Stratégies d’émission de Composés organiques volatils (COV) par
quatre espèces végétales méditerranéennes.
Sous-titre : effet de plusieurs facteurs écologiques sur l’émission et le stockage de terpènes
Elena Ormeño Lafuente
Directeur et co-directeurs de thèse :G. Bonin & C. Fernandez
Université de Provence, IMEP (UMR, CNRS, 6116), Equipe d’Ecologie Fonctionnelle
L’ensemble des plantes vasculaires produit (stocke et émet) des terpènes volatils : isoprène (C5), monoterpènes
(C10), sesquiterpènes (C15) et certains diterpènes (C20), notamment au niveau des organes foliaires. Ces composés
sont des hydrocarbures non azotés, très réactifs et avec une durée de vie très courte (en ordre décroisant). Ils font
partie des métabolites secondaires des plantes, et plus particulièrement des Composés Organiques Volatils
biogènes (COVB) en raison de leur faible poids moléculaire. En tant que métabolites secondaires ils (i) présentent
une diversité chimique très importante (i) permettent à la plante de se défendre face aux facteurs de stress
biotiques et abiotiques, (ii) constituent des signaux chimiques à travers lesquels la plante communique avec son
environnement (plantes ou autres organismes) (iii) n’ont pas une fonction universelle et (iv) sont différemment
représentés dans les différentes familles, genres et espèces, de manière qu’ils sont souvent utilisés comme
marqueurs chémotaxonomiques.
Ces terpènes volatils sont produits par les plantes, puis émis à l’atmosphère où ils constituent des gaz traces
qui peuvent devenir des polluants primaires en contact avec d’autres polluants primaires (e.g. NOx, d’origine
anthropique fondamentalement). En tant que polluants primaires, ils participent à la formation de polluants
secondaires, tels que l’O3 troposphérique ou les aérosols. Ils jouent également un rôle dans le changement
climatique. En effet, à cause de leur réactivité dans l’atmosphère (notamment avec les radicaux OH-) ils prolongent
indirectement la durée de vie des gaz à effet de serre tels que le CH4. De plus, à l’échelle planétaire et régionale,
les émissions de COVB surpassent de loin celles d’origine anthropique. C’est le cas de la région méditerranéenne,
où de nombreuses espèces végétales sont fortement productrices de métabolites secondaires que ce soit sous
forme d’huiles essentielles, de résines et de leurs COV associés. De plus, cette région est une de celles où les
taux d’ozone atteignent les concentrations les plus élevées d’Europe. Mise à part l’intérêt des COVB au niveau de
l’atmosphère, ils est également important de prendre en compte ces composés dans le risque d’inflammation de la
végétation, et donc dans les feux de forêt. En effet, il s’agit de composés qui présentent un point flash et une limite
inférieure d’inflammabilité faibles. C’est pourquoi, sous des températures relativement faibles ils s’enflamment en
présence d’un étincelle, lorsque leur concentration est relativement faible.
L’étude des COVB est donc en partie nécessaire afin de mieux comprendre et prévoir les phénomènes de
pollution atmosphérique via notamment, la modélisation des émissions de COVB. Actuellement les modèles
d’estimation des émissions de COVB par la végétation ne prennent en compte que la température et la lumière,
comme facteurs influençant les émissions. Or, les émissions de COVB par les végétaux dépendent du facteur
génétique et de nombreux facteurs abiotiques et biotiques. Afin d’améliorer les estimations des émissions de
COVB issues de tels modèles, la prise en compte de nouveaux facteurs est donc nécessaire.
L’objectif de cette thèse a été donc d’analyser les COVB émis et/ou stockés par des espèces typiques
méditerranéennes (Rosmarinus officinalis L., Pinus halepensis Mill., Cistus albidus L. et Quercus cocifera L.) en
fonction de nouveaux facteurs ou de facteurs peu explorés jusqu’à présent. En particulier, les monoterpènes et les
sesquiterpènes ont été étudiés car seuls ces terpènes volatils peuvent être à la fois accumulés et émis par le
végétal, à la différence de l’isoprène (absent des structures de stockage) et des diterpènes (très peu volatils).
Concernant les facteurs abiotiques, le choix des facteurs c’est porté sur deux facteurs particulièrement
importants en région méditerranéenne. Le premier concerne le déficit hydrique. En effet, la région
méditerranéenne est caractérisée par un stress hydrique important et certains auteurs ont montré que la capacité
d’émission de COVB est influencée par la disponibilité en eau. Ainsi, les émissions varient au cours des saisons et
un stress hydrique trop sévère les réduit. Néanmoins, les résultats de la thèse montrent que la réponse au déficit
hydrique n’est pas la même pour l’ensemble des terpènes volatils. Le deuxième concerne la nature du sol. Là
aussi, la région méditerranéenne comporte principalement deux types de substrats : siliceux et calcaire et ce
paramètre peut également modifier les concentrations en métabolites secondaires contenus dans certains
végétaux (e.g. Cistus monspeliensis L.) et donc potentiellement l’émission de COVB. Les résultats de la thèse
montrent. L’étude de ce facteur révèle que, malgré la nature principalement calcicole des espèces étudiées, les
émissions de terpènes de ces espèces ne répondent pas de la même manière sur sol calcaire et siliceux. Alors
que, grosso modo, P. halepensis et R. officinalis émettent davantage sur sol calcaire, C. albidus et Q. coccifera
émettent davantage de terpènes sur sol siliceux. Ces résultats remettent en cause la théorie de la différentiation
entre croissance et différentiation et celle de l’équilibre entre l’azote et le carbonne. Enfin, les émissions des
espèces choisies ont également été étudiées dans des milieux présentant une structure différente. Les résultats
montrent que le taux d’émission et la concentration des terpènes des espèces étudiées ne sont pas les mêmes en
milieu ouvert (garrigue) et en milieu fermé (pinède).
Concernant les facteurs biotiques, nous nous sommes focalisés sur l’effet de la compétition (intra et
interspécofique) sur les émissions de COVB. L’effet de ce facteur s’est avéré à la fois très important est variable.
En effet, en fonction de la teneur en nutriments du substrat les effets de la compétition sur les COVB peuvent
s’inverser.
Mise à part les émissions et le stockage de terpènes volatils dans les feuilles, les COVB ont également été
étudiés dans un troisième compartiment, à savoir l’atmosphère. De cette manière il a été mis en évidence que les
milieux ouverts présentent des atmosphères avec des concentrations en COVB plus importantes, et cela, malgré le
fait que ces milieux soient moins à l’abri des turbulences de l’atmosphère que les milieux fermés.
Cette étude met en évidence la difficulté de démontrer les facteurs qui modifient le métabolisme
secondaire des plantes. Par ailleurs, il permettra d’élargir l’état actuel des connaissances des facteurs ayant
un impact sur les COVB, qu’ils soient émis ou stockés dans feuilles.
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