LES ACCIDENTS DE DECOMPRESSION: PHYSIOPATHOLOGIE, TRAITEMENT MEDICAMENTEUX. Physiopathologie des accidents de décompression J.-L. MELIET Ecole d’application du service de santé des armées 1, place Alphonse Laveran, 75230 Paris Cedex 5 Tél. 01 40 51 43 72. Fax 01 40 51 47 38. e-mail : [email protected] Traitement médicamenteux de l'accident et de la maladie de décompression. I. ROUQUETTE- VINCENTI Service d'Anesthésie- Réanimation H.I.A. Val de Grâce, 34 Bd Port Royal, 75005 PARIS. Tel: 01.40.51.45.09. Fax: 01.40.51.45.08. email: [email protected] Plan. I- PHYSIOPATHOLOGIE DE L'ACCIDENT DE DECOMPRESSION. I- 1- L'accident bullaire initial. I- 2- La maladie de décompression. Interaction bulles paroi: Au niveau de la membrane basale. Activation des cellules endothéliales. Interaction bulles plasma. Interaction avec les éléments figurés du sang. Les plaquettes. Les leucocytes. Les hématies. Mise en jeu du système immmunitaire. I- 3- Les conséquences microcirculatoires. Au niveau pulmonaire. Au niveau systémique. II- LE TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE. II- 1- Position. II- 2- Oxygénothérapie. II- 3- Remplissage vasculaire. Réhydratation IV. Réhydratation orale. II- 4- Lutte contre l'hypothermie. III- LE TRAITEMENT PHYSIOPATHOLOGIQUE. III- 1- Glucocorticoïdes et A.I.N.S. Glucocorticoïdes. A.I.N.S. Voie du complément. III- 2- Antiagrégants et anticoagulants. III- 3- Lidocaïne. III- 4- Vasodilatateur. III- 5- Agents tensioactifs. III- 6- Anti ischémiques. IV- CONCLUSION. On sait depuis Paul Bert (1878) que les manifestations pathologiques qui surviennent à l'issue d'un séjour en pression sont dues à la présence de bulles qui, embolisant le réseau vasculaire, sont à l’origine d’ischémies le plus souvent neurologiques. En 1961, Laborit et Barthélémy décrivaient les manifestations biologiques accompagnant ces accidents (amas plaquettaires, thromboses, vaso-constriction, stase circulatoire, extravasation, œdèmes interstitiels), qui constituent la maladie de la décompression (1). L’accident de décompression (ADD)comporte deux versants : l’accident bullaire initial et la maladie de la décompression (MDD). I- 1. L’accident bullaire initial Sous pression, l'azote de l'air se dissout dans les liquides de l'organisme. Non métabolisé, il doit être restitué à l'atmosphère lors du retour à la pression normale. Cette désaturation de l’organisme n'est pas instantanée. Elle suit une loi exponentielle (Haldane, 1908) telle que la désaturation complète de l’organisme n’est atteinte qu’en 12 heures environ. Des tables de plongée, maintenant calculées en continu par des ordinateurs portables, donnent en fonction du temps passé aux différentes profondeurs la durée de remontée et les temps d'arrêt à respecter à chaque palier. Le non-respect de cette cinétique expose au développement de bulles dans certains tissus et dans le réseau veineux qui les draine. Leur taille, mesurée par échographie, va de 10 à 500 µm de diamètre. Il existe des bulles extravasculaires et des bulles intravasculaires, circulantes ou non (2). Leurs effets, compressifs et hémodynamiques, apparaissent entre quelques minutes et quelques heures après l’émersion. Les effets compressifs sont surtout le fait des bulles extravasculaires. Ils s’observent au niveau : - de la peau, avec compressions irritatives des terminaisons nerveuses proprioceptives ; - des tendons, capsules articulaires et extrémités osseuses, sous la forme de douleurs périarticulaires (les "bends") en réponse à la distension mécanique ; - des liquides de l’oreille interne, avec destruction des structures sensorielles . Les bulles veineuses ,créant des ischiémies veineuses ,sont drainées vers les cavités droites du cœur et embolisent la circulation pulmonaire .avec hypertension artérielle pulmonaire et réduction du débit de l’artère pulmonaire. Ce ralentissement se répercute en amont dans le système azygos et lombaire ascendant, entraîne une stase veineuse des plexus lombaires, extra et périduraux. et est responsable des formes