La fièvre typhoïde,
toujours présente
dans les pays indus-
trialisés, affecte
21 millions de per-
sonnes chaque année dans le
monde, provoquant 200 000
décès. La bactérie responsable,
Salmonella enterica sérotype Typhi,
est strictement adaptée à l'homme
et se transmet par voie oro-fécale.
En l’absence de traitement,
elle provoque une infection mor-
telle dans 10 % des cas. L'épidé-
miologie globale de la fièvre
typhoïde, en particulier son évo-
lution, demeurait mal connue.
Pour l’explorer,une vaste étude
de génétique des populations de
Salmonella Typhi aété lancée
par Philippe Roumagnac et
Mark Achtman, du Max Planck
Institute
(1)
,François Xavier-Weill et
Sylvain Brisse à l'Institut Pasteur
(2)
.
Ces scientifiques ont choisi, au sein
de plusieurs collections internatio-
nales, les 105 souches de S. Typhi
représentatives de cet organisme
bactérien à l'échelle mondiale. Ils
ont pu bénéficier de l'exception-
nelle collection de Salmonella de
l'Institut Pasteur, constituée depuis
les années cinquante, aujourd'hui
riche de plus de 300 000 souches
provenant du monde entier.
En travaillant sur 200 gènes de la
bactérie, les chercheurs ont dû
élaborer de nouveaux outils pour
mener à bien leurs recherches.
Philippe Roumagnac explique
qu’à partir d’une méthode origi-
nale, des marqueurs ont pu être
mis en évidence et qu’ils ont per-
mis de dresser un arbre phylogé-
nétique des Salmonella Typhi.Une
souche ancestrale dont descen-
dent toutes les souches actuelles a
ainsi été identifiée. Elle serait
apparue il y a entre 10 000 ans et
43 000 ans, avant la sédentarisa-
tion du Néolithique.
Comment un pathogène aussi
virulent a-t-il pu perdurer ?
L'hypothèse des chercheurs est
celle d’un portage asymptoma-
tique. Certains individus infectés
peuvent continuer, après leur
guérison, à excréter pendant des
dizaines d'années des bactéries
dans leurs selles. L'étude a égale-
ment permis d'identifier plusieurs
souches non apparentées résistantes
aux fluoroquinolones en Asie, grâce
àl'analyse de près de 300 souches
asiatiques. Elles ont vraisemblable-
ment émergé suite à l'utilisation
massive de ces antibiotiques au début
des années quatre-vingt-dix. Dans
certains endroits, 90 % des bactéries
ysont désormais résistantes. «L'étude
soulève un vrai problème de santé
publique pour l'Asie du Sud-Est, pré-
cise François-Xavier Weill, d'autres
antibiotiques pouvant être utilisés, mais
plus coûteux et plus difficiles à utiliser.
Un clone très majoritaireen Asie com-
mence par ailleurs à être retrouvé en
Afrique.» Les outils mis au point par
les chercheurs vont désormais per-
mettre de mieux surveiller, au
niveau mondial, l'émergence de
clones résistants afin de pouvoir
limiter leur dissémination. ■
(1)
Département de Biologie moléculaire du
Max Planck Institute (Berlin).
(2)
Unité de Biodiversité des bactéries
pathogènes émergentes, également centre
national de référence des Salmonella et
centrecollaborateur de l'OMS.
En collaboration avec le Wellcome Trust
Sanger Institute (Royaume-Uni) et
plusieurs centres médicaux ou de recherche
en Asie, notamment au Viêt-Nam avec
l’Institut national d’Hygiène et d’Epidé-
mologie (Hanoi) et l’Institut Pasteur de
Ho Chi Minh Ville.
