Le théâtre est un art des cavernes. À l’abri
de la lumière du jour, dans une nuit artificielle,
c’est un abri, un espace pacifié et protégé,
et en même temps le lieu des ombres, des
monstres et des chimères. C’est un lieu sombre
d’où surgissent les mondes impossibles,
les mondes interdits et les mondes rêvés.
Notre quotidien s’y mêle aux fictions,
les fantasmes individuels s’y confrontent
aux utopies, l’intime s’y confond avec le
collectif, le précaire et le provisoire donnent
forme aux mythes et aux histoires hors
d’âge. Nous sommes ici et maintenant, dans
l’éphémère d’un soir et dans la confrontation
immédiate avec l’actualité la plus incertaine,
et nous sommes ailleurs, hier et demain,
au même moment.
Cet art collectif – il se fait à plusieurs et pour
plusieurs – est l’espace où se nouent ou se
renouent l’un et l’autre : le privé et le public,
le singulier et le commun. C’est un espace
de réinvention, la réinvention de ce lien-là,
entre soi et le groupe, entre le personnel
et le collectif, entre l’ici et l’ailleurs, entre
l’actuel et l’inactuel. Ce lien jamais acquis
et sans cesse à recomposer.
La saison dernière était traversée par un
monde en métamorphose se réappropriant
son passé, ses mémoires et ses futurs
possibles. C’était comme une réponse
possible à une société troublée par ses
inégalités grandissantes et ses incertitudes
sociales, écologiques ou politiques. La
nouvelle saison poursuit cette ligne qui passe
par la reformulation de questions anciennes
autant que par l’urgence insistante d’un
renouvellement. À Nanterre-Amandiers,
l’éphémère et le provisoire viennent à nouveau
répondre aux modèles anciens et la confiance
s’oppose aux croyances aveuglées. L’époque
actuelle, qui peut sembler par de nombreux
aspects désordonnée, appelle en eet à
réentreprendre ce qui nourrit et motive la vie
ensemble. Le théâtre peut être un des lieux
où s’élabore une transition collective et
où s’esquisse un autre monde commun.
Confiance dans la capacité des artistes
à reformuler notre monde, confiance dans
l’intuition, l’expérimentation et la recherche,
confiance dans l’énergie collective, l’échange
et le partage, confiance dans l’enfance, ses
émerveillements et son inventivité, confiance
dans la traversée de la nuit qui peut être
l’occasion de repenser ce qui nous rassemble,
de relier ce qui paraît s’opposer et d’élaborer
ce monde commun.
Composer un espace d’accueil, de partage
et de créations est le sens du projet
de Nanterre-Amandiers. C’est ce qui anime
la vie de ce théâtre depuis deux saisons,
où dans les salles et les ateliers cohabitent
séminaires au long cours et conférences
ponctuelles, expositions en entrée libre et
débats d’actualité, workshops d’artistes,
d’étudiants ou d’enfants et rencontres ou
dîners d’après-spectacle, montages, couture,
construction et librairie. Un lieu de
rencontres et de recherches où se côtoient
DANS L’OMBRE,
UN MONDE COMMUN