neurologiques médullaires (3),avec lésions étagées des faisceaux de la moelle .Les bulles artérielles présentes dans l’oreillette droite peuvent, à l’occasion d’une variation de pression intrathoracique, franchir le filtre pulmonaire ou un foramen ovale perméable et d’emboliser la circulation artérielle. créant des ischémies cérébrales, cochléovestibulaires ou médullaires cervicales. I- 2. La maladie de la décompression Les bulles sont ubiquitaires. Elles s'infiltrent dans les réseaux capillaires pulmonaires, d’où elles sont normalement éliminées, ou systémiques, où elles exercent leurs effets délétères. Elles sont en contact avec le contenu (plasma et éléments figurés) et le contenant (endothélium) I- 2.1. Interactions bulles – paroi I- 2.1.1. Au niveau de la lame basale Les bulles ont un effet abrasif sur l'endothélium (4), mettant à nu le collagène de la lame basale, dont les protéines (laminines, fibronectines, collagènes, facteur de von Willebrand) sont reconnues par des intégrines plaquettaires (glycoprotéines ), entraînant l’adhésion des plaquettes au sous-endothélium et leur activation. I- 2.1.2. Activation des cellules endothéliales Lorsqu’en raison de l’arrêt circulatoire les protéoglycans transmembranaires de la cellule endothéliale ne sont plus soumis au flux circulatoire, ou que ses récepteurs reconnaissent des molécules impliquées dans les processus de coagulation (thrombine) ou de l’inflammation (cytokines, IL-1, TNFα), la cellule endothéliale s’active et devient thrombogène. Elle exprime à sa surface le facteur V,et de nombreux facteurs procoagulants y compris le facteur de Willebrand , et le PAF (Platelet Activating Factor).Cette activation entraîne un déséquilibre dans la sécrétion des médiateurs de la vasomotricité. Lors de l’inflammation, ce déséquilibre est en faveur de la vasodilatation précapillaire Dans l’ischémie- reperfusion ce déséquilibre est inversé au profit des EDCF (Endothelium Dependent Contracting Factors) : prostaglandines, radicaux libres (anion superoxyde) et endothélines (ET-1, 2 et 3). Les ETont un pouvoir vasoconstricteur extrêmement élevé et une durée de vie de plusieurs minutes (vasospasmes de longue durée). Or, Le poumon semble être l’organe-clé dans la production d’ET-1 circulante (5),dont le rôle est évoqué dans le développement des lésions neurologiques de la moelle épinière après traumatisme et est établi dans l’hypertension artérielle pulmonaire de l’hypoxie. II- 2.2. Interactions bulles - plasma A l'interface gaz-bulle se produit un réarrangement des macromolécules entraînant une modification de l’équilibre des charges électriques, avec création d’une couche électronégative capable d’activer le système de contact : le facteur XII (facteur de Hagemann) s’adsorbe sur cette surface et active du facteur XI, du facteur VII (première étape de la coagulation), du plasminogène (précurseur de la plasmine, enzyme centrale de la fibrinolyse) et du système du complément. Des élévation de la concentration des fractions C3a, C4a et C5a ont été mesurées après bullage in vitro dans du sang complet et retrouvées in vivo.L’activation de ce système pré-coagulant rend disponible le facteurs VIIa qui,en présence de facteur tissulaire (normalement non exprimé à la surface vasculaire de l’endothélium), conduit à la fibrinoformation. I- 2.3. Interactions avec les éléments figurés du sang. I- 2.3.1. Les plaquettes. Des variations du taux de plaquettes circulantes ont été rapportées dès 1969 dans les phénomènes de décompression (6). L’activation débute lorsque la plaquette entre en contact avec la matrice sousendothéliale (vWF essentiellement), ou avec des activateurs solubles (thrombine, ADP, adrénaline, PAF, 5HT. Les glycoprotéines transmembranaires GPIIb-IIIa se lient au fibrinogène, permettant aux plaquettes d’agréger entre elles. Parallèlement, s’installe une activité procoagulante liée à l’expression du facteur tissulaire à la surface de la membrane. La dégranulation des granules denses libère de l’ADP. Ainsi se trouve constitué un