Petite Histoire de la Littérature française Le Moyen Âge (476

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Cours de Lettres de Mademoiselle Anne Vallet
Petite Histoire de la Littérature française
Le Moyen Âge (476-1453)
La fin de l’Empire romain d’Occident marque le début du Moyen Age.
Les Goths, les Vandales et les Huns envahissent Rome.
Les villes romaines, avec leur système d'aqueducs et d'égouts, sont pillées, ravagées. L'Europe,
unifiée autrefois sous l'égide des Césars, se divise en de multiples états indépendants, dont les
chefs s'autoproclament rois.
Après trois siècles de guerres territoriales continuelles entre peuplades, d'invasions, d'anarchie,
un roi des Francs s'impose aux autres : Charlemagne.
Il s'efforce de recréer l'Empire romain tel qu'il était sous les Césars.
Il agrandit le territoire des Francs, soutient le pape (qui le couronnera roi des Lombards et le
sacrera empereur d'Occident en 800).
Charles le Grand a réformé beaucoup d'institutions et en a instauré nombre d'autres. Il s'est affairé
à organiser l'Empire, étroitement surveillé par ses émissaires.
Ses « compagnons », les comtes, lui rapportaient à Aix-la-Chapelle ce qui se passait dans les confins
du royaume.
Selon la légende, on lui devrait aussi l'école obligatoire : il a en fait permis l'accès à l'instruction
publique aux moins fortunés, en encourageant fortement les enfants à apprendre plus que lui ne
l'avait fait (il ne sut jamais écrire).
Cette époque comprend dix siècles : un millénaire.
Elle est donc marquée par de nombreux changements,
les hommes de l’an 500 étant fort différents de ceux de l’an 1450.
Selon les historiens, trois événements majeurs ont marqué le Moyen Âge :
 L’émergence des pays et des peuples européens ;
 Le développement des villes ;
 La naissance de l'université.
La société médiévale est fondée sur la transmission héréditaire du pouvoir, des titres et de la
richesse.
Elle présente donc une structure hiérarchique rigide.
La société est divisée en trois classes ou ordres :
 Ceux qui prient, c'est-à-dire les clercs et les hommes d’Église = Le Clergé
 Ceux qui combattent et qui dirigent, les guerriers (chevaliers et seigneurs) = La Noblesse
 Ceux qui travaillent, soit les paysans et les artisans = Le Tiers Etat
Ce monde est très cloisonné. Chacun y est le vassal de quelqu'un d'autre, c'est-à-dire son
subalterne : le serf est soumis à son seigneur ; l'écuyer, à son chevalier ; le chevalier, à son roi ;
l'amant courtois, à sa dame.
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L'Église elle-même est calquée sur ce modèle.
C'est l'hommage qui lie les hommes entre eux.
Il s'agit d'un contrat liant deux personnes par un serment de protection et de travail (le fort
protège le faible, qui travaille pour lui).
En fait, les deux personnes unies par l'hommage ont des devoirs l'une envers l'autre, elles ont des
obligations réciproques.
Le vassal doit à son seigneur :
 Le service d'ost - l'assistance militaire ;
 Le service de conseil (siéger à la cour ou au tribunal) ;
 L’aide aux quatre cas, c'est-à-dire une aide financière spéciale (pour la rançon,
l'armement du fils aîné, le mariage de la fille aînée ou le départ pour la croisade).
Le seigneur, quant à lui, doit à son vassal :
 La protection
 L’entretien (c'est-à-dire qu'il lui fournit de quoi vivre, le plus souvent une terre avec des
paysans - un fief).
Il faut savoir que ces serments ne peuvent être rompus, sous peine d'être accusé de félonie.
Cela peut causer parfois quelques problèmes. En effet, que faire quand on est lié à plusieurs
seigneurs qui se font la guerre entre eux ?
C'est le concept d'hommage-lige qui permet de répondre à cette épineuse question ; il s'agit de
l'hommage principal, celui qu'il faut respecter en priorité.
Le Roi, bien sûr, est au-dessus de cette organisation sociopolitique, puisqu'il est élu par Dieu…
À partir du XIe siècle dans le sud de la France, et du XIIe siècle dans le nord,
la société féodale ajoute une nouvelle valeur à l’idéal chevaleresque : le Service d’Amour, qui
met les préoccupations amoureuses au centre de la vie.
La cour imaginaire du roi Arthur dans les romans de la Table Ronde devient le modèle idéal
des cours réelles.
Non seulement le chevalier est brave, mais il a en plus le désir de plaire.
Parce que les femmes sont présentes, le chevalier doit avoir des attitudes élégantes, des propos
délicats.
Dans le service d’amour, pour plaire à sa dame, le chevalier essaie de porter à leur perfection
les qualités chevaleresques et courtoises : il doit maîtriser ses désirs, mériter à travers une dure
discipline l’amour de sa dame.
Cet idéal est bien celui des gens de cour.
En effet, le mot « courtois » signifie au départ « qui vient de la cour ».
La courtoisie désigne une façon d’être, l’ensemble des attitudes, des mœurs de la cour
seigneuriale dans laquelle les valeurs chevaleresques sont modifiées par la présence des
dames.
L’amour courtois est un code que doit suivre le chevalier.
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La cour
Sous l’influence de l’Église qui incitait les seigneurs à faire la paix (trêve de Dieu), les mœurs
s’adoucissent.
Moins tournés vers les Croisades et la défense de leur fief, les seigneurs s’habituent à la vie de
cour.
Puis, peu à peu, les mœurs subissent aussi l’influence de l’univers féminin plus délicat.
