PASTORALISME ET LOUP : LA DIFFICILE COHABITATION
La présence du loup dans les montagnes françaises est une bonne nouvelle pour la biodiversité. Mais le
retour de ce prédateur a révélé la vulnérabilité des troupeaux et la fragilité d’un mode d’élevage devenu très
extensif.
Sensibles à la préservation du pastoralisme et à la majesté des paysages, les promeneurs ignorent
généralement ce que les alpages doivent à la persévérance des bergers.
Derrière l’éleveur : le berger.
Le sort des bergers révèle les conditions de notre rapport à la nature. La plupart d’entre nous semblons de
plus en plus attentifs aux bons produits, aux beaux paysages ouverts, donc entretenus, aux chemins de randonnée.
Mais la société reste largement indifférente aux conditions de vie de ceux qui permettent tout cela.
Beaucoup s’enthousiasment du retour des grands et fascinants prédateurs, se mobilisent pour la défense de
l’ours ou du loup, mais ignorent le berger, généralement seul, en première ligne pour assumer les conséquences de
ce retour.
Depuis la loi pastorale de 1972, les éleveurs s’organisent en groupements pastoraux qui gèrent
collectivement l’exploitation des pâturages saisonniers. Malgré la responsabilité qui leur incombe, ces groupements
embauchent les bergers à des conditions souvent précaires. Les difficultés du métier ont grandi avec le retour des
loups. Est alors apparue une grande fragilité de ceux qui doivent répondre à une injonction paradoxale ̏protéger
l’agneau tout en préservant le loup ̋ sans en avoir les moyens.
Vivre avec le loup, une affaire d’état :
Le loup qui a moins peur de l’homme, attaque désormais en plein jour et même à proximité des habitations
où en présence des bergers, comme le confirment plusieurs témoignages, faute de moyens efficaces pour le tenir à
distance.
Eradiqué dans les années 1930, le loup est revenu spontanément il y a une vingtaines d’années en
provenance d’Italie. Sa population pourrait dépasser en France les 350 individus installés et aperçus dans une
trentaine de départements. Son comportement collectif est imprévisible, l’animal étant capable de parcourir des
centaines de Km en quelques mois. Très discret et sans concurrent dans son environnement à part lui-même et
l’homme, les mesures destinées à prévenir sa venue sont donc assez inefficaces. La cohabitation suppose donc de
privilégier la réactivité pour la protection des troupeaux quand le loup est installé sur un territoire - Ce que ne
permet pas la réglementation actuelle.
L’état est aujourd’hui sur la défensive, face à la recrudescence des attaques. Il s’est montré trop attentiste,
alors que la situation évoluait très rapidement sur le terrain. Ne faudrait-il pas plutôt appliquer des mesures
différenciées, et évolutives dans le temps, selon les territoires, allant de la protection stricte de l’espèce à une très
forte régulation dans les zones densément humanisées ? L’état a de plus en plus de mal à faire respecter à la fois la
protection de l’espèce, assurer l’égalité des citoyens devant le loup- en indemnisant mieux les dégâts- et garantir
l’ordre public, perturbé par exemple, par les chiens patous affectés à la protection des troupeaux, dont sont parfois
victimes les promeneurs.
Le loup, Monstre sacré ou ennemi public numéro un ?
Mais tout d’abord veut-on vivre avec le loup ? Pour certains éleveurs, la réponse est négative, pour eux le
retrait du loup des espèces protégées par la convention de Berne et de la Directive Habitat est une étape obligée.
Quand bien même la démarche aboutirait, elle ne réglerait rien, car on a changé d’époque, l’éradication des espèces
est devenue quasiment impossible, n’étant plus tolérée par une opinion publique de plus en plus sensible à la
préservation de la biodiversité, ce que certains ne semblent pas vouloir comprendre.