Études de postes de travail

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1.6
Isabelle CLAIRAND
Laboratoire de dosimétrie
des rayonnements ionisants
Bernard AUBERT
Unité d’expertise en
radioprotection médicale
Études de postes
de travail
L’
étude d’un poste de travail vise à évaluer et à optimiser les doses
reçues par les travailleurs conformément à la réglementation.
Ceci implique la mise en œuvre d’outils et de méthodes de
caractérisation du champ de rayonnement comme le type de particules,
l’énergie, la direction et l’intensité. Ces informations, auxquelles vient
s’ajouter la connaissance des activités des travailleurs, permettent de
déterminer les doses reçues et les moyens de surveillance dosimétrique
les plus adaptés.
1.6
Le plateau technique
L’IRSN dispose d’un plateau technique composé d’une large gamme d’outils permettant de réaliser
des études de postes dans tous les secteurs d’activité concernés par l’exposition externe des travailleurs. L’instrumentation est constituée notamment de radiamètres, de spectromètres, de compteurs
proportionnels, de chambres d’ionisation ainsi que de dosimètres passifs (TLD, diodes) et actifs.
Des outils de calculs basés sur des techniques analytiques ou de Monte Carlo sont utilisés de façon
complémentaire. L’IRSN dispose par ailleurs d’installations délivrant des faisceaux de photons,
d’électrons et de neutrons de référence. Ces installations sont utilisées pour la mise au point et l’étalonnage des instruments de mesure.
Exemples d’études de postes réalisées en 2004
Cartographie des débits de dose par microdosimétrie
au Centre de protonthérapie d’Orsay (Essonne)
Le traitement des tumeurs ophtalmiques et intracrâniennes est réalisé à l’aide de faisceaux de protons de haute énergie (73 et 200 MeV). L’interaction du faisceau de protons avec les atomes
du milieu le long de la ligne de faisceau et dans le patient génère un champ radiatif secondaire principalement constitué de neutrons de haute énergie. Des modifications récentes de la ligne de faisceau ont nécessité de réaliser une nouvelle cartographie des débits de dose dans l’installation. Les
radiamètres couramment utilisés en radioprotection n’étant pas adaptés aux caractéristiques
du champ secondaire, un compteur proportionnel équivalent tissu (CPET) fonctionnant sur
le principe de la microdosimétrie a permis d’évaluer les équivalents de dose ambiants aux différents
postes de travail. De plus, cette étude a permis d’évaluer les doses qui peuvent être reçues par un
patient, et celles enregistrées par les systèmes électroniques présents dans les salles de traitement.
Campagne de mesures auprès du cyclotron d'Essen (Allemagne)
Une campagne de mesures a été effectuée au centre de radiothérapie de l'université qui dispose
d'un cyclotron. L’évaluation des doses délivrées à une tumeur est établie à l’aide d’un système
IRSN - Rapport scientifique et technique 2005
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1.6
Sphère de Bonner
Compteur proportionnel équivalent tissu (CPET).
Mesures neutroniques avec une sphère
de Bonner.
de plan de traitement (TPS) qui exige une connaissance précise des énergies et des doses neutrons délivrées par le cyclotron pour différentes ouvertures des collimateurs. Des mesures à l’endroit où sont positionnés les patients lors des traitements ont été réalisées à l’aide du système de sphères de Bonner et
d’un détecteur ROSPEC. Elles ont permis de déterminer la distribution en énergie du champ de neutrons
ainsi que la dose au point de traitement pour chacune des situations d’irradiation, et de renseigner le TPS.
Étude de poste en salle de radiologie conventionnelle
à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul (Paris)
L’installation radiologique est une table télécommandée où sont pratiqués les examens suivants : poumons, abdomen sans préparation (ASP), bassin, urographie intra-veineuse (UIV) et rachis. Le personnel
est habituellement situé au pupitre de commande derrière un paravent plombé (équivalent à 2 mm de
plomb). Il existe cependant certaines situations (enfants agités ou nourrissons) pour lesquelles un manipulateur peut se tenir à proximité de la table d’examen. Il porte alors un tablier de protection (équivalent 0,5 mm de plomb). La dose totale reçue au pupitre de commande pour la procédure la plus irradiante
comprenant les 3 incidences du rachis lombaire peut être estimée à 1,7 µGy/jour. Pour une fréquence
moyenne de 20 procédures par jour et 200 jours/an, l’exposition annuelle est de 0,4 mSv au maximum.
