Le pays entre le Strymon et le Nestos : géographie et histoire (VIIe

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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2015 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
« J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de
l’Académie, à la demande de son auteur, Alexandre
Zannis, le volume Le pays entre le Strymon et le Nestos :
géographie et histoire (VIIe-IVe siècle avant J.-C.). Ce
travail, issu d’une thèse de l’université de Lausanne
dirigée par notre confrère Pierre Ducrey, a été publié
dans la très belle collection Mélétèmata, éditée par la
Fondation nationale de la recherche grecque,
longtemps dirigée par notre autre confrère Miltiade
Hatzopoulos. C’est un volume de 614 pages
accompagnées de six planches et deux cartes, qu’on
aurait aimé plus nombreuses et plus claires.
Fermés au nord par des massifs montagneux (Pirin,
Rila et Rhodope), s’ouvrant difficilement sur la mer,
les bassins intérieurs entre les deux fleuves, mal
drainés dans l’Antiquité, ne constituent pas une région
géographique cohérente. Mais ces lieux ont joué un rôle important durant la période
retenue. La partie sud-est constituera sous l’Empire le territoire de la colonie romaine
de Philippes. La ville avait gardé le nom que lui avait donné son fondateur, le roi de
Macédoine Philippe II, attiré par la richesse fabuleuse des mines d’or et d’argent du
mont Pangée et des montagnes environnantes. Avant Philippe, les Thasiens avaient
englobé une partie de la région dans leur Épire, leurs possessions continentales. Ils y
avaient rencontré les premiers occupants connus des temps historiques, des peuples
thraces. Il faut ajouter les Perses et les Athéniens pour compléter la liste des ceux qui
avaient cherché à contrôler ces richesses. Les conflits qui en résultèrent nous valent
plusieurs récits des Anciens, à commencer par Hérodote et Thucydide. Mais les lieux que
ceux-ci mentionnent sont difficiles à situer, à l’exception des sites mentionnés sur des
inscriptions de Philippes et des villes qui, sauf sur la côte, se sont constituées
tardivement. Les Thraces, ayant refusé l’écriture, n’ont laissé que des informations
limitées, qui n’ont été notées que bien après la période étudiée, alors que le peuplement
avait beaucoup évolué, notamment à la suite de l’invasion perse et de la mainmise de la
Macédoine sur la région.
Le plan suivi par l’auteur se développe clairement : un premier chapitre présente la
région, la topographie historique et les zones minières à partir des données géologiques
et archéologiques. Le catalogue des sites miniers identifiés par les géologues sera très
utile. De même l’identification de plusieurs composantes du paysage comme le lac
Kerkinitis au nord d’Amphipolis et le lac Prasias au nord du Pangée, ou le mont Dysoron,
où le roi Alexandre Ier de Macédoine a été maître d’une riche mine d’argent. Mais bien
d’autres lieux ne sont pour nous que des noms où se mélangent toponymes anciens
(thraces et grecs) et toponymes modernes, d’origine bulgare, ottomane, ou érudite – je
veux dire proposés par des voyageurs ou des fouilleurs qui voulaient donner un nom
antique aux monuments qu’ils relevaient.
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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2015 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Le chapitre II, consacré au peuplement de la Thrace avant la conquête perse, met en
évidence une autre difficulté du sujet. À part quelques traditions homériques (dont il
n’est pas fait mention), ce n’est qu’avec la colonisation grecque que les premières bribes
d’information nous parviennent. A. Zannis commence donc par elle, essentiellement la
fondation de Thasos et ses premières implantations sur le continent. Déjà on note
l’extraordinaire attrait de l’or, pour cette“pelote de richesses”, qui attire des Grecs en
pays thrace. L’auteur passe ensuite en revue les“populations indigènes”, en passant en
revue une liste de noms de groupes humains, dont l’importance et l’organisation nous
échappent. Certains, comme les Péoniens, peuvent être considérés comme un peuple
gouverné par un roi. D’autres sont-ils des groupes de guerriers, des clans plus ou moins
puissants, aux habitats variés ? La situation géopolitique se modifie entre l’époque
d’Hérodote et celle de Thucydide, sous l’effet de la conquête perse puis des conflits
ultérieurs. Il paraît dès lors très difficile d’établir une carte du peuplement, dont les
composantes nous échappent.
Les chapitres suivants analysent l’évolution historique. Nous sommes sur un terrain plus
solide, grâces aux historiens grecs. Le premier temps est celui de l’occupation perse,
avec les trois passages des armées de Mégabaze, de Mardonios et de Xerxès. Cette
domination eut pour effet l’installation de colonies militaires, – dont sans doute la future
Datos-Philippes – dans une région d’où les Thasiens tiraient d’importants revenus, ainsi
que l’imposition d’un tribut en monnaies payé par les peuples thraces et les cités
grecques. C’est alors que la monnaie est créée, grâce à des collaborations de formes très
originales entre Thraces et Grecs, allant jusqu’à des alliances matrimoniales (on connaît
les cas de Miltiade et de Thucydide). Le deuxième temps est ce que l’auteur appelle
“l’équilibre athéno-macédonien au Ve siècle”, qui commence par les conflits autour des
mines, opposant Thraces et Thasiens, mais aussi Athènes et le roi de Macédoine
Alexandre Ier. La victoire d’Athènes marque l’apogée de son hégémonie et Brasidas
savait bien que c’est là qu’il fallait la frapper. A. Zannis étudie alors les Thraces qui
échappent à toute domination, sous le nom de “Thraces autonomes” et il termine par la
question qui de tout temps a attiré l’attention des historiens sur cette région, la rupture
entre continent et Thasos et la fondation de la ville de Philippes. Renversant la solution
adoptée depuis L. Heuzey, il croit pouvoir conclure que celle-ci serait sans lien avec la
ville de Datas, qui se serait installée ailleurs. Il ne sera pas suivi par tout le monde.
Il faut souligner le grand intérêt du sujet auquel s’est attaqué A. Zannis, tant le rôle joué
par les Thraces de la côte égéenne a été important dans l’histoire de la Grèce classique.
Les échanges entre les deux peuples se sont fait dans les deux sens : une forme de ruée
des Grecs vers l’or, des achats d’innombrables esclaves, le recrutement de guerriers
thraces sans qui il n’y aurait pas eu d’hégémonie macédonienne, ni de conquête de
l’empire perse. L’étude de ces pays est très complexe. Les rares indications laissées par
les Anciens sont obscurcies par de nombreux changements de toponymie. Les noms
anciens se sont perdus avec l’arrivée de nouvelles populations depuis l’Antiquité : sans
parler des anciens Bulgares, l’installation des Slaves, la conquête ottomane ont
profondément modifié la toponymie et il est très difficile d’identifier les sites antiques.
Sans apporter toujours la clarté sur des informations confuses, l’auteur nous fournit du
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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2015 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
moins une masse considérable de renseignements. Une information surabondante, une
bibliographie très riche, notamment en bulgare et en grec, font de son livre à tout le
moins une base de travail fort utile, même si bien des questions continueront à être
discutées. » l’
Olivier PICARD
Le 3 juillet 2015
Le pays entre le Strymon et le Nestos :
géographie et histoire (VIIe-IVe siècle avant J.-C.)
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