivement pas cette croissance-là, quand bien même
vous la repeindriez en vert.
Comme à l'accoutumée, vous nous reprocherez d'être moralistes, de vous
donner des leçons, quitte à répondre à côté de nos questions et de nos
arguments. D'avance, je vous répondrai que nous avons simplement le mérite
de la lucidité.
Etre lucide, c’est par exemple reconnaître, chiffrer et préserver les nombreux
services écosystémiques rendus par la planète : on évalue à l’échelle
internationale à plus de 40 milliards de dollars les services rendus
«gratuitement » par la nature.
Etre lucide, c’est reconnaître que les transitions agricoles et énergétiques, les
échanges de proximité, l’économie collaborative et de fonctionnalité,
l’économie sociale et solidaire, l’économie circulaire sont les pierres angulaires
d’un nouveau modèle économique déjà en gestation, créateur de bien-être et
d’épanouissement, en ralentissant drastiquement les prélèvements sauvages
sur les ressources naturelles, prélèvements qui se font souvent au détriment
des peuples résidant sur ces terres qui en sont ainsi dépossédés.
Etre lucide serait un atout, être audacieux serait un plus. Mais pour être
audacieux, il faudrait abandonner enfin le dogme de la croissance et de la
concurrence à tout prix, pour aller vers plus de coopération, d’ouverture et de
solidarité.
Il faudrait abandonner enfin le modèle de l’économie capitaliste au service des
grands intérêts financiers, du libéralisme qui favorise d'énormes profits au
bénéfice de quelques-uns, pour choisir une économie humaine, au service des
territoires et des besoins de ses habitants, respectueuse des salarié-e-s qui
créent de la richesse, une économie décarbonée qui répond à l'urgence
environnementale, tout en préservant durablement nos activités sur notre
territoire.
Malheureusement, votre stratégie économique n'en prend pas le chemin et
marque même plusieurs reculs :
Premier recul : l’abandon de la charte de conditionnalité des aides et des
contrats de progrès, qui signifie la fin de la conditionnalité des aides aux
entreprises à des critères sociaux, environnementaux et démocratiques. C’était
une belle avancée du précédent mandat, obtenue à l’issue d’un travail de
longue haleine, et dont les écologistes étaient entièrement partie prenante. A
la place, il est demandé aux entreprises d’être des ambassadeurs de la Région….
Vous parlez de volontariat, là où il faudrait du contrat de bonnes pratiques
entre la Région et l'entreprise, en termes de RSE, et au regard de notre
environnement . Or conditionner toutes les aides publiques au mieux-disant
social et environnemental, à l’impératif de démocratie sociale, renforcerait les
acteurs de l’économie sociale et solidaire, les petites et moyennes entreprises,
et préserverait notre territoire.
Sur l’international : rien sur la coopération décentralisée, sur les
échanges « gagnant-gagnant". Certes on organise la prospection, on
cherche des partenaires, on cible les entreprises et les marchés porteurs,
tout cela est bel et bon. Mais, sauf erreur, aucune mention dans ce
Schéma d'un objectif d'évaluation de l'efficience des dispositifs mis en
oeuvre à l'international. Pour une majorité qui dit se soucier de
l'utilisation de l'argent public, cette absence d'outils de mesure pourrait
peser lourd au moment des bilans.
Le secteur de la santé, qui apparaît pour la majorité comme
« l’industrie de la santé » est lui aussi soumis à l’impératif de croissance !
j'espère qu'il s'agit de la nécessité de répondre à la croissance
démographique. Pas un mot sur le bien-être des patients, sur la
prévention…
Evidemment, l'effort global porte sur les routes, plus de routes,
encore plus de routes, là où il faudrait préserver les terres agricoles dont
on sait désormais qu'elles seront précieuses aux générations futures.
Vous profitez de cet effort pour projeter le comblement de la vasière de
Méan, non seulement inutile mais totalement destructeur pour
l'environnement et les ressources estuariennes.
Pas un mot sur les métiers verts, les compétences vertes : quid de
tout le travail effectué par la précédente majorité sur les métiers et
formations de demain ?
L’économie de proximité, l’économie circulaire, l’économie
collaborative… sont réduits à peau de chagrin. Pas d’ambition, pas de
priorisation.
Quant à la jeunesse, votre Schéma s'acharne à juxtaposer jeunesse
et demandeurs d'emploi, sans jamais considérer la jeunesse comme un
apport en énergie, en créativité, voire en création de richesse et de lien
social. En revanche, on sait brandir la bonne formation courte, forcément
courte, qui répondrait directement à un besoin de main d'oeuvre, sans
mettre l'accent sur la nécessité de fournir à nos jeunes une capacité à se
former tout au long de leur vie. Ne sont sans doute pas concernés les
jeunes qui, grâce à leur naissance, ont le choix des bonnes écoles, des
bons réseaux, des bonnes professions rémunératrices.
Rien sur le lien entre éthique et numérique, pourtant c’est le rôle
de la puissance publique. J'en profite pour attirer votre attention sur le
mythe prométhéen du tout numérique, de l'objet connecté, de cette
modernité qui serait à saisir. Si elle vise à remplacer le pillage des
ressources naturelles par de nouveaux matériaux, à niveau énergétique
équivalent, c'est parfait. Si elle vise à remplacer, partout où c'est
possible, l'humain par le robot, c'est une grave erreur de prospective,
puisqu'elle utiliserait l'argent public pour appauvrir le tissu salarial,
générer du chômage et du désespoir, nécessitant ensuite d'autre argent
public pour lutter contre les pauvretés ainsi créées. Ce modèle
économique n'est décidément pas le nôtre.
Malgré une très large concertation que nous saluons, consternés mais pas
abattus, et très sceptiques sur les éventuels résultats, que nous nous
abstiendrons sur ce SRDEII.
Je vous remercie.
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