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a justice civile fut profondément modifiée par la
promulgation du Code civil des Français, le 21
mars 1804. Ce monument de droit fut une réus-
site majeure dont toute la gloire revint à Bonaparte
: dès 1807, il fut rebaptisé «Code Napoléon». Le
Code civil avait été préparé par une commission
composée de quatre éminents juristes nommés le
13 août 1800 : Portalis, Maleville, Tronchet et Bigot
de Préameneu. Portalis, méridional, avocat remar-
qué à Aix-en-Provence, fut chargé de la rédaction
du Discours préliminaire, un chef d’œuvre de la lit-
térature juridique. Le projet, accompagné des
observations des cours et tribunaux, fut ensuite dis-
cuté au Conseil d’Etat au cours de cent deux
séances, dont cinquante sept furent présidées per-
sonnellement par Bonaparte qui dirigea les débats
avec énergie et y imposa ses vues.
Le Code civil fut accompagné par un Code de
procédure civile, publié en 1806 et entré en vigueur
le 1er janvier 1807. Les travaux préparatoires furent
confiés à une commission de magistrats et de pra-
ticiens qui avaient tous commencé leur carrière
auprès des juridictions d’Ancien Régime, en parti-
culier Pigeau qui fut le principal artisan de ce Code
de procédure civile. Ces travaux préparatoires
n’ont guère passionné Napoléon : il n’a participé
qu’à une seule séance. Le Conseil d’Etat quant à lui
trouva «la matière trop aride et la plupart des
membres n’y entendaient rien». Le décret du 3
Brumaire an II qui préconisait une «procédure sans
formes» ayant démontré que l’extrême dépouille-
ment des règles de procédure constituait un dan-
ger pour les justiciables, la commission proposa
finalement une simple révision de l’Ordonnance
pour la réformation de la justice, premier véritable
code de procédure, promulguée par Louis XIV dès
1667. Notre procédure, comme celle de nombreux
pays européens, s’en inspire encore aujourd’hui.
Quant à l’organisation judiciaire, qui n’était
pas reprise dans le Code de 1806, ses grandes
lignes avaient déjà été fixées par la loi de 27
Ventôse an VIII et elle demeurera quasiment
inchangée jusqu’en 1919. Cette organisation repo-
se d’une part sur l’alignement des circonscriptions
judiciaires sur les circonscriptions administratives
(cantons, arrondissements, départements) et,
d’autre part, sur le principe de l’unité de la justice
criminelle et de la justice civile.
La justice se présente comme une structure
pyramidale avec à son sommet la Cour de cassa-
tion. A sa base, le juge de paix, siégeant au chef- l i e u
de canton (par exemple à Armentières, à Roubaix
ou à Tourcoing), est compétent pour les affaires
civiles d’importance mineure — qu’il juge en équité
— et il assure la conciliation préalable à tout procès
dans les autres contentieux civils. Les procès plus
importants, et notamment tous les litiges en matière
immobilière, relèvent du Tribunal civil de première
instance établi au chef-lieu d’arrondissement
(comme à Cambrai, à Dunkerque ou à
Valenciennes). La plupart des décisions rendues
par ces juridictions sont susceptibles d’appel
devant la Cour d’appel. En raison de l’héritage his-
torique, le siège de cette cour fut fixé à Douai, dans
les locaux de l’ancien Parlement de Flandre, et non
au chef-lieu de département : Lille. [R.M.]
Fauvel (1800-1824), président du Tribunal civil de première instance
de Lille (cabinet du Président du Tribunal de grande instance de Lille).
La justice civile