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autre chose, un ordre émotionnel qui tend, dans une volonté irrationnelle, à chercher à voir le
monde comme une œuvre d’art, à se l’approprier, à le maîtriser et à en jouir.
Les trois modalités sur lesquelles s’appuierait l’enchantement seraient : la recherche de sens,
la quête du bonheur, et la volonté de trouver des lieux-paradis, hors du temps et de l’espace.
Ceci déboucherait sur la nécessité, à divers niveaux, de créer les conditions de l’enchantement
des espaces ou des situations, fabriqués dans le but d’apporter une réponse à ce que
recherchent les hommes.
1) La recherche de sens nous renvoie à la fin du modèle des sociétés dont la vie était autrefois
organisée par les religions. Ces dernières lui donnaient un sens puisqu’elles fournissaient des
mythes, des cosmologies, des rites, des rythmes telles que la sonnerie des cloches d’église qui
ponctuaient la vie quotidienne de chacun. Elles donnaient un sens aussi parce qu’en adhérant
au modèle, on savait ce que l’on devait faire, et ne pas faire. Il y avait des échéances, bien au-
delà du quotidien. L’homme pouvait vivre rassuré car il savait comment le monde était
organisé, sur quels principes ; il connaissait la cause des choses, comprenait comment cela
fonctionnait. Or avec la sécularisation des sociétés, « les processus du monde se [sont]
désenchant[és] en perdant leur sens magique, de sorte qu’ils se passent seulement, mais ne
signifient plus » (Weber, Economie et société).
D’où la nécessité de trouver à nouveau un sens, une magie, d’adhérer à un modèle qui
organise à nouveau la vie, même si une forme de supercherie est entrevue. C’est ainsi,
semble-t-il que la plupart des voyageurs par exemple ne sont pas dupes des arguments
publicitaires des agences de tourisme, ils savent que les danses sont entamées pour eux, mais
pourtant, ils souhaitent se laisser aller à l’enchantement, ils souhaitent croire que tout ce qu’ils
vivent n’est guidé que par des valeurs esthétiques et humaines, et non un échange
économique, parce qu’ils ont besoin d’imaginer leur vie, de faire leurs propres images. Cela
donne un sens.
2) La quête du bonheur, une valeur certainement universelle également, participe aussi à la
recherche de sens. La définition minimale du bonheur est l’absence de malheur. On peut la
décliner en deux temps : les instants de bonheur, et le bonheur sur le long terme, qui n’ont pas
les mêmes implications. Le bonheur, ou l’idée que l’on s’en fait, fait partie du système, du
modèle. L’adhésion au modèle conditionne ce que doit être le bonheur. Dans une société
capitaliste, le bonheur serait la consommation pour tous. Dans sa quête, l’homme sait que le
bonheur est fragile, qu’il résulte d’une construction, et que des moments de bonheur sont