Septembre 2010 l 93
ciers). Le temps médiatique a imposé
des raccourcis et des enjambées chez les
scientiques au point de les amener à ra-
mollir la rigueur de la recherche scienti-
que et les contraintes de la méthodolo-
gie. La tendance lourde de l’exploitation
politique des conclusions de la recherche
théorique, surdétermine celle-ci au point
d’inciter chez les scientiques la propen-
sion de ne produire que pour la consom-
mation des décideurs. La méthodologie
en soure et l’épiémologie s’épuise.
C’e seulement la dimension praxéolo-
gique qui en sort ragaillardie.
Des titres d’ouvrages auent
venant à la rescousse de telle ou telle
poure selon qu’on aime la Chine ou pas.
Déjà que Napoléon avait mis en garde
ses sujets: «Quand la Chine s’éveillera,
… le monde tremblera». Marcel Prou,
dans a echerche du temps perdu t dire
à l’un de ses personnages, la Duchesse
de Guermantes: «La Chine m’inquiète
…». En , Alain Peyrette reprenait
la prophétie de Napoléon en intitulant
son livre uand a hine s’éveillera … Et
Alain Boublil s’extasiait devant les suc-
cès de la Chine déjà en , e iècle des
hinois.
Puis débarque une déferlante: uand
a hine change le monde (Erik Izrae-
lewicz), hina as o. , a hine nouvelle
(Cyrille Javary et Alain Wang), hine-
nde. a course du dragon et de l’éléphant
(Martine Bulard), a politique interna-
tionale de la hine (jean-Pierre Cabes-
tan), a hine m’inquiète (Jean-Luc Do-
menach), e grand blu (ierry Wolton),
vre de hine (Conantin de Slizewicz),
a hine au ème siècle (Alain Roux),
ampire du milieu (Philippe Cohen et
Luc Richard), a hinafrique (Serge
Michel et Michel Beuret), es elations
hine-frique (Eric Nguyen), hine-
frique. e dragon et l’autruche (Adama
Gaye), éopolitique de la hine (Denis
Lambert), etc.
Malgré d’indéniables eorts d’ana-
lyse et de rigueur méthodologique, le
fond idéologique n’arrive pas à cacher
les inquiétudes exagérées ou les es-
poirs inconsidérés. ierry Wolton, par
exemple, fuige le mode admiratif qui
pullule à ses yeux et oue les regards de
ceux qui s’y adonnent. Mais, lui-même
n’échappe pas aux sirènes de l’autre ver-
sant de la montagne en peignant exagé-
rément la Chine sous des auspices cari-
caturaux. Refusant de se laisser tétaniser
ou éblouir, il se défend de gober tout ce
que la Chine vend au propre comme au
guré. Son verdi e sans appel: «La
Chine vue de chez nous a toujours été
nimbée d’un mélange d’admiration
béate, de croyances irrationnelles, de
craintes ininives aussi, le tout savam-
ment entretenu par les autorités locales,
toutes périodes hioriques confondues,
avec la complicité plus ou moins volon-
taire d’experts occidentaux fascinés par
une civilisation, une culture, un passé
diérent des nôtres.»
A l’opposé, d’autres chercheurs s’enti-
chent de la Chine au point de lui prédire
un avenir paradisiaque. Le professeur
d’économie, Jerey Sachs de l’Universi-
té Columbia soutient que la Chine e la
plus belle réussite de développement que
le monde n’ait jamais connu. Le philo-
sophe François Julien arme: «Un pays
immense, doté d’une pensée ratégique
millénaire, une vieille civilisation en
passe de bouleverser l’équilibre mondial
des rapports de force.»(1)
. WOLTON, T., e rand blu chinois, Paris, Robert
Laont, , pp -. BULARD, M. Chine-Inde.
La course du dragon et de l’éléphant, Paris, Fayard, ,
p. .
La Chine en Afrique: grammaire d’un basculement géopolitique