LIGNES DE FORCE
INFECTIONS NOSOCOMIALES
PASTEUR LE MAG’ 5
4PASTEUR LE MAG’
nétudiant la biologie de
formes uropathogènes de
la bactérie Escherichia coli,
l’équipe dirigée par Jean-Marc
Ghigo* a peut être trouvé une
solution au problème de
la formation de biofilms indési-
rables. Les Escherichia coli
uropathogènes ont la capacité
de traverser,sans s’y fixer,
l’ensemble de l’appareil digestif
humain.Elles envahissent
ensuite l’appareil urogénital où
elles peuvent provoquer des
infections urinaires telles que
des cystites. En testant la
capacité de ces bactéries
àformer des biofilms avec
d’autres bactéries, les cher-
cheurs ont découvert qu’elles
sécrètent un sucre complexe,
un polysaccharide, qui inhibe
la formation de ces biofilms.
Ils ont également montré que
l’application d’une solution
contenant ce polysaccharide
sur des matériaux différents,
verre, PVC ou polycarbonate,
suffisait à leur conférer de
puissantes propriétés anti-
adhésives vis-à-vis de très
nombreuses bactéries patho-
gènes, comme le staphylo-
coque doré.
Une application de ce produit
sur des biomatériaux com-
posant par exemple des
prothèses, cathéters, filtres
de dialyse, pourrait y empê-
cher la formation de biofilms
et limiter ainsi la prolifération
de bactéries pathogènes. Ceci
aurait une incidence évidente
sur le taux des infections
contractées en établissements
de soins, des infections quali-
fiées de « nosocomiales ». Envi-
ron 60 %de ces infections
impliquent des biofilms ! Par
ailleurs, ceux-ci aggravent la
résistance aux antibiotiques.
Lorsque des bactéries déjà
multirésistantes s’organisent
en biofilms, à l’heure actuelle,
il n’existe pas de moyen
chimique de lutte dans ces
conditions.
Au-delà de l’intérêt majeur
pour la santé publique, ces tra-
vaux pourraient connaître des
applications industrielles, en
protégeant de la corrosion
par les biofilms des surfaces
métalliques : canalisations,
conduits de tours aéroréfrigé-
rées, coques des bateaux, par
exemple.
■
*Groupe Génétique des biofilms de
l’Institut Pasteur (associé au CNRS).
Sources :
communiqués de l’Institut Pasteur.
PASTEUR
LE MAG’ 7
Fièvre typhoïde
La bactérie joue à cache-cache
depuis la préhistoire
ÉPIDÉMIOLOGIE
Même en France, la fièvretyphoïde
peut encore frapper. « Ceci nous incite à
rappeler l'importance des mesures de lutte
contrela transmission oro-fécale, rappelle
le Dr François-Xavier Weill,notamment le
simple fait de se laver les mains avant de
cuisiner ou de manger. »
Des mesures élémentaires
d’hygiène
Un biofilm…
…est constitué d’une population
de micro-organismes (bactéries,
champignons, algues mono-
cellulaires, amibes) qui poussent
associés à des surfaces. Cette
croissance s’effectue également
en trois dimensions.
Dans un biofilm, les bactéries
sécrètent des composés dans
l’espace interbactérien et elles
sont donc englobées dans une
matrice très riche en eau, en
sucres, en protéines. Le biofilm
se développe ainsi en épaisseur,
biomasse au sein de laquelle
les micro-organismes acquièrent
des propriétés biologiques
particulières.
Dans la nature, il peut
comporter jusqu’à 1000 espèces
différentes.
Les biofilms constituent une part
importante de la biomasse et
participent au renouvellement
des écosystèmes. Mais, ils
représentent parfois une menace
pour la santé.
Enfin une parade contre
les biofilms ?
>Biofilm d’
Escherichia coli
.
(Groupe Génétique des biofilms de l’Institut Pasteur
avec Brigitte Arbeille, laboratoire de Biologie cellulaire-
microscopie électronique, Médecine, université
François Rabelais, Tours).
E
>Le cycle d’un biofilm
(groupe Génétique des biofilms).
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