Sous l’instigation de femmes de haut rang, comme Aliénor d’Aquitaine, d’abord femme du roi de
France, puis femme du roi d’Angleterre, s’instaurent des cours d’amour où les artistes chantent la
femme, idéalisée, parfaite, inaccessible.
Découlant du mot latin domina s’impose bientôt le mot français dame, titre donné à la femme et
soulignant son caractère de maîtresse.
Suzeraine, la femme l’est en effet en amour.
La dame
L’amant courtois est séduit par la dame, une femme dotée d’une beauté et de mérites
exceptionnels, qui est mariée, accomplie.
Au Moyen Âge, il existe une forte tension entre l’amour et le mariage.
On ne se marie pas alors pour l’amour : on se marie par intérêt, pour perpétuer la famille, pour
s’allier à un clan. Le mariage est affaire de raison, et souvent décidé d’avance par les parents des
époux.
Alors que le mariage est à la portée de tous, l’amour vrai, quant à lui, n’est ressenti que par les
âmes nobles (c’est du moins le point de vue des auteurs du courant courtois).
L’amour noble n’est ni banal ni vulgaire. Il n’est ni facile ni intéressé, même s’il est généralement
éprouvé envers une femme d’une condition supérieure. Cet écart entre les statuts sociaux rend la
femme inaccessible, l’élève au rang des divinités à adorer.
Le fin’amor
Si l’acte sexuel est la consécration de l’amour, le sentiment noble invite à la sublimation.
Ne se laissant pas dominer par ses désirs charnels, l’amant courtois gagnera le cœur de sa dame
en lui témoignant un amour empreint de délicatesse et de retenue.
Sa passion doit l’amener à surpasser son désir pour la dame afin d’éprouver pour elle un amour
raffiné, profond, véritable, un amour transposé sur un plan supérieur.
Cet amour « spirituel » – on l’appelle fin’amor en langue d’oc, ce qui veut dire « amour parfait »
ou « amour sublimé » – est caractérisé par le plaisir provoqué par la manifestation du divin chez
l’autre.
Le fin’amor est rare et, comme il a été déjà mentionné, incompatible avec le mariage. Ce
sentiment incite le chevalier à se surpasser pour s’élever au niveau de sa dame : le cœur noble est
l’idéal à atteindre pour l’homme.
L’amant courtois
L’amant courtois est un guerrier héroïque.
On sait que le code du chevalier est basé sur l’honneur.
Il est fort, adroit, mais, surtout, loyal envers son suzerain.
Sa noblesse de cœur fait de lui un homme franc, poli et subtil.
La force physique valorisée dans les textes épiques existe toujours, mais elle est maintenant
canalisée dans les tournois, des combats rangés où le chevalier défend les couleurs ou même
l’honneur de sa dame.
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La vaillance du chevalier est donc toujours exigée, mais elle trouve désormais une expression
amoureuse. En fait, l’amour devient source de toute vaillance et de toute générosité.
L’amant courtois est totalement soumis et dévoué à sa dame : abnégation, obéissance et
discrétion sont ses mots d’ordre.
Pour mériter l’amour de sa dame (qui fait preuve de froideur et de caprices), afin de prouver
l’intensité et la constance de son amour, le chevalier devra se plier au « service d’amour », c’est-àdire qu’il devra se soumettre aux coutumes de l’attente et sortir vainqueur d’une série d’épreuves
souvent fixées par sa maîtresse.
Mais cela lui importe peu : lorsque le cœur noble est épris, plus rien ne compte. Les exploits
accomplis, la souffrance, le grandiront moralement. Rudement mis à l’épreuve, le chevalier
amoureux doit même trouver de la joie dans la souffrance et la séparation.
Les épreuves, preuve de sa perfection morale, lui permettront de conquérir sa bien-aimée et
d’obtenir une récompense.
Quand il aime, le chevalier courtois rend hommage à sa dame, elle devient la suzeraine de son
cœur : il s’y soumet aveuglément.
La loyauté à la dame passe avant celle au suzerain : il doit faire preuve d’une obéissance totale,
d’une fidélité indéfectible.
Cette soumission amène ainsi, pour le chevalier, le conflit qui oppose son amour à son honneur.
Renoncer à l’honneur pour l’amour représente le sacrifice le plus grand qu’il puisse faire.
Les joies d’amour
Après la discipline, l’attente, les épreuves, le sacrifice de son honneur, le chevalier peut enfin
s’abandonner au plaisir sensuel.
La vulgarité de la sexualité s’efface devant la discipline imposée. Une passion sans frein, qui ne
recule pas devant le scandale, est choquante. Les conséquences sont désastreuses pour les amants :
la dame perd son honneur, élément essentiel à sa perfection et... à son titre, alors que le chevalier
voit ignorer sa valeur, qui n’est ni reconnue ni publiée.
Toutefois, il se peut que cet acte d’amour ne se produise jamais, et que les faveurs de la dame,
jamais accordées, aient entretenu de beaux rêves, suscité d’ardents espoirs, inspiré des actes
généreux.
Ce complexe état d’âme créé par cette attente et cet effort est ce qu’on appelle la « joie
d’amour ».
L’amour fatal
Si la littérature courtoise – qui s’inscrit souvent dans un monde merveilleux, peuplé d’éléments
surnaturels, de personnages mystérieux et fantastique (des mages, des fées, des nains et des
géants, etc.) – présente ainsi les jeux aimables de l’amour ; il n’en demeure pas moins que cet
amour, parfois peint de façon mélancolique, est soumis quelquefois aux vicissitudes du destin.
On rencontre alors le thème de l’amour malheureux, de l’amour contrarié qui se heurte à des
obstacles, qui se brise parfois sur des écueils, mais qui demeure malgré tout victorieux, car
l’amour courtois, par-delà la mort même, est un sentiment vrai et éternel.
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