1 Appel à communications du RT 25 « Travail, Organisations

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Appel à communications du RT 25 « Travail, Organisations, Emploi »
Dénaturaliser le travail : quelle sociologie ?
Congrès de l’AFS 2015
En quoi la sociologie du travail se distingue-t-elle des autres sciences du travail,
notamment celles qui adoptent des postures biologisantes ou participent au maintien de
l’ordre établi ? Comment lutte-t-elle contre le sens commun, les idées reçues sur le travail
et les travailleurs ? Dans quelle mesure parvient-elle à déconstruire les essentialismes, à
dénaturaliser les stéréotypes de genre, de classe, de « race » ? Comment met-elle à mal
les discours dominants, faisant passer pour légitimes, allant de soi, voire indépassables,
les inégalités, injustices et autres formes contemporaines de dominations au travail ? En
quoi, pour le dire autrement, la sociologie du travail est-elle une science « contre
nature » ?
Les communications attendues devront s’inscrire dans l’un des cinq axes suivants. Le
premier questionne la centralité du travail dans nos sociétés contemporaines, qui en ont
fait le moteur du progrès et le foyer par excellence de l’émancipation individuelle et
collective ; le deuxième se propose de déconstruire les processus d’euphémisation et
d’intériorisation, qui participent de la naturalisation des rapports sociaux au travail ; le
troisième, lui, interroge la façon dont les imaginaires sociaux façonnent les projections et,
par là, les pratiques, les trajectoires comme les représentations des individus au travail.
Enfin, plus réflexifs et épistémologiques, les quatrième et cinquième axes invitent à
débattre du caractère scientifique de la sociologie du travail : l’un, en interrogeant la
« nature » des processus de déconstruction proposés, selon le paradigme ou la discipline
retenus ; l’autre, en soulignant les difficultés que soulèvent les conditions d’accès au
terrain, en particulier quand les enquêtes sont commanditées et financées par des acteurs
de l’entreprise, situés et en lutte au sein des rapports de production.
1/ La centralité du travail en question
Les sociétés occidentales modernes sont structurées par le travail. Alors même que les
travaux sociologiques et anthropologiques ont montré qu’il s’agissait d’une invention
historique, le travail s’y est imposé comme une valeur centrale qui tend à apparaitre
comme « naturelle ». Nous assistons cependant depuis les années 1970 à une
déstabilisation du salariat, se traduisant par la déconstruction du modèle d’emploi stable et
garanti, mis à mal par un chômage structurel et par la multiplication des formes d’emplois
précaires. Faut-il y voir le signe d’une remise en cause de la centralité du travail ? Ou au
contraire s’en trouve-t-il renforcé ? La crise du salariat est-elle synonyme de crise du
travail ? Ou bien assistons-nous à sa métamorphose ? Nos sociétés peuvent-elles être
structurées par d’autres activités que le travail ? Ou peuvent-elles coexister avec ce
dernier et mettre en cause sa centralité ?
2/ Euphémisation et intériorisation des rapports sociaux au travail
Différents discours, pratiques et systèmes de pensées issus ou aboutissant à une
naturalisation des rapports sociaux sont régulièrement observés au travail et dans
l’emploi : logique de « compétences », individualisation des rapports d’emploi et de
négociations, « responsabilisation » des travailleurs de tous niveaux hiérarchiques et des
personnes « en dehors » de l’emploi, place du « mérite » et du « talent » dans les
systèmes de sélection, d’affectation et de promotion des personnes, etc. Toutes ces
pratiques participent à la négation du rapport social salarial traditionnel mais aussi à la
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naturalisation de certains critères comme la place du « physique », de l’origine supposée
ou réelle, de l’appartenance syndicale, du sexe ou encore de l’âge. Comment s’opère la
circulation de ces pratiques et de ces systèmes de pensées ? Comment et jusqu’où
s’opère ce que l’on a appelé « la psychologisation des rapports sociaux » ? Des politiques
et des pratiques récentes, comme la « prévention des risques psycho-sociaux » ou de
« promotion de la diversité » (fondée sur le genre ou sur les appartenances sociales ou
ethniques), favorisent-elles une sorte de « rappel du social » ? Enfin – et d’autres
questionnements pourraient être soulevés – quels sont les places et les usages des
sciences sociales dans les différentes formations au « management » et des futurs
« gestionnaires du social » ?
3/ Les imaginaires sociaux du travail
Les imaginaires sociaux du travail façonnent un espace des possibles pour les individus.
Quels sont les métiers ou les professions qui apparaissent comme possibles,
souhaitables, susceptibles d’entrainer la vocation ou la passion, ou au contraire
apparaissent comme des repoussoirs ? Quelles sont les motivations de ces
représentations et comment varient-elles selon le genre ou les appartenances sociales ?
