LES THÉÂTRES DE MARSEILLE
POLITIQUE CULTURELLE RENCONTRE AVEC PATRICK MENNUCCI
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Zibeline : Comment comptez-vous infléchir la
politique culturelle du Conseil Régional ?
Patrick Mennucci : D’abord en la poursuivant. Il
n’y a pas de changement de majorité ! et je compte
m’inscrire dans la continuité du travail qui a été
mené lors des mandatures précédentes. Tout en
l’infléchissant sur plusieurs points. Tout d’abord,
comme cela ne vous a pas échappé, la délégation
regroupe Culture, Patrimoine et Tourisme. Je suis
persuadé qu’il faut bâtir des ponts entre ces trois
domaines.
En les regroupant ?
Non ! Il y aura toujours trois délégations, et des
budgets séparés. Mon idée est de valoriser la
culture par le tourisme. J’ai été pendant des années
directeur du Comité Régional du Tourisme, c’est un
secteur que je connais bien. Les professionnels y
parlent des vecteurs soleil et mer, du sport, à la
limite du patrimoine, mais ils ne se rendent pas
compte de tout ce que la culture leur rapporte.
C’est une valeur déterminante qui fait beaucoup
pour l’attractivité de notre territoire. Je veux
entreprendre une évaluation des retombées
économiques des investissements culturels, et
poser le problème en termes de rentabilité.
Vous pensez que la culture doit être rentable ?
Pas du tout ! Mais je pense que lorsqu’elle l’est il
faut le dire. C’est une question de visibilité. Il faut
faire comprendre au grand public, et aux acteurs
culturels eux-mêmes d’ailleurs, que les investis-
sements des collectivités territoriales ou locales ne
sont pas de l’argent dépensé pour rien, et que la
culture fait vivre les territoires. Cela ne veut pas
dire que les petits événements, les théâtres, les
compagnies devront devenir rentables. Il faut au
contraire montrer combien, globalement, le secteur
culturel rapporte à tous les intervenants, pour
légitimer la culture aux yeux de tous. Il y a
aujourd’hui des sociétés capables de déterminer les
retombées économiques d’un festival comme les
Chorégies d’Orange, ou d’un événement comme la
Feria d’Arles, pour donner un exemple de quelque
chose qui déborde le champ culturel. Nous allons
lancer rapidement un appel d’offre, et mettre en
place cette évaluation.
Cela a déjà été fait lors des grèves des intermittents
et des annulations des festivals. Les villes d’Aix et
Avignon ont constaté et chiffré l’énorme manque à
gagner…
Oui, mais cela a été fait en termes négatifs. Je veux
le faire positivement, montrer le formidable atout
que représente notre vie culturelle.
Pourquoi cette démarche d’estimer les retombées
des investissements culturels ?
Parce qu’il faut lutter très rapidement contre la
suppression de la compétence générale des
Régions. Si l’État nous interdit de mener une
politique culturelle, c’est dangereux non seulement
pour le secteur, mais pour tout le reste. L’argument
économique reste le plus convaincant aux yeux du
grand public.
Mais si le secteur touristique bénéficie des
investissements publics dans la culture, le monde
culturel peut-il en attendre une contrepartie ? Avec
la disparition de la taxe professionnelle, comment
obliger les entreprises à reverser à la culture une
part ce qu’elle leur apporte ?
C’est effectivement impossible de les obliger, on
peut essayer de les convaincre, de mettre en place
des partenariats, surtout avec les grandes
entreprises…
Comptez-vous changer les subventions accordées
par la Région ?
Dans les grandes lignes non, nous allons continuer
la politique entreprise.
Le budget s’élève à ?
À peu près 80 millions pour la culture seule, sans
compter les aides à l’emploi, et tout ce qui relève
de la politique de la ville, et qui est attribué au
secteur culturel.
Vous allez conserver ce budget ?
Oui, et sa répartition globalement, même si je veux
revoir certaines subventions, reconduites parfois
d’année en année sans être observées de près. Des
critères doivent être établis. Il n’est pas normal,
me semble-t-il, de subventionner une association
qui fabrique des masques de Venise et qui, avec
l’argent que nous lui accordons, finance quatre
séjours tous les ans au Carnaval.
Quels seront donc vos critères ? Le taux de
remplissage des salles par exemple, la
fréquentation, la réussite ?
Les critères de remplissage ne doivent bien sûr pas
être absolus, on ne peut pas demander à tout le
monde la même chose ; on ne peut employer les
critères de rentabilité d’une entreprise. De toute
façon il n’y aura pas de restriction, je voudrais
simplement établir des critères de pertinence.
D’ordre esthétique ?
Non, pas de jugements esthétiques, en tous les cas
cela n’est pas de mon ressort, je ne suis pas
Goebbels. Je peux personnellement préférer telle
ou telle chose, la culture populaire par exemple, le
off plutôt que le in à Avignon… mais je n’ai pas de
marotte, pas d’attachement exclusif à la danse, au
patrimoine ou au cinéma, et mes goûts ne
comptent pas. Je financerai ce qui doit l’être, que
j’aime ou non !
Le monde culturel a peur quand on lui parle de
culture populaire, parce que cela fleure parfois le
Patrick Mennucci, maire du 1er secteur de Marseille (1er et 7earrondissements)
et Vice-Président du Conseil Régional, vient d’être chargé par le Président Michel
Vauzelle d’une délégation importante, qui regroupe Culture, Patrimoine Culturel
et Tourisme. Il explique à Zibeline comment il conçoit sa mission
Rendre la culture visible
© Agnès Mellon
© Agnès Mellon