système d’amplification et de transmission du message d’activation aux autres plaquettes.Un changement de conformation des phospholipides membranaires entraîne une grande affinité pour les facteurs vitamine K-dépendants de la coagulation.responsable de l’activation du facteur X et la conversion de prothrombine en thrombine(.qui active d’autres plaquettes), favorise la polymérisation de la fibrine et stimule la production de NO et de PGI2. I- 2.3.2. Les leucocytes Les leucocytes sont activés lors de la MDD au bout de 20 minutes Ils reçoivent des signaux des cellules endothéliales et des plaquettes (IL-1, IL-6, TNF-α) et des produits de l’activation plaquettaire (thrombine) ou du système de contact (bradykinine, complément).. Au cours de l’adhésion, l’ion superoxyde O2-•, qui initie la chaîne métabolique des radicaux libres de l’oxygène, est produit.De plus, les leucotriènes stimulent l’adhésion, le PAF élève la perméabilité vasculaire et stimule les leucocytes, O2-• produit par les cellules lésées augmente l’adhésion leucocytaire .Les neutrophiles vont migrer 3 heures après l'activation initiale du processus I- 2.3.3. Les hématies Des modifications de l’agrégabilité des hématies ont été observées lors d’accidents de décompression (7), avec formation de rouleaux d’hématies. Ce phénomène rhéologique intervient pour des raisons physiques (diminution de la pression de cisaillement), transformant le sang d’un quasi-liquide en un quasi solide, sans mécanisme biochimique spécifique identifié. Les macromolécules plasmatiques d’origine inflammatoires (α2 macroglobulines) et le fibrinogène participent à cette agrégabilité. I- 2.4. Mise en jeu du système immunitaire Le système du complément est activé par le système de contact (8).,ou directement par des immunoglobulines(C3) mais aussi du fait d’une inhibition du système de répression de l’activité du complément, contrôlé en partie par l’IL-6. I- 3. Conséquences microcirculatoires de la maladie de la décompression L’ensemble des phénomènes induits par la présence des bulles dans la circulation perturbe donc considérablement, lorsque les équilibres régulateurs sont déplacés, tous les échanges capillaires : gaz (O2, CO2, gaz inertes), eau, électrolytes, macromolécules, éléments figurés. Ces perturbations correspondent selon les cas : -à une réduction du débit capillaire, par constriction des fibres musculaires lisses artériolaires et précapillaires : il s’agit alors de phénomènes ischémiques, avec acidose, génération de radicaux libres lors de la reperfusion. Cette ischémie peut être à l’origine de nucléation in situ de molécules de gaz en sursaturation ; – à une constriction des fibres musculaires lisses postcapillaires secondaire à l’agression endothéliale. Dans ce cas, la diminution du débit entraîne une augmentation du temps de résidence et de la pression de filtration. Il apparaît donc un œdème, avec recrutement inflammatoire interstitiel. Ces phénomènes sont entretenus et aggravés par l’activation des plaquettes et l’instauration d’un état de pré-coagulation. Ils sont compliqués par le développement d’un état inflammatoire secondaire.Le résultat de cette maladie microcirculatoire diffère selon le type circulation: systémique ou la pulmonaire. I- 3.1. Au niveau pulmonaire Les bulles qui se forment pendant la décompression sont normalement éliminées par le poumon (9).mais la MDD n'est pas initiée à chaque décompression. Deux phénomènes y concourent : – dans les capillaires pulmonaires, la pression de filtration est faible. Les lésions mécaniques sur les cellules endothéliales sont donc moindres que dans la circulation systémique, d’autant que la compliance du lit vasculaire pulmonaire permet d’absorber l’élévation de la pression pulsatile. – La richesse en prostacycline de l’endothélium pulmonaire. L’accident de décompression surviendrait lorsque le flot de bulles, trop important, dépasse les capacités de sécrétion de prostacycline ou en épuise le stock. De même, les différences de susceptibilité individuelles devant