La vaillance du chevalier est donc toujours exigée, mais elle trouve désormais une expression
amoureuse. En fait, l’amour devient source de toute vaillance et de toute générosité.
L’amant courtois est totalement soumis et dévoué à sa dame : abnégation, obéissance et
discrétion sont ses mots d’ordre.
Pour mériter l’amour de sa dame (qui fait preuve de froideur et de caprices), afin de prouver
l’intensité et la constance de son amour, le chevalier devra se plier au « service d’amour », c’est-à-
dire qu’il devra se soumettre aux coutumes de l’attente et sortir vainqueur d’une série d’épreuves
souvent fixées par sa maîtresse.
Mais cela lui importe peu : lorsque le cœur noble est épris, plus rien ne compte. Les exploits
accomplis, la souffrance, le grandiront moralement. Rudement mis à l’épreuve, le chevalier
amoureux doit même trouver de la joie dans la souffrance et la séparation.
Les épreuves, preuve de sa perfection morale, lui permettront de conquérir sa bien-aimée et
d’obtenir une récompense.
Quand il aime, le chevalier courtois rend hommage à sa dame, elle devient la suzeraine de son
cœur : il s’y soumet aveuglément.
La loyauté à la dame passe avant celle au suzerain : il doit faire preuve d’une obéissance totale,
d’une fidélité indéfectible.
Cette soumission amène ainsi, pour le chevalier, le conflit qui oppose son amour à son honneur.
Renoncer à l’honneur pour l’amour représente le sacrifice le plus grand qu’il puisse faire.
Les joies d’amour
Après la discipline, l’attente, les épreuves, le sacrifice de son honneur, le chevalier peut enfin
s’abandonner au plaisir sensuel.
La vulgarité de la sexualité s’efface devant la discipline imposée. Une passion sans frein, qui ne
recule pas devant le scandale, est choquante. Les conséquences sont désastreuses pour les amants :
la dame perd son honneur, élément essentiel à sa perfection et... à son titre, alors que le chevalier
voit ignorer sa valeur, qui n’est ni reconnue ni publiée.
Toutefois, il se peut que cet acte d’amour ne se produise jamais, et que les faveurs de la dame,
jamais accordées, aient entretenu de beaux rêves, suscité d’ardents espoirs, inspiré des actes
généreux.
Ce complexe état d’âme créé par cette attente et cet effort est ce qu’on appelle la « joie
d’amour ».
L’amour fatal
Si la littérature courtoise – qui s’inscrit souvent dans un monde merveilleux, peuplé d’éléments
surnaturels, de personnages mystérieux et fantastique (des mages, des fées, des nains et des
géants, etc.) – présente ainsi les jeux aimables de l’amour ; il n’en demeure pas moins que cet
amour, parfois peint de façon mélancolique, est soumis quelquefois aux vicissitudes du destin.
On rencontre alors le thème de l’amour malheureux, de l’amour contrarié qui se heurte à des
obstacles, qui se brise parfois sur des écueils, mais qui demeure malgré tout victorieux, car
l’amour courtois, par-delà la mort même, est un sentiment vrai et éternel.