La dose reçue par le manipulateur portant la chasuble de protection est de 2,8 µGy par procédure, soit
pour 10 procédures/jour et 200 jours/an, une exposition annuelle supérieure à 6 mSv.
Étude de poste en salle de radiologie interventionnelle
à l’hôpital Beaujon (Paris)
Cette étude concerne l’exposition du radiologue et du manipulateur (tous les deux porteurs d’un tablier
de protection) auprès d’un appareil de radiologie utilisé au bloc opératoire pour réaliser des actes diagnostiques et interventionnels sur la région hépatique. Les mesures ont été réalisées en incidence de face
en mode scopie « demi-dose ». Pour un seul examen, la durée moyenne de scopie est de l’ordre de
45 minutes. L’exposition du radiologue est en moyenne de 10,8 µGy par examen, soit une dose efficace
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L’homme et les rayonnements ionisants
Évolution du plateau technique
Dosimétrie d’extrémités
Les besoins en dosimétrie d'extrémités sont très différents selon les domaines (médical et industriel) qui se distinguent principalement par la nature
des rayonnements rencontrés. Pour le domaine médical, le risque d’exposition des extrémités concerne surtout la médecine nucléaire et plus
encore la radiologie interventionnelle. Pour le domaine industriel, le poste
de travail le plus représentatif correspond aux manipulations de combustibles en boîtes à gants. Les personnels sont alors exposés à des rayonnements mixtes (neutrons, gamma).
Dans le domaine médical, le suivi dosimétrique d’extrémités du personnel est généralement réalisé au moyen de bagues équipées de dosimètres passifs thermoluminescents qui ne rendent pas nécessairement
compte de la distribution de la dose et de sa valeur maximale. De plus,
les dosimètres passifs ne peuvent fournir que des informations dosimé-
1.6
triques globales intégrant un ensemble de gestes.
L’objectif du projet est de mettre en place un système dosimétrique
actif pour la mesure d’extrémité permettant de caractériser avec précision et en temps réel l’exposition au niveau des mains et ceci pour chaMesures dosimétriques et spectrométriques à proximité des convois de transport
de matières radioactives.
cune des phases du poste. Des études de postes menées en médecine
nucléaire avec des systèmes dosimétriques passifs ont permis de mettre en évidence de très fortes variations des doses en différents points
de 3,2 mSv/an pour 250 examens/an. La dose aux extrémités est en
des mains. Par ailleurs, des simulations numériques ont débuté en vue
moyenne de 1 050 µGy/examen, soit une dose équivalente aux extré-
de déterminer la position optimale des points de mesure pour une géo-
mités de 263 mSv/an. Pour le manipulateur, la dose efficace annuelle est
métrie simple. Enfin, une collaboration est engagée avec un industriel
de 90 µSv.
pour adapter un modèle existant de dosimètre actif d’extrémité aux
besoins d’expertise.
Caractérisation des champs neutroniques auprès
de la centrale de Krsko (Slovénie)
L’IRSN a effectué en octobre 2004 des mesures de caractérisation de
champs neutroniques à la centrale nucléaire de Krsko, en Slovénie.
L’objectif était de donner à l’exploitant la possibilité de raccorder la dosimétrie réglementaire du personnel à une mesure de référence en un
point donné. Les mesures ont été effectuées à l’aide d’un ensemble de
sphères de Bonner dans un environnement fortement irradiant (jusque
15 mSv/h). Ces mesures se déroulaient à l’intérieur du bâtiment réacteur,
à proximité des pompes primaires et des générateurs de vapeur.
Étude de poste de travail auprès de convois SNCF
transportant des matières radioactives
Exposition des extrémités à un poste de médecine nucléaire.