le dégazage pourraient être liées à une différence de disponibilité de la PGI2. Lorsque l’agression pulmonaire devient prépondérante, la sécrétion de PGI2 est inhibée et les endothélines s’expriment localement (hypertension artérielle pulmonaire). L’importance relative de ces substances et leur rôle respectif dans l’aggravation, dans les premières heures, des lésions neurologiques de l’accident de décompression, reste encore à déterminer. I- 3.2. Au niveau systémique La conséquence la plus évidente est une perturbation de la délivrance locale d’oxygène, essentiellement due à la réduction du débit sanguin local. La chute de PO2 aboutit, à l’anoxie locale. C’est ce qui explique, compte tenu de la distribution de la microcirculation de la moelle épinière, la topographie des lésions ischémiques de la substance blanche des accidents médullaires. Cette ischémie locale varie de plus en fonction des perturbations vasomotrices qui réalisent ainsi de véritables syndromes ischémie-reperfusion, générateurs de radicaux libres cytotoxiques. L’arrêt circulatoire retentit également sur les échanges de gaz inertes : en l’absence de drainage, des bulles peuvent se former in situ et ajouter leurs effets compressifs, particulièrement dans le canal rachidien (10).Par ailleurs, l’abrasion endothéliale peut revêtir un caractère étendu et être à l’origine d’une fuite plasmatique considérable de mauvais pronostic . II- LE TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE. Le traitement symptomatique a pour but de lutter contre les différents troubles cliniques, l'anoxie tissulaire.,l'extravasation plasmatique qui est responsable d'une hémo-concentration et la baisse des débits tissulaires. II- 1- La position du patient. Autrefois la position de Trendelenburg (déclive) était recommandée pour piéger les bulles hors cette position déclive aggrave l'œdème cérébral.Actuellement la position proclive à 20 degrés semble ètre la position idéale sauf s'il existe une intolérance hémodynamique obligeant le décubitus dorsal strict. Cette position améliorerait de plus l’élimination des gaz inertes .Si le patient est inconscient en ventilation spontanée, la position latérale de sécurité reste la meilleure prévention contre la chute de la langue et le risque d'inhalation. II- 2- L'oxygénothérapie. C'est le médicament indiscutable de la maladie de décompression :conférence de consensus de 1996 (11). Son action est d'éviter l'hypoxie tissulaire en augmentant la fraction inspirée d'oxygène ce qui améliore ainsi l'oxygénation sanguine et sa délivrance aux tissus. Cette oxygénation accélère la dénitrogénation et diminue la taille des bulles d'azote. Dès le diagnostic ou la suspicion d'accident de décompression, le sujet doit recevoir de l'oxygène au masque pour essayer d'obtenir une fraction inspirée proche de 100 %. Pour un adulte le débit doit être supérieur à 10 litres par minute (10 à 15 l/min).Cette oxygénothérapie doit être effectuée au masque étanche en débit continu par l'intermédiaire d'un inhalateur avec détenteur ou un circuit clos suivi le plus rapidement possible d'un traitement par oxygène hyperbare ( question de spécialiste de médecine hyperbare).Mais il existe une toxicité propre de l'oxygène: l'oxygène est un puissant vasoconstricteur (inhibition des NO synthétases) qui, réduisant les débits locaux, entraîne une baisse de l'oxygénation des tissus. L'oxygène entraîne aussi une production de radicaux libres avec toxicité cérébrale lors des syndromes d'ischémie reperfusion. Il faudra donc évaluer la quantité totale d'oxygène inhalée par le patient entre le début de l'accident et la fin de la séance d'oxygénothérapie hyperbare (protocole envisagé: USN5, USN6 ...).Nous proposons donc: 10 à 15 litres d'oxygène si le délai vers le centre d'oxygénothérapie est inférieur à six heures. S'il est supérieur, envisager des fenêtres en air de “15 à 20 minutes” toutes les six heures. Si le patient hypoventile ou n'est pas conscient (Glasgow inférieur à 8), une ventilation mécanique (volume courant 