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chacun. Cette ambition ne sera réaliste que si notre capacité d’écoute, de dialogue et
d’interface va de pair avec ceux qui savent poser les questions.
Merci de lancer ce mouvement qui aura probablement des effets très déterminants dans le
succès auquel nous aspirons tous.
Professeur Axel KAHN, président de l’université Paris 5-René Descartes
Cancer et éthique, éthique et cancer. Il s’agit de définir un peu la raison pour laquelle nous
avons associé ces deux termes. Nous avons considéré comme indispensable de consacrer
une longue journée de réflexions et de travail à cette interface entre les deux. Le cancer,
c’est la vie, mais c’est aussi la mort quelquefois. Il s’agit d’une part très importante de la
société, de la première cause de la mortalité. Le cancer est une maladie liée à la
magnificence proliférative de la vie. Il s’agit donc de toute la biologie, mais également de
toute la société. Nous sommes tous concernés dans la société. La science a progressé dans
des conditions extraordinaires. Elle s’est transformée en des possibilités thérapeutiques
étonnantes. Cependant, le cancer est également une épreuve et un questionnement et il se
rattache donc au terme « éthique ». Pourquoi parler d’éthique quand nous évoquons le
cancer ? L’éthique correspond à la réflexion sur ce qu’est l’action bonne associée à
l’obligation de spécifier les valeurs la fondant. Bien entendu, ces valeurs ne peuvent que
faire appel à ce que l’on considère être bien et être mal. Qu’est-ce qu’être bien et être mal
lorsque nous avons à déterminer l’action dans ces domaines ? A tous les stades du cancer,
des questions compliquées se posent. Que faut-il faire ? Comment doit-on agir ? Quelle est
l’action juste ? Comment à la fois informer dans la franchise indispensable qui est la marque
de la profonde égalité entre les êtres agents moraux, et se rendre compte qu’il y a un
traumatisme considérable, en informant, en disant la vérité, tendre une main secourable
sans aggraver le traumatisme d’une vérité qui sera de toute façon difficile à entendre ?
Comment informer de la réalité de l’évolution du mal ? Les progrès thérapeutiques sont
extraordinaires, mais il s’agit encore de les valider. Dans quelles conditions peut-on à la fois,
totalement reconnaître l’unicité, la qualité, l’irréductibilité à chaque malade, mais aussi faire
des essais cliniques, des statistiques, des groupes tirés au sort, sans que le soupçon
d’utiliser des cobayes puisse réapparaître ? Certains de ces médicaments tellement
innovants sont terriblement chers. Que faire quand nous sommes face à un malade qui est
sans papiers, qui n’a pas de Sécurité sociale, mais qui a bien un cancer comme les autres,
dont le mal est celui que l’on traite chez d’autres ? Comment prendre en compte la diversité
culturelle et les niveaux différents d’entendement ? Comment, pour les associatifs, qui
mettent tant de passion à développer les moyens des soins et de la recherche, conduire des
campagnes efficaces sans leurrer les personnes, sans jouer de manière malsaine sur une
sensibilité exacerbée qui pourrait aboutir à une certaine déception ? Aussi, à tous les
instants de cette maladie qui est la vie et la mort, contre laquelle nous luttons, se pose la
question angoissante : que convient-il de faire et au nom de quoi faut-il que nous le
fassions ? Ce ne sont pas les professionnels qui répondront à cette question, ni seulement
les malades ou seulement les associatifs. D’ailleurs, nous sommes tous l’un et l’autre. Tant
de médecins et d’associatifs seront également des malades. Si bien qu’à différents niveaux
de l’activité professionnelle, nous sommes tous égaux face à cette maladie qui résume la
biologie moderne, la société moderne, la personnalité moderne et les questions éthiques
modernes. Il faut donc que nous nous y mettions tous ensemble pour progresser. Ainsi, ce
colloque n’est pas une suite de conférences dans lesquelles vous entendrez la bonne
parole ; il serait dérisoire et presque obscène que nous nous conduisions ainsi. Non, ce
colloque est une rencontre, un dialogue au cours duquel les médecins s’adresseront aux
patients et aux associatifs. Les associatifs seront à l’écoute des patients et des médecins.
Enfin, les malades interrogeront et interpelleront les uns et les autres. Ainsi, nous pourrons
identifier certaines voies importantes et laisser pendantes certaines questions afin
d’approfondir l’examen. Par conséquent, cette journée ne sera pas un happening où nous
nous serons fait plaisir par la générosité de nos sentiments. Il s’agira d’une réunion de
travail, du début de quelque chose. En abordant le cancer par cet aspect, nous avons
profondément conscience, non pas d’être à côté de la grande lutte contre la maladie
cancéreuse scientifique, épidémiologique et préventive, mais de participer totalement à la
lutte contre cette maladie.
Merci beaucoup de toute l’aide que vous nous apporterez.