La réglementation relative au transport international de marchandises
dangereuses par voie de chemin de fer prévoit la rédaction d'un
Dans le domaine industriel, il n’existe pas d’instrument de dosimétrie
Programme de protection radiologique dans le cas de transport de
de référence permettant l’évaluation de la dose aux extrémités en
matières radioactives. Dans ce contexte, la SNCF a signé un contrat
champ mixte. L’objectif de l’IRSN est d’étudier la faisabilité de tels
avec l’IRSN pour la mise en œuvre de campagnes de mesure de doses
dosimètres permettant la cartographie de la distribution des doses au
aux postes de travail pour les neuf types de matières radioactives trans-
niveau des mains. La première phase de l’étude a consisté à caractéri-
portées. L’IRSN a caractérisé cinq types de convois au cours de l’année
ser en laboratoire des dosimètres passifs afin de sélectionner les dosi-
2004. Les quatre autres types seront étudiés en 2005.
mètres adaptés à l’environnement radiatif considéré et répondant aux
IRSN - Rapport scientifique et technique 2005
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1.6
Thymus
Sein
Cœur
Sein
Foie
Positionnement des dosimètres d’extrémités sur un fantôme de
main composé de matériau « équivalent tissu ».
contraintes ergonomiques définies. La seconde phase a été consacrée à
la caractérisation de postes de travail à l’atelier du plutonium de
COGEMA à l’aide de dosimètres passifs de type FLi et CR39.
Figure 1 : Visualisation de différents organes du fantôme anthropomorphe.
Développement d’un fantôme instrumenté pour
la mesure de la dose efficace au poste de travail
Le risque radiologique est évalué à l’aide de la dose efficace E, mais cette
dose efficace E à un poste de travail a débuté en 2004. L’existence d’un
grandeur n’est pas directement mesurable. Les dosimètres individuels
tel instrument permettrait de s’assurer que les dosimètres individuels
portés sur la poitrine au poste de travail permettent d’estimer l’équiva-
utilisés aux postes de travail sont adaptés aux expositions rencontrées
lent de dose individuel Hp(10), qui est un estimateur de la dose efficace.
par les travailleurs.
Or, l’équivalent de dose individuel défini pour des conditions d’exposition
La première étape du projet (2004-2006) consiste à étudier la faisabilité
« simplifiées » peut, étant donné la réponse des dosimètres, surestimer
du concept en déterminant par modélisation numérique à l’aide du code
ou sous-estimer significativement la dose efficace dans un grand nombre
de calcul Monte Carlo MCNPX :
de cas.
Un programme visant à développer un instrument fondé sur un mannequin physique anthropomorphe équipé de détecteurs pour mesurer la
le positionnement optimal des détecteurs dans et sur le mannequin en
fonction du type de champ (nature du rayonnement et du poste) ;
les caractéristiques minimales requises pour les détecteurs.
Références
E. Bourhis-Martin et al., Neutron spectrometry measurement at the fast neutron therapy facility of the Universitätsklinikum - Essen (Germany), Proceedings
of the 10th International Congress on Neutron Capture Therapy Essen - Germany 8 - 13 September, 2002.
B. Asselineau, H. Muller, J.L. Pochat. Neutron spectrometry with Bonner spheres at Krsko nuclear power plant (Slovenia), rapport IRSN SDE/2005-001.
B. Breznik, J.L. Pochat, H. Muller, B. Asselineau, M. Pavlin. Characterization of neutron field in a NPP workplace, European Workshop on Individual Monitoring
of Ionizing Radiation, IM 2005, Vienna/Austria11-15 April 2005; soumis à Radiation Protection and Dosimetry.
C. Itié, L. Donadille, T. Lahaye. Évaluation de l’exposition externe auprès d’un convoi de déchets radioactifs de faibles et moyennes activités à Chalons-enChampagne le 26 mai 2004, rapport IRSN SDE/2004-25, 2004.
L. Donadille, C. Itié, T. Lahaye, H. Muller, J.F. Bottollier-Depois. Évaluation de l’exposition externe auprès d’un convoi de nitrate d’uranyle à Valognes (50)
les 22 et 23 juin 2004, rapport IRSN SDE/2004-41, 2004.
L. Donadille, C. Itié, T. Lahaye, H. Muller, J.F. Bottollier-Depois. Évaluation de l’exposition externe auprès d’un convoi de combustible nucléaire irradié.
Valognes (50) les 22 et 23 juin 2004, rapport IRSN SDE/2004-59, 2004.
C. Itié, F. Trompier, L. Donadille. Évaluation de l’exposition externe auprès d’un convoi d’hexafluorure d’uranium à Pierrelatte (26) le 16 novembre 2004, rapport
IRSN SDE/2004-61, 2004.
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L’homme et les rayonnements ionisants
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