10 ml/kg, fréquence 12 cycles/minute et FiO2 = 1 soit 100% d'oxygène) devra être prodiguée avec une sédation permettant l’adaptation au ventilateur. La ventilation mécanique pourrait améliorer la résolution des bulles . III- 3- Le remplissage vasculaire. Les constantes dans la maladie de décompression sont: la fuite plasmatique secondaire aux lésions endothéliales, l'augmentation de la perméabilité capillaire ainsi que la déshydratation consécutive à l'immersion et à la dysrégulation thermique. Donc le plongeur est toujours déshydraté avec un hématocrite élevé. Il a été prouvé qu'un hématocrite supérieur à 48% était de mauvais pronostic. Il a de plus été démontré qu’une hydratation importante accélère l’élimination des gaz anesthésiques , une approche similaire peut être envisagée chez le plongeur en vue d'éliminer les gaz inertes. Le débat porte sur:- le choix du soluté (12)et la voie de remplissage: intraveineuse ou orale. Pour ce qui est de la voie de remplissage : * en cas d'accident neurologique,la voie intraveineuse est indiscutable avec un cathéter de bon calibre (18 gauges),du fait du risque de vomissements pouvant provoquer une inhalation pulmonaire. Si une intubation est nécessaire celui-ci sera alors "estomac plein" avec risque majeur de complications pulmonaires. La réhydratation par voie intraveineuse (13). Le débat entre cristalloïdes et colloïdes reste toujours d’actualité. Les grands principes sont d'éviter à tout prix l'hyperglycémie (responsable de complications neurologiques), c’est à dire d’utiliser des solutés isoosmolaires et d’éviter les solutés glucosés. Les cristalloïdes isotoniques (permettant de ne pas aggraver un œdème cérébral) ont l'avantage de réhydrater les deux secteurs intra et extra vasculaires et sont recommandés en cas de déshydratation dans la conférence de consensus sur le remplissage vasculaire (14).On peut utiliser le sérum physiologique, le ringer lactate (légèrement hypo-osmolaire) ou les solutés de même nature. La quantité recommandée est de 1000 ml en une heure la première heure suivie de 1,5 ml/kg/heure afin d'obtenir une diurèse d'environ 1 à 2 ml/kg/heure et une hémodynamique correcte. Les colloïdes en particulier les Hydroxy-Ethyl-Amidons (HEA) ont un fort pouvoir d'expansion, une longue durée intravasculaire et permettent une amélioration de la rhéologie. Les dextrans ont été presque abandonnés du fait de leur risque allergique .. Les gélatines fluides modifiées comme le plasmion®‚ peuvent être une alternative mais leurs complications allergiques et leur modification lors des variations de température (solidification au froid) ne les placent pas en première position.Il est donc licite de proposer les colloïdes type HEA en première intention en cas de choc ou d'hypovolémie majeure avec relais par des cristalloïdes. La dose maximale par 24 h est de 33 ml/ kilo, au delà il faut craindre des troubles de la coagulation. Le sérum salé hypertonique n'a pas été testé en cas d’accident de décompression. La réhydratation par voie orale. Elle obéit aux mêmes principes: éviter l'hyperglycémie, éviter l'hypo ou l’hyper-osmolarité. Il faut donc de principe éviter toutes les boissons industrielles beaucoup trop sucrées. sauf certaines boissons de réhydratation sportives L'eau pure hypo-osmolaire peut diminuer l'osmolalité plasmatique et inhiber la sécrétion d'ADH (anti diuretic hormon) donnant une fausse impression d'hydratation correcte.La solution idéale doit être isotonique (240 mOsm / kg) et apporter du sodium (30 à 60 mmol) et du glucose (70 à 150 mmol).Des préparations artisanales composées de 1/3 de jus d'agrumes et 2/3 d'eau avec une demi cuillerée à café de sel par litre de boisson recréent les critères précédemment décrits. Cette réhydratation orale sera prescrite au sujet conscient avec accident mineur et ne présentant pas de nausées. Il est proposé de faire boire un litre la première heure puis de suivre la diurèse en se fixant l'objectif de 1 à 2 ml par kilo par heure. Le contrôle se fera ensuite sur une