La notion d’activité est insuffisante car elle peut tout aussi bien correspondre à un loisir ou un travail (c’est
le cas, par exemple, du fait de lire, coudre, conduire, sculpter, regarder, écrire, téléphoner, réparer une
machine). Le travail est un rapport social, c'est-à-dire qu’a priori aucune activité ne peut être
intrinsèquement qualifiée de travail en dehors du rapport social qu’elle vient nouer avec un élément
hétéronome (extérieur).
Pierre Rolle résume : « Le travail ne se distingue pas des autres activités par des traits intrinsèques, mais
par son mode d’application commandé par un système qui dépasse le sujet » ; ou encore : « c’est l’activité
de l’homme, mais dépensée pour un but extérieur au travailleur, et selon des procédures qui, elles aussi,
sont d’une manière ou d’une autre prescrites »2.
Le travail tel qu’il a évolué et tel qu’il a été étudié par la sociologie du travail renvoie très largement au
salariat. La tendance très massive en France mais aussi à l’échelle mondiale, c’est la salarisation progressive
de la main d’œuvre, c'est-à-dire que de plus en plus d’individus qui travaillent le font sous la forme du
salariat, de moins en moins sous la forme du travail indépendant, notamment de type artisanal ou agricole,
de moins en moins dans ce qu’on appelle l’économie informelle ; dans tous les pays du monde la dynamique
historique du capitalisme implique une salarisation des forces de travail dans des économies de plus en plus
formelles et dans le cadre de ce qu’on appelle un rapport salarial : quelqu’un qui travaille pour quelqu’un
d’autre c’est à dire un employeur privé ou public par opposition aux professions libérales et indépendants.
Cadres, employés, ouvriers, fonctionnaires de différents niveaux sont des salariés.
Une confusion a souvent lieu entre travail et emploi ; le sens commun utilise souvent le mot travail pour dire
emploi. Une fois qu’on a dit que le travail est un rapport social, une activité faîte pour autrui et commandée
par des modes d’organisation, l’emploi comporte plusieurs sens. C’est d’abord l’ensemble des modalités qui
viennent encadrer cette activité, donc l’emploi se situe davantage du côté juridique, du côté des formes de
contrat de travail, du contenu de ces contrats, des législations sociales et techniques qui s’appliquent à tel ou
tel type d’emploi, dans tel ou tel secteur professionnel avec l’ensemble des conventions collectives etc. C’est
ici qu’on peut faire intervenir la notion très importante de contrat de travail ;
Dans le rapport salarial, il peut être défini comme l’achat d’une force de travail par un employeur, c’est-à-
dire que l’employeur paie au travailleur le temps passé à mettre en valeur son capital (cf cours sur Marx,
notion d’exploitation, de profit etc.)
Le contrat de travail et le temps acheté est bien évidemment indissociable du temps de vie. En cela, le travail
salarié est source d’un « quiproquo fondamental », puisque :
« l’enjeu de l’organisation du travail est celui de l’objectivation du temps et des capacités du salarié
pour l’employeur, et pour le salarié, il est celui de leur réappropriation subjective alors même
qu’elles font l’objet de l’échange marchand »3.
Quelques thèmes majeurs de la sociologie du travail :
I- La qualification
Très tôt dans la sociologie du travail, la question de la qualification du travail s’est posée. Une référence
importance est le livre de Georges Friedman Le travail en miettes en 1956.
En référence au modèle de l’artisanat dans lequel idéalement l’artisan maîtrise de bout en bout le processus
de production en construisant un objet à partir d’un ensemble de techniques acquises dans le cadre d’un
apprentissage de type professionnel, le progrès technique et l’industrie pousse à diviser les tâches et à
spécialiser les travailleurs dans tel ou tel tâche et geste productif, cette évolution marque selon Friedmann un
mouvement de déqualification de la main d’œuvre.
Alors que dans le modèle artisanal et très largement dans le système de formation, la formation se fait dans
l’emploi au cours du travail, l’industrialisation, le besoin d’une main d’ouvre plus spécialisées mais mieux
formée, disposant d’un ensemble de connaissance plus vastes a impliqué une séparation de l’ordre de la
formation et de l’ordre du travail et de l’emploi.
2 Rolle P.1997, Où va le salariat ?, Lausanne, Editions Page deux, p. 49.
3 Linhart D. 2005, « Le contrat de travail salarié : un quiproquo fondamental », in D. Linhart et A. Moutée (dir.), La Construction
des normes temporelles du travail, Paris, La découverte, p. 7.