Musique accompagne naturellement les faits et gestes de la vie quotidienne (cérémonies
religieuses et festives, rites de naissance, d'initiation, de mariage, de décès, chants
religieux, offrandes, rites, prières, relations animistes avec la nature, chants rituels
des saisons, de la pluie, manière de rythmer le travail, stimulation des guerriers,
transmission des mythes et légendes -
griots
-, moyen de fixer l'appartenance ou la
non-appartenance au groupe, représentation du temps qui passe etc). Dans tous les cas,
elle
remplit une fonction
dans la société tribale et peut donc être qualifiée de musique
fonctionnelle. On reviendra sur cette première différence entre la conception africaine
de la musique et celle qui prévaut dans nos sociétés occidentales, où l'expression
musicale se voit le plus souvent reléguée dans les sphères périphériques du
divertissement ou, au mieux, de l'esthétique. On y reviendra parce qu'il subsiste, dans
le jazz, quelque chose de cette fonctionnalité originelle, quelque chose qui nous rappelle
avec une salubre insistance que
la Musique n'est pas que la Musique
! Voici à titre
d’exemple un chant lié à la récolte du miel dans les forêts Okapi ; puis un petit montage
illustrant la place des tambours dans les représentations africaines et quelques images
de chants de travail :
02 • Babolibo - Chant de récolte du miel CD I, 2 (5’44)
Song from Okapi Forest CD Alt
Video. Musique fonctionnelle
Chants de travail, plantations, village etc Montage MJ
b. Prépondérance du rythme - Polyrythmie. Dans les exemples qui précèdent, il est
le plus souvent question de tambours : ce n'est évidemment pas l'effet du hasard. Ce
qui, avant toute autre considération,
frappe
(c'est le cas de le dire) un observateur
extérieur confronté pour la première fois à la musique africaine, c'est sans doute la
place prépondérante qu'accorde cette musique "intégrée" aux percussions, et à travers
elles, au rythme et, plus particulièrement, aux polyrythmes : une différence majeure
avec la musique occidentale, qu’elle soit savante ou populaire :
-
savante
: la musique dite "classique" (et que nos grands-parents appelaient "Grande
Musique", avec un mélange de respect et de crainte dans la voix), privilégie le plus
souvent la Mélodie ou l'Harmonie : elle suggère ou elle sous-entend le rythme plutôt
que de le mettre en exergue comme le fait la musique africaine (et comme le fera le
jazz). Rien d'étonnant dès lors à ce que les percussions n'aient guère été utilisés par
les grands compositeurs classiques, sinon à des fins de coloration ponctuelle.
-
populaire
: nos musiques de danse et nos chansons populaires accentuent certes
l'élément rythmique davantage que la musique classique, mais le rythme en question est
le plus souvent simple et transparent, quand il n'est pas carrément rudimentaire et
simpliste. Au contraire, la musique africaine - comme le jazz - est par essence
polyrythmique : des rythmes divers s'y superposent, s'y entrecroisent, s'y complètent,