Qu’est-ce qui dans le travail est considéré comme la partie noble de l’activité ou du métier
et qu’est-ce qui n’en fait pas partie tout en étant accompli ? A qui et comment est délégué
le « sale boulot » ? Quelles sont les représentations des employeurs ou des salariés des
compétences nécessaires pour exercer les métiers et quelles sont les attentes en termes
de trajectoires ou de carrières qui s’associent à ces métiers ? De la même façon on
s’intéressera aux représentations du chômage en lien avec celles du travail. Comment et
dans quels cas le chômeur est-il perçu comme un travailleur privé de travail et dans quels
cas est-il perçu comme un profiteur potentiel devant faire preuve de son activité dans la
recherche d’un emploi ? L’expérience du chômage influe-t-elle sur les représentations du
travail et des métiers possibles ? Enfin, plus généralement, qu’est ce qui, au travail ou
hors travail, est considéré comme du travail et dans quel cas doit-il être rémunéré ou
accompli bénévolement
4/ Paradigmes et scientificité de la sociologie du travail ?
Qu’est-ce que déconstruire, dénaturaliser, en tant que sociologue du travail ? En quoi
cette démarche se distingue-t-elle d’autres sciences, et s’oppose-t-elle notamment aux
approches hygiénistes, technicistes, individualisantes ou lénifiantes du monde du travail ?
De quelles armes la sociologie du travail dispose-t-elle pour lutter contre ces approches ?
Quelles difficultés rencontre-elle pour faire reconnaître comme légitime et scientifique
cette entreprise de déconstruction, à contre-courant de la doxa ? Quels sont, par ailleurs,
les mécanismes de déconstruction en lutte au sein même de la sociologie du travail ? Que
signifie « déconstruire » selon les paradigmes mobilisés ? S’agit-il de redonner la parole
aux acteurs ? De lutter contre les idées reçues, les discours dominants, en saisissant et
en rendant compte des représentations et pratiques des travailleurs ? Ou, au contraire, de
ne pas s’en tenir à leur perception, qui en restent à la surface des choses, aller plus loin,
remonter davantage encore la chaîne de causalité, en interrogeant les processus
historiques, les rapports de classes ainsi que les dimensions organisationnelles,
managériales, stratégiques qui, en amont, conditionnent voire façonnent les pratiques et
représentations des acteurs ? Quelle posture dénaturalise le plus, est la plus scientifique ?
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5/ A quoi sert la sociologie du travail ? (Session commune avec le RT30)
Sur quels critères fonder le caractère scientifique de la sociologie, en particulier quand il
s’agit d’un objet situé au cœur des contradictions les plus profondes dans les espaces de
production de biens et de services, voire de consommation (inégalités de niveaux de vie,
travail des usagers...). En particulier dans un champ où les liens entre financements et
orientations des recherches ne sauraient être évacués si facilement. En effet, la sociologie
du travail n’échappe pas à un mouvement généralisé de cadrage de la recherche autour
de projets finalisés. Le financement sur projet constitue un dispositif de structuration et de
contrôle de la recherche et, dans le même temps, le vecteur d’une logique gestionnaire
hybridant des conceptions entrepreneuriale et bureaucratique. Cette « gestionnarisation »
de la recherche pose un ensemble de questions épistémologiques à notre discipline.
Comment, sur la durée, s’articulent l’inscription dans l’espace de la recherche
contractuelle et les exigences d’approfondissement et d’exploration d’une recherche
fondamentale ? Avec quelles conséquences sur l’orientation du métier de sociologue, les
modes d’insertion dans la vie des laboratoires et les formes d’engagement vis-à-vis de la
société et de ses institutions ? Comment penser également la socialisation au métier de
sociologue et la production scientifique des apprentis chercheurs impliqués dans des
dispositifs de formation à la recherche en entreprise (ex. : thèse Cifre) ? Enfin, comment
penser les publications scientifiques dans ces conditions de production des
connaissances, au regard de la quantophrénie ?
Les propositions de communications (3500 à 5000 signes) sont à adresser à Frédéric
Moatty ([email protected]) et Guillaume Tiffon ([email protected]). Pour
l’axe 5, qui est une session commune avec le RT30, ajoutez l’adresse suivante :
[email protected].
Les propositions devront traiter directement du thème de la déconstruction, présenter
clairement la nature des matériaux sur lesquels s’étaye la démonstration, et indiquer
explicitement l’axe de l’appel dans lequel elles s’inscrivent. Les meilleures
communications feront ensuite l’objet d’une publication dans un ouvrage collectif.
Calendrier
- 5 janvier 2015 : envoi des propositions
- 23 janvier 2015 : avis du RT 25
- 30 avril 2015 : envoi des communications (40 000 signes maximum, bibliographie
comprise)
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