hémodynamique stable et un hématocrite normal (50) II- 4- Lutte contre l'hyperthermie. L'hyperthermie est un élément péjoratif pour les conséquences neurologiques de l'accident de décompression, il faut donc lutter contre toute augmentation de température. Le plus souvent lors d'un accident de décompression le patient présente une hypothermie (facteur de protection cérébrale) qu'il faut respecter si elle y supérieure à 33°C. Si la température est <30°C, le risque de trouble du rythme est important Un réchauffement externe doit être effectué pour obtenir une température d’au moins 33°C. III- LE TRAITEMENT PHYSIOPATHOLOGIQUE . Son but est de s'attaquer aux différents échelons de la maladie : l’inflammation, la récupération d'une rhéologie locale par le biais d'une anticoagulation ou d'une vasodilatation locale, la lutte contre l’ischémie ou la recherche d’une action sur les différents gaz. III- 1- Les anti-inflammatoires: glucocorticoïdes et anti inflammatoires non stéroïdiens. Glucocorticoïdes. Une certaine efficacité de la méthylprednisolone, par voie intraveineuse à haute dose (30 mg/kg en bolus d'une heure, puis 5,4 mg/kg/h pendant 23h) a été constatée dans certaines conditions de traitement de traumatisme de la moelle. Cette action n'est pas retrouvée dans les accidents de décompression. Le but de ce traitement et d'interrompre "la cascade inflammatoire". Ce ne sont donc pas des médicaments à administrer en urgence et leur utilisation doit être considérée comme optionnelle.Ce traitement ,s’il est entrepris, doit être débuté dans les huit premières heures.. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens. L'utilisation d'inhibiteurs de la cyclooxygénase (indométacine, aspirine) entraine une inhibition de la réponse inflammatoire au niveau pharmacologique l'animal L'aspirine et l'indométacine donnent des résultats les plus significatifs sur les dosages de thromboxane et leucotriènes.,mais aucune étude n'existechez l'homme. La voie du complément. Lors d’ADD la voie du complément est activée mais la perfusion d'anti C5 n'a pas fait la preuve d'un effet protecteur sur le système endothélial. III- 2- Les antiagrégants et anticoagulants. Les antiagrégants. Du fait des phénomènes d'agrégation plaquettaires et leucocytaires, l'utilisation d'antiagrégants à la phase initiale paraît intéressante (16). En fait on ne retrouve chez l'homme que des cas anecdotiques. Lors de la conférence de consensus de 1996 l'aspirine avait été une recommandation de type 3 (aspirine per-os 500 mg sur les lieux de l'accident, 500 mg en intraveineux à l'hôpital). Depuis aucune évidence na été démontrée dans l'amélioration de l'accident de décompression si ce n'est le traitement de la douleur. Aucun essai n'a été effectué avec les nouveaux antiagrégants: ticlopidine, clopidogel, anti G2b3a. Les anticoagulants. L’héparine a été utilisée dès 1961 pour ses propriétés anticoagulantes, pour éviter l'occlusion vasculaire créée par les agrégats multiples. Une revue de 1995 (17) mettait l'accent sur ses propriétés antiinflammatoires et proposait une réévaluation de l'usage de l'héparine dans les accidents de décompression. D'autres études contre-indiquent l'héparine en cas d'atteinte médullaire ou de l'oreille interne du fait du risque hémorragique (18). Il est cependant admis que la prévention de la maladie thrombo-embolique (phlébite et embolie pulmonaire) nécessite de petites doses d'héparine ou d'héparine de bas poids moléculaire. III- 3- La lignocaine (Lidocaïne ®). La lidocaïne est un neuroprotecteur dans les embolies gazeuses in vivo.Le mécanisme de protection reste inconnu mais une des explication serait la décélération des flux ioniques de la membrane des cellules neuronales, une baisse du métabolisme des neurones associé à des propriétés anti-inflammatoires.La lidocaine peut être utilisée quand il existe une embolie gazeuse patente et dans le cas d'accidents de décompression graves (19). Les posologies et les modalités d'emploi restent à déterminer(bolus, continu au pousse-seringue