La sortie de l’euro et de l’UE pour la France (« Frexit ») : des risques très
élevés pour l’économie
De nombreux candidats à l’élection présidentielle française d’avril-mai 2017 prônent la sortie
de l’UE et de l’euro pour résoudre nos difficultés actuelles (des candidats parmi les favoris
des sondages comme Mme M. Le Pen, voire J-L Mélenchon (et son plan « B ») mais aussi de
petits candidats comme F.Asselineau, J.Cheminade, N.Dupont-Aignan. Cette question nourrit
un large débat en France. Un film « Bye Bye l’euro » (2015) en fit récemment l’écho à la
télévision (chaîne LCP 2 avril 2017). L’euro serait responsable de tous nos problèmes
(chômage, hausse des prix et recul du pouvoir d’achat, austérité et faible croissance
économique, déficits publics et commercial...).
Pourquoi certains candidats à la Présidentielle avancent-ils cette sortie de l’euro comme
solution aux difficultés de la France ? Ces perspectives font peur en Europe et dans le monde,
à tel point que 25 économistes titulaires du prix Nobel viennent de publier une tribune dans le
journal Le Monde du 19 avril 2017 pour dénoncer ces programmes. Quels résultats positifs et
négatifs faudrait-il attendre d’une telle sortie de l’euro (et de l’Union Européenne) ?
I) Pourquoi la sortie de l’euro peut-elle être présentée par certains comme une solution ?
Depuis la crise de 2008, les pays de la zone euro présentent de profondes divergences
économiques alors que l’accès à l’euro était sensé les conduire à la convergence, notamment
grâce aux critères de Maastricht adoptés en 1992 (déficits publics inférieurs à la règle des 3%
du PIB, dette publique ou souveraine inférieure à 60% du PIB, notamment). Pour résumer,
les pays du nord de la zone euro (Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Finlande)
s’en sortent mieux économiquement que les pays du sud de cette zone (France, Italie,
Espagne, Portugal, Chypre...). L’euro serait donc une monnaie sur- évaluée (« trop forte, trop
chère ») pour les pays du Sud de la zone euro qui accumulent les handicaps (compétitivité
affaiblie, déficits commerciaux et budgétaires, poids élevé de la dette souveraine) ; mais elle
serait sous-évaluée (trop faible) pour les pays du Nord de la zone euro qui enregistrent de
meilleures performances économiques (Allemagne surtout : excédents commerciaux énormes
car les exportations sont encouragées par cette monnaie « faible » et une bonne
spécialisation ; le solde des échanges de la balance des paiements courants en 2016 atteignait
257 milliards d’euros, soit 8,3% du PIB, un record mondial).
D’où, devant l’impossibilité de dévaluer la monnaie, il faut trouver d’autres solutions afin
de na pas détériorer encore plus la compétitivité. Ainsi dans les pays du « sud de la zone
euro», il faut faire une « dévaluation interne » par des réajustements sur les coûts : par
exemple ne pas augmenter les salaires bruts, ne pas augmenter les dépenses publiques,
augmenter les impôts (mais la concurrence internationale pousse plutôt ces pays au dumping
fiscal). Evidemment, ces politiques d’austérité ne sont pas bien acceptées par les populations
concernées. D’où la solution du retour à la possibilité de dévaluer la monnaie, donc du retour
à une monnaie nationale (le franc ici), donc l’abandon de l’euro.
Inversement, l’Allemagne devrait augmenter ses salaires, sa fiscalité et accepter des transferts
budgétaires vers les pays du sud (en supposant une solidarité entre partenaires d’une même
monnaie, ce qui n’existe pas pour l’instant au niveau budgétaire). Pour l’instant, elle s’y
refuse.
Ainsi devant le statu quo, les solutions populistes consistent à dire que tous nos problèmes
sont de la faute de la monnaie unique, l’euro, donc qu’il faut en sortir (« Frexit » pour la
France) et l’abandonner.