
Les actions émergentes se traitent de nouveau avec
une décote par rapport aux actions des pays dévelop-
pés, et leurs valorisations ont touché un point bas
inégalé depuis 2006. En revanche, les actions améri-
caines et japonaises semblent surévaluées en termes
de ratio PE de Shiller, ces deux marchés se traitant à
des niveaux proches de 25. Toutefois, ces chiffres sont
également à replacer dans un contexte plus général.
L’indice S&P 500 cote actuellement à des niveaux
proches de ceux observés en 1966 et 1901, des pé-
riodes durant lesquelles l’indice a évolué dans des
bornes relativement étroites sur plusieurs années. En
2007, les valorisations des actions américaines
n’étaient que légèrement supérieures à leurs niveaux
actuels. Cependant, l’effondrement des prix des
actions qui a marqué les années suivantes ne s’explique
pas par l’éclatement d’une bulle spéculative sur les
marchés d’actions, mais davantage par l’éclatement
d’une bulle immobilière. À l’heure actuelle, les niveaux
de valorisation sur ces marchés sont largement infé-
rieurs à ceux atteints durant la bulle techno de 2000. En
2000, l’indice S&P 500 se traitait à un niveau de ratio PE
de 44 et évoluait depuis quatre ans bien au-delà des
niveaux de valorisation actuels (une tendance qualifiée
par Alan Greenspan « d’exubérance irrationnelle » en
décembre 1996). Par conséquent, si les actions améri-
caines sont loin d’être bon marché (à environ 1,25
écarts type de leur moyenne de long terme), elles ne
sont pas pour autant, selon nous, à des niveaux carac-
téristiques d’une bulle susceptible de déclencher une
correction des niveaux de prix nominaux. Cependant,
en se basant sur l’évolution historique, les valorisations
actuelles laissent présager de performances réelles
inférieures à la moyenne sur les dix prochaines années.
En revanche, les actions japonaises ne semblent plus
surévaluées si on les analyse à la lumière d’une autre
mesure de valorisation, le ratio prix/valeur comptable
(une mesure qui s’est avérée pertinente dans le passé
pour l’analyse de ces actifs). Par conséquent, nous
sommes d’avis que ces titres sont en réalité moins
chers qu’ils n’y paraissent sur la base du ratio PE de
Shiller. Ainsi, il nous semble que les actions n’ont pas
atteint des niveaux caractéristiques d’une bulle spécu-
lative, même aux États-Unis où les valorisations sont
un peu excessives. Bien entendu, cela ne signifie pas
qu’au sein des marchés d’actions, certains titres, sec-
teurs ou thèmes n’ont pas été surachetés. Toutefois,
au niveau de l’ensemble du marché, nous ne voyons
pas de motif d’inquiétude.
Qu’en est-il des obligations ? Les emprunts d’État de
haute qualité, tels que les bons du Trésor américains,
les Gilts britanniques et les Bunds allemands génèrent
un rendement largement inférieur à la croissance
moyenne du Produit Intérieur Brut (PIB) nominal, qui
constitue une référence de long terme d’après la
théorie économique et l’expérience passée. Certes,
les niveaux de rendement actuels s’expliquent par des
taux directeurs proches de zéro imposés par les prin-
cipales banques centrales à travers le monde. Cepen-
dant, sur la base d’une analyse à plus long terme, en
intégrant une hypothèse de retour progressif vers la
moyenne, ces trois marchés d’obligations souveraines
présentent davantage un risque baissier qu’un poten-
tiel haussier. Le marché baissier sur les obligations
initié en mai 2013 s’est d’ores et déjà traduit par une
certaine normalisation des prix. Si les marchés men-
tionnés ci-dessus restent surévalués, on ne peut pas
en dire autant pour la plupart des produits de spread2.
Par rapport aux emprunts d’État, les produits de
spread affichent toujours une valorisation raison-
nable. Si l’on exclut les taux de défaut implicites inté-
grés dans les obligations d’entreprises, il ressort que le
marché continue d’intégrer un taux de défaut large-
ment supérieur à celui effectivement relevé dans le
passé. Les obligations émergentes ne nous semblent
pas non plus surévaluées sur la base de nos calculs.
Les spreads des obligations libellées en devise forte
sont peu élevés par rapport à leur moyenne de long
terme, mais s’expliquent par une forte réduction des
niveaux d’endettement souverains par rapport au
passé. Les obligations libellées en devise locale offrent
un surcroît de rendement attrayant, qui offre une
certaine protection en cas de remontée des taux ou
de repli des devises.
Qu’en est-il des prix de l’immobilier ? Aux États-Unis et
au Royaume-Uni, les prix de l’immobilier ont rebondi
depuis les points bas touchés il y a deux ans, suite à
l’éclatement de la bulle. Sur la base de mesures de
valorisation traditionnelles, notamment les ratios prix/
loyer ou prix/revenus, les prix de l’immobilier aux
États-Unis semblent proches de leur juste valeur, tan-
dis qu’au Royaume-Uni, les prix tels que publiés en
août 2013 par The Economist seraient à peine suréva-
lués. En revanche, les marchés immobiliers à Hong
Kong (où les prix ont quasiment doublé sur les cinq
dernières années), en Australie, en Nouvelle Zélande
et au Canada sont largement surévalués. Il en va de
même, mais dans une moindre mesure, en France et
en Suède. Sur la base des mêmes sources de données,
les marchés immobiliers japonais et allemands se-
raient sous-évalués. Le constat serait le même en
Chine sur la base du ratio prix/revenus (il convient de
garder à l’esprit que cette analyse globale du marché
n’exclut pas la possibilité que certains segments
soient surévalués, notamment des grandes villes
chinoises et allemandes). Au sein de plusieurs autres
Lesemprunts
d’Étatdehaute
qualitégénèrentun
rendementlarge-
mentinférieuràla
croissancemoyenne
duPIBnominal.
2 Spread est un mot anglais
utilisé en finance qui désigne
de manière générale, l’écart ou
le différentiel entre deux taux.