électrique..) III- 4- Les vasodilatateurs. Comme il existe un trouble de la rhéologie avec vasoconstriction locale, certains auteurs français ont proposé l'utilisation de vasodilatateurs. Pas de résultats probants actuellement. III- 5- Action des molécules sur les gaz en saturation. Agents tensio actifs. Le but de ces agents et de diminuer la taille des bulles en agissant sur l'interface gaz/plasma et en réduisant la tension superficielle. L'inconvénient est une élévation de la pression capillaire pulmonaire du fait de la pénétration plus profonde des bulles. Essai avec du pluronic F68 peu contributif. Les perfluorocarbones. Ils augmentent la solubilité des gaz inertes et de l'oxygène mais n'ont pas été expérimentés chez l'homme ,alors qu' une étude sur des rats retrouve une protection hémodynamique et neurologique lors de l'ADD avec l'association perfluorocarbone et oxygénation à 100 % (20). Des études complémentaires sont à effectuer. III- 6- L'avenir : les anti ischémiques. Les traitements anti ischémiques : anticalcique, anti-NMDA et autres anti-radicaux libres ont été utilisés avec succès dans d'autres pathologies ischémiques. Leur efficacité dans l'accident de décompression reste à démontrer IV. CONCLUSION La maladie de la décompression apparaît donc comme un syndrome de dysfonctionnement microcirculatoire secondaire à l’agression endothéliale par les bulles, qui débute bien avant les manifestations neurologiques déficitaires. Elle se caractérise par des perturbations de la vasomotricité et de la perméabilité capillaire, une activation plaquettaire et leucocytaire, une mise en jeu de médiateurs immunitaires, aboutissant à une maladie inflammatoire dont le point d’impact est essentiellement neurologique. Le caractère ubiquitaire des bulles, la durée de vie de certains médiateurs suffisamment longue pour leur permettre d’être distribués à l’ensemble de l’organisme, en font une maladie systémique.Parmi les phénomènes identifiés, seule l’activation plaquettaire a fait l’objet de recherches approfondies et est bien connue. Les autres composantes mériteraient d’être étudiées afin de déterminer leur responsabilité respective dans les formes réfractaires d’accidents de décompression, à l’origine de lourdes séquelles, et de choisir des protocoles thérapeutiques appropriés.Cependant, faute de pouvoir viser juste, l’arme thérapeutique la plus efficace actuellement en notre possession demeure la précocité d’application de la thérapeutique étiologique : avant 5 minutes pour éviter l’activation endothéliale, avant 20 minutes pour éviter l’activation leucocytaire, avant 3 heures pour prévenir la maladie inflammatoire. Elle repose sur le trépied désormais classique : 1) Oxygène, normobare sur les lieux de l’accident et pendant toute la durée de l’évacuation, puis hyperbare à l’hôpital, où les effets mécaniques de la pression s’ajoutent à ceux de l’oxygène ; 2) remplissage vasculaire (le débat cristalloïdes vs colloïdes n’est pas clos) ; 3) anti-inflammatoires stéroïdiens. Les anti-agrégants plaquettaires (aspirine) sont volontiers prescrits en France, mais peu à l’étranger. Les techniques d'avenir sont peut être les fluorocarbones BIBLIOGRAPHIE 1.- Laborit H, Barthélémy L, Perrimond-Trouchet R. Action de l'héparine dans le traitement des accidents de décompression. Agressologie, 1961 ; 2 (3) : 229-36. 2.- Giry P, Hyacinthe R, Masurel G. Accidents de décompression. Physiopathologie. In Broussolle B, Ed. Physiologie et médecine de la plongée. Paris : Ellipses Edition Marketing ; 1992. p 353-63. 3.- Hallenbeck JM, Bove AA, Elliott D H. Mechanisms underlying spinal cord damage in decompression sickness. Neurology, 1975; 25: 308-16. 4.- Nossum V, Koteng S, Brubakk AO. Endothelial damage by bubbles in the pulmonary artery of the pig. Undersea Hyper Med, 1999; 26(1): 1-8. 5.- Dupuis J, Stewart DJ, Cernacek P, Gosselin G. Human pulmonary circulation is an important site for both clearance and production of